Le Mali, malgré ses efforts pour mobiliser des fonds sur le marché financier international, continue de faire face à des obstacles grandissants dans sa quête pour attirer des investisseurs. Une récente tentative d’émission de bons et d’obligations assimilables du Trésor, visant à lever 25 milliards de F CFA (environ 38 millions d’euros) via son Trésor public, s’est avérée en deçà des attentes. Cette situation met en lumière les difficultés économiques et politiques persistantes du pays.
Le 23 août dernier, cette opération avait pour but de mobiliser des fonds essentiels pour le Mali. Cependant, sur les 25 milliards de F CFA ciblés, seulement 9,5 milliards ont été mobilisés, ce qui équivaut à un taux de couverture de seulement 38 %. Cette levée de fonds décevante fait suite à une précédente tentative infructueuse au début d’août, où les autorités maliennes avaient dû se contenter de 23 milliards de F CFA sur les 30 milliards espérés pour couvrir leurs besoins de financement budgétaire.
Plusieurs facteurs sont en jeu, expliquant ces résultats décevants. Le contexte économique mondial et régional joue un rôle clé dans la capacité d’un pays à mobiliser des fonds sur les marchés financiers. Cependant, le Mali doit également faire face à d’autres défis, notamment l’instabilité politique, les incertitudes économiques et les crises régionales, notamment celles qui ont touché le Niger récemment, ainsi que les élections générales à venir.
Le Mali avait adopté une approche novatrice en utilisant le système d’enchères à taux et prix multiples, conçu pour attirer les investisseurs en déterminant les taux d’intérêt auxquels ils seraient prêts à acheter des obligations. Malgré cette stratégie, les résultats n’ont pas été à la hauteur des attentes.
Cette situation contraste avec les succès récents de pays voisins tels que la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso, qui ont réussi à attirer des investissements locaux de manière significative. Les analystes estiment que les problèmes de liquidités des banques maliennes et les préoccupations des investisseurs régionaux liées aux prochaines échéances électorales au Mali contribuent à cette prudence vis-à-vis des obligations maliennes.
En 2022, la dette du Mali atteignait près de 6000 milliards de F CFA, soit 50,4 % du produit intérieur brut (PIB). Bien que des sanctions aient été levées, le pays devait mobiliser plus de 1000 milliards sur le marché financier cette année pour faire face à ses obligations financières. Cependant, les émissions de dette en deçà des attentes mettent en péril les finances de l’Etat, créant ainsi un défi supplémentaire pour le Mali dans sa quête de stabilité économique.
Ces résultats ont des implications importantes. Une souscription insuffisante signifie que le pays pourrait avoir du mal à financer ses projets et ses dépenses prévues, ce qui pourrait potentiellement affecter le développement économique et les services publics.
Cependant, il est important de noter que la situation peut évoluer avec le temps, et le Mali peut explorer d’autres options pour mobiliser des fonds, telles que des réformes économiques pour attirer les investisseurs ou des discussions avec des partenaires internationaux.
Pour atteindre ses objectifs de développement économique et de prospérité pour sa population, le Mali doit travailler à créer des conditions de stabilité politique. L’analyse des résultats de cette émission de dette doit servir d’alerte pour le gouvernement, en vue de prendre des décisions éclairées et d’ajuster les stratégies financières pour l’avenir.
Etienne Fakaba Sissoko
Professeur d’économie à la Faculté des sciences économiques et de gestion
Centre de recherche et d’analyses politiques, économiques et sociales du Mali
Mali Tribune