Le Président de la Commission nationale des droits de l’Homme (CNDH), Aguibou Bouaré, a animé une conférence de presse, le jeudi 12 août 2021 à l’Amitié Hôtel de Bamako. Au cours de cette conférence de presse, il a présenté le rapport annuel 2020 de la CNDH. C’était en présence du Ministre de la Justice et des Droits de l’Homme, Garde des Sceaux, Mahamadou Kassogué, des représentants des départements de la Communication, de l’Economie numérique et de la Modernisation de l’Administration, de la Défense et des anciens Combattants, de la Sécurité et de la Protection civile, des organisations des défenses des droits de l’Homme, des commissaires de la CNDH et d’autres partenaires.
Le rapport examiné est centré sur six axes portant sur la situation des droits de l’Homme au Mali. Le président de la CNDH a ainsi passé en revue, l’état des droits civils et politiques; des droits économiques, sociaux et culturels; des droits des personnes vulnérables; de la situation carcérale et les conditions de détention, ainsi que du droit à un environnement sain, le tout couronné par des recommandations générales.
Le rapport, déclare Aguibou Bouaré, met un accent particulier sur la question de l’esclavage par ascendance dans la région de Kayes, qui connaît une évolution inquiétante, en raison, notamment des manifestations de plus en plus violentes qui ont conduit à des pertes en vie humaine, des atteintes à l’intégrité physique et morale, des atteintes au droit de propriété, des déplacés internes, etc.
Selon Aguibou Bouaré, il ressort du rapport que l’année 2020 a été particulièrement éprouvante pour les populations.
Elle a été, à ses dires, marquée par des abus et violations graves des droits de l’Homme constitutifs d’atteintes aux droits à la vie et au respect de l’intégrité physique, à la liberté de presse, de manifestation, de cortège et de réunion, perpétrés, notamment au centre et au nord du pays, ainsi que lors de la crise sociopolitique qui a abouti au départ du régime IBK et des évènements subséquents. Ces abus et violations enregistrés, indique le rapport, sont en lien avec les conflits communautaires, la crise sociopolitique et la pratique de l’esclavage par ascendance, etc. Les droits à l’éducation et à la santé n’ont pas été omis par le rapport.
Le droit à l’éducation, souligne Bouaré, a souffert d’effectivité dans tout le pays, en raison, singulièrement, des fermetures d’écoles sur menaces de groupes terroristes, de la pandémie de Covid-19 et des grèves récurrentes du corps enseignant. Par rapport au droit à la santé qui n’a pas échappé aux violations aussi, Aguibou Bouaré note qu’en plus de l’absence des services de santé dans les zones de conflits, l’exercice du droit de grève a également affecté ce droit fondamental, à cause des nombreux mots d’ordre de grève. Sur le droit des personnes privées de liberté et la situation carcérale, Bouaré a fait savoir qu’ils ont connu un léger progrès avec la décongestion des prisons suite à la grâce présidentielle accordée à certains détenus en raison de la Covid-19.
Cependant, martèle Aguibou Bouaré, les plus grands défis demeurent la surpopulation carcérale, le dépassement des délais de garde à vue et les conditions de détention souvent infrahumaines. Concernant les droits de la femme, Aguibou Bouaré a indiqué qu’ils ont connu également un léger progrès, notamment à travers la représentativité dans les instances de décision. « Par ailleurs, force est de constater que les Violences Basées sur le Genre (V.B.G.) ont augmenté dans le pays, notamment dans la région de Mopti où les viols collectifs et la répudiation sont monnaie courante », regrette-t-il. S’agissant de la situation des enfants, dit Bouaré, les violences à l’égard des enfants affectés par les conflits armés ont fait l’objet d’une attention particulière, surtout dans le centre du pays. Concernant les droits des personnes en situation de handicap, le président de la CNDH a souligné que le rapport déplore le non aménagement spécial des bâtiments et lieux publics en vue de permettre leur accessibilité aux personnes handicapées. « Sur ce point, la CNDH recommande vivement la ratification et la mise en œuvre, ainsi que le suivi du protocole à la charte africaine des droits de l’Homme et des peuples (CADHP) relatif aux droits des personnes handicapées en Afrique ; la prise du décret d’application de la loi relative aux droits des personnes vivant avec un handicap », dit Bouaré. En outre, ajoute Bouaré, le rapport traite le droit à un environnement sain, obligeant l’Etat à prendre des mesures concrètes dans la mise en œuvre de ses engagements en faveur des populations sur l’étendue du territoire national. « Enfin, le rapport formule, à l’intention du gouvernement, des recommandations générales qui portent entre autres sur : la sécurisation des personnes et de leurs biens sur toute l’étendue du territoire national ; le renforcement de l’institution judiciaire en ressources humaines, matérielles et financières lui permettant d’enquêter et de statuer sur les cas de violations graves des droits de l’Homme commises au Mali ; l’adoption d’une loi réprimant l’esclavage et les pratiques assimilées ; l’adoption d’une loi réprimant les V.B.G. ; le renforcement et l’amélioration des mécanismes de lutte contre la corruption et la mauvaise gouvernance dans le respect des droits de l’Homme ; l’organisation régulière des sessions de formation à l’intention des détenus sur leurs droits; l’institutionnalisation de la célébration de la journée internationale dédiée aux personnes atteintes d’albinisme ; la relecture des textes régissant les services de la Sécurité d’Etat ; la mise en œuvre des recommandations formulées à l’intention du Mali lors de l’Examen périodique Universel (EPU) 2018 et des organes de traités », a recommandé le président de la CNDH, Aguibou Bouaré
Le Ministre de la Justice et des Droits de l’Homme, Garde des Sceaux, Mahamadou Kassogué, a félicité le président de la CNDH et son équipe pour la qualité du document produit dans le cadre du rapportage pour la protection des droits de l’Homme en 2020. « La protection des droits de l’Homme est un combat noble qui concerne tout le monde : Etat, organisations des défenses des droits de l’Homme, citoyens. Tout ce que je peux vous dire ici, c’est que vous avez un homme à la tête du département de la justice aujourd’hui qui est avec vous pour que les droits de l’Homme soit respectés », a rassuré le ministre de la justice, Mahamadou Kassogué.
Hadama B. Fofana
Source: Le Républicain