C’est acté dans un mémorandum long comme un bras et abondamment diffusé, dans la nuit de lundi, sur les réseaux sociaux avant de faire les gros titres des médias hier mardi: le Premier ministre Choguel Maïga, par le biais du M5-RFP rejette, avec véhémence et force démonstration, le sort fait à son projet de loi électorale par le Conseil National de Transition (CNT) le vendredi 17 juin précédent.
De ce document articulé autour de l’Autorité Indépendante de Gestion des Élections (AIGE), présenté comme le résultat des desiderata exprimés par » le peuple malien » à travers ateliers, symposium, rencontres et concertations, il reste peu de choses, dans l’entendement du chef du gouvernement, après les 92 amendements de l’organe législatif de la transition qui sont passés par là. Sans compter le procès fait à ce dernier d’avoir tenté, à travers l’adoption de ce texte dans sa mouture initiale, de faire main basse sur le processus électoral à des fins éloignées de « la refondation de l’Etat ».
Pour sortir de l’impasse ainsi créée, susceptible de paralyser le fonctionnement de la Transition, la Coalition qui a mené la mobilisation anti-IBK et dont Choguel Maïga reste le président du comité stratégique « suggère au président de la Transition de ne pas promulguer la loi amendée et adoptée par le CNT en l’état et de la renvoyer pour une seconde lecture afin de prendre en compte les véritables exigences du peuple malien issues des Assises nationales de la refondation pour poser les fondements solides du Malikura ».
La démarche est légitime, l’exercice républicain mais pas aisé pour le colonel Assimi Goïta. En répondant positivement à la sollicitation qui lui est faite, l’intéressé court le risque de s’attirer les foudres d’une entité qui vient de démontrer, par un vote massif et sans appel (115 pour, 3 contre, zéro abstention) qu’en plus d’être soudée, elle n’est pas « une caisse de résonance » ou « une chambre d’enregistrement « . On la verrait mal, en effet, si grande soit l’estime voire la reconnaissance qu’elle porte au président de la Transition, se prêter au jeu peu honorable (c’est le cas de l’écrire) de détricoter ce qu’elle a tricoté après un trésor d’efforts et de temps.
Par ailleurs le colonel Goïta est engagé dans une course contre la montre. Il est tenu de poser des actes concrets en nombre significatif pour convaincre la CEDEAO de sa volonté d’aller aux élections dans un délai à déterminer d’un commun accord et faire lever, à partir du 3 juillet prochain, » de façon graduelle » les sanctions » illégales » et « asphyxiantes » qui frappent le Mali depuis plus de cinq mois. Il a déjà à son actif la création d’une commission pour la rédaction d’une nouvelle Constitution (10 juin) et la loi électorale votée une semaine plus tard.
Les prochaines étapes devraient se rapporter à l’accélération du programme DDR pour garantir la tenue des élections dans toutes les régions septentrionales, le redéploiement de l’administration et des services sociaux de base dans les zones libérées de l’emprise terroriste, le parachèvement du processus de réorganisation territoriale pour la prise en compte des localités nouvellement créées dans l’architecture institutionnelle post-électorale, le retour des déplacés et des réfugiés etc. Toutes ces tâches devant être menées concomitamment avec la sécurisation du territoire national qui s’avère une entreprise permanente.
Les défis sont donc légion et le temps presse. Aussi le chef de l’Etat pourrait juger peu pertinent voire franchement contre-productif de faire relire la loi électorale par le CNT. D’autant plus que, jusque-là, elle ne semble mécontenter que le seul M5-RFP.
Un M5-RFP qui, au demeurant, dévasté par les départs successifs des grands ténors (politiques et religieux) qui ont fait sa gloire, n’est plus que l’ombre de lui-même.
La politique est souvent décrite comme une affaire de rapport de forces, une confrontation pacifique par laquelle des forces organisées cherchent à dominer d’autres pour imposer leurs visions ou intérêts dans la société. Entendue sous ce rapport là position de Choguel Maïga est défavorable.
Saouti HAIDARA
Source: L’Indépendant