Suite à la publication d’un précédent édito (intitulé « L’excitation à la violence »), un commentaire d’un internaute, d’un ami m’interpelle et nous interpelle. Il évoquait « les compatriotes qui à longueur de journée trompaient les populations avec des débats puériles et stériles autour de faux problèmes et de l’Accord d’Alger, comme si sans cet accord, aucune paix n’est possible ». La réflexion a le mérite de poser un débat : Peut-on se passer de l’accord d’Alger ?
Les premiers protagonistes ne vont pas se blanchir les cheveux pour répondre à cette interrogation. La négative prendra le dessus avec une forte conviction et presqu’un mépris pour ceux qui tenteront de défendre le contraire. Pourtant c’est l’exercice auquel l’on veut se prêter dans ce texte.
L’Accord pour la Paix et la Réconciliation, issu du processus d’Alger, bien qu’accueilli avec ferveur en 2015, date de sa signature, n’a pas réussi à avoir l’assentiment du peuple malien. Six ans après, l’Accord n’impose toujours pas la paix au Mali. A contrario, les attaques contre les forces armées régulières et républicaines ont connu un rythme fou avec des dégâts encore plus colossaux. Les signataires, bien que réuni dans le cadre du CSA (Comité de Suivi de l’Accord) n’ont jamais pu parler d’une seule et même voix. Le discours dans les beaux hôtels de Bamako contraste d’avec les actes et les actions sur le terrain.
Au fil des difficiles années de sa mise en œuvre, une voix, d’abord discordante et ensuite unanime au niveau de la classe politique, a demandé sa relecture. Le Dialogue national inclusif (DNI) a été assez clair sur le sujet et le pouvoir de transition s’est engagé sur les recommandations de ce DNI.
Les récents développement politique, qui ont vu le CSA se réunir à Kidal avec comme symbole le drapeau malien hissé, l’on pourrait croire que la vitesse de croisière a été trouvée. La récente sortie du président Macron, qui félicite, les autorités de transition qui ont « donné plus de gages en 3 mois de gestion que le pouvoir précédent en 3 ans », tend a favorisé ce sentiment d’une paix presqu’acquise. Le paradoxe de cette déclaration étant que certaines presses étrangères (françaises surtout), accusaient, il y’a quelques années, le Président de la transition, Bah N’Daw d’avoir bloqué la mise en œuvre de l’Accord quand il était Ministre de la défense sous IBK.
Cependant, sur le terrain la paix ne s’explique pas dans les termes de l’Accord issu du processus d’Alger. Les populations, surtout dans le centre du Mali, réussissent à installer une sorte d’accalmie avec leurs propres accords et mémorandums. Dans le septentrion, les signataires de l’Accord ne semblent plus parler au nom du peuple de Kidal. Malgré deux entrées dans le Gouvernement, les ex-rebelles, n’arrivent pas à faire adhérer certaines franges des populations aux idéaux d’un Mali uni et en paix. Ce décalage entre ceux qui discutent au nom du peuple et le peuple montre à suffisance que l’Accord de paix n’est pas près de voir un épilogue dans les prochaines années.
La solution pourrait être que les populations s’imposent aux politiques et s’imposent à elles-mêmes ce réflexe de la paix. Si elles parlent entre elles, si elles acceptent de convenir de la marche à suivre, elles rendront l’Accord d’Alger caduque de fait et avec lui, les dépenses colossales dont les retombées sont uniquement pour les signataires et non pour le peuple.
Yacouba KEBE