«Je peux vous dire aussi qu’il est déjà sur la table de la CEDEAO la création d’une force anti-putsch….Nous sommes au 21ème siècle. Le coup d’Etat est inadmissible et inacceptable …. Non !… C’est le peuple qui a le droit de sanctionner les dirigeants…», a souligné le Président de la République de Guinée-Bissau, Président en exercice de la Conférence des Chefs d’Etats et de gouvernements de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), Umaro Sissoco Embalo. C’était le 28 juillet dernier. Le Général Umaro Sissoco Embalo n’a pas donné plus de détails sur cette force anti-putsch qui sera le bras armé de l’organisation sous-régionale pour empêcher la conquête du pouvoir par la force. La fin d’une certaine flexibilité et d’une clémence de la CEDEAO à l’égard des auteurs des coups d’Etat militaires ?
Dans une sous-région tourmentée par des coups de force militaires, la création d’une telle force est devenue une nécessité, voire un passage obligé. Pour qu’une telle force puisse atteindre ses objectifs, il faut que les membres de la CEDEAO soient en première ligne dans son financement. Dans une certaine mesure, l’Union africaine (UA) peut apporter un appui conséquent dans la constitution et le financement de cette armée sous-régionale dont la création est en soi dissuasive. Etant la première armée de la sous-région, le Nigéria doit accepter d’assumer pleinement et efficacement son rôle de leader dans le pilotage de cette force.
«Les coups d’Etat n’ont réglé aucun problème car les armées sont ravagées par la corruption. Ce serait une illusion de penser que les militaires sont propres et que les civils sont sales. Les militaires sont comptables de la gabegie, de népotisme et de corruption dans nos Etats», a souligné l’historien et homme politique sénégalais, Professeur Abdoulaye Bathily, lors d’un webinaire tenu le 31 janvier 2022 sur la question sécuritaire au Sahel.
Les coups d’Etat militaires constituent des reculs majeurs pour l’Afrique de l’Ouest. Une région où des peuples à travers des choix dans les urnes ont prouvé qu’il est possible d’aller à une alternance pacifique du pouvoir. Après des décennies de régime militaire, le Nigéria avance dans la démocratie avec des élections où le parti au pouvoir perd la bataille électorale. Idem pour le Ghana. Le Libéria et la Sierra Leone se remettent courageusement des années noires de guerre civile avec des scrutins où les perdants saluent les vainqueurs. Après les errements de feu Mamadou Tandja, le Niger est en train d’accomplir des progrès considérables dans le domaine du développement socio-économique. Les Gambiens ont remercié Yahyah Jammeh dans les urnes. Le peuple sénégalais vient de démontrer, à travers les législatives du 31 juillet 2022, sa maturité démocratique. Déjà, il avait refusé de renouveler sa confiance en 2000 et 2012 aux Présidents Abdoul Diouf et Me Abdoulaye Wade. La sous-région connait d’autres exemples de transmission pacifique du pouvoir.
Toutefois la mise en œuvre de l’initiative de l’actuel président en exercice de la Cédéao doit tenir compte des conditions dans lesquelles surviennent ces coups de force condamnés par les textes communautaires. Cette force empêchera-t-elle les chefs d’Etats qui font fi du fait qu’ils détiennent leur légitimité du peuple et donc leur légalité à exercer le pouvoir en son nom, de se permettre tous les abus contre ce même peuple, faudrait-il torpiller la Constitution à cette fin ?
L’initiative peut donc être salutaire si elle pouvait imposer à ces gouvernants hantés par les putschs le respect des règles démocratiques et de bonne gouvernance !
Chiaka Doumbia/Le Challenger