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DECRYPTAGE Goïta/Maïga : être à la hauteur de l’histoire

Le principal adversaire du Mali a bien un visage : la corruption, la criminalité, l’insécurité, la pauvreté et l’exclusion. Pour les combattre, la classe dirigeante doit être à la hauteur de l’histoire en évitant de tourner en rond.

Le coup politique de Choguel Kokalla Maïga

C’est l’heureuse surprise des premiers jours du gouvernement de l’exécutif actuel : un apaisement. Même si sur le front sécuritaire, les victimes civiles et militaires continuent. Quelques éléments d’explication se dessinent. Le Premier ministre actuel, Choguel Kokalla Maïga, est issu des rangs du M5-RFP, le mouvement contestataire, le rouleau compresseur, à l’origine de la chute d’IBK en août 2020. En dépit des jeux de posture au sein du M5-RFP, Choguel Kokalla Maïga a réussi son coup politique. C’est-à-dire que sa pression médiatique sur l’exécutif précèdent a fini par payer. Depuis 1 mois, il est le premier Ministre du Mali. Alors même qu’il a dénoncé le Conseil National de Transition (CNT), comme un organe législatif « illégal et légitime » faute d’être inclusif. Patatras, le même CNT reste l’organe législatif avec lequel il travaille. Malheureusement, c’est une des contradictions du jeu politique, contribuant à creuser le fossé entre la classe politique et les citoyens. Espérons que l’exécutif actuel ne tournera pas en rond.

 

Goïta, un manœuvrier

Un autre élément explicatif de ce climat serein pour l’exécutif actuel, Goïta et Maïga semblent avoir des fils conducteurs pour leur pouvoir : s’écouter et se comprendre. Lesquels fils manquaient dans la relation entre Bah N’Daw, ancien Président de la Transition et Assimi Goïta, anciennement vice-président de la Transition. Bah N’Daw l’a joué solo alors qu’il a été nommé par Assimi Goïta. Le manque de reconnaissance du grand-frère, Bah N’Daw, envers le petit-frère, Assimi Goïta, a nourri les tensions et a précipité la chute du grand-frère. Des sources bien informées diraient que Bah N’Daw a été piégé. Mais, la réalité, il a payé cher l’erreur, celle d’avoir mis à l’écart son Vice-président. Ainsi va le jeu politique, semblable au jeu d’échec où on sacrifie une pièce pour avancer. Bah N’Daw a été déchargé de ses fonctions, et Assimi Goïta est devenu Président de la Transition. Rejeté dans un premier temps par Paris à cause de son coup de force de mai dernier, Assimi Goïta s’installe au sommet de l’Etat. Il semble être un bon manœuvrier. Par ailleurs, les pressions de Paris (tentative de retrait de Barkhane, rupture des opérations militaires conjointes) ont plutôt contribué à souder les liens entre Goïta et Maïga. Elles ont aussi permis aux deux hommes de ressouder leurs liens. L’Elysée a compris, et désormais les coopérations militaires ont repris.

 

Sortir du discours et des réunions sans fin

Sur un tout autre plan, Bamako retrouve ses préoccupations habituelles : débat sans fin autour des sujets d’intérêt local. Ici et là, on s’épie. Le risque, glisser encore dans une période d’excitation politique, parfois inutile, qui risque de revenir sur l’exécutif comme un boomerang. Par exemple, la question d’un organe unique et indépendant de gestion des élections, une recommandation du Dialogue national inclusif, préoccupe la classe politique. Certes, l’atelier des 29 et 30 juin sur la mise en place de cet organe a tranché : en raison « du délai restant de la transition, une large majorité des participants estime que son effectivité ne sera pas possible… Ils proposent l’organisation des élections par les structures existantes (MATD-DGE-CENI) en renforçant les missions de la Ceni… ».  Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’exécutif actuel n’a pas réussi sa première tentative de reformer. Même si, à sa décharge, il est allé dans le sens des souhaits du peuple dans le cadre du DNI de 2019. Hélas, le contexte de 2019 n’est pas celui de 2021. Les Maliens veulent des actes concrets sur la redynamisation de l’Armée (en effectif et en matériels), la sécurisation du reste du territoire, le retour de l’administration, etc. Enfin, il est plutôt question de sortir du discours, des réunions sans fin et des conseillers d’un jour, pour s’inscrire dans un vrai projet de refondation, tel que l’avait imaginé le M5-RFP.

 

Le succès d’un pouvoir se joue dans les tous premiers jours

Pour finir, ce qui ne doit pas échapper à l’exécutif actuel, c’est que seul un volontarisme politique pour oser faire bouger ce qui bloque depuis toujours pourrait redonner confiance aux Maliens. Il faut sortir du bourbier sécuritaire. Qu’on se le dise, le succès d’un pouvoir se joue dans les tous premiers jours. Concrètement, l’exécutif actuel doit assécher l’abreuvoir de la corruption, resécuriser le Mali, cesser les humiliations dont sont victimes quotidiennement les Maliens. Faute de quoi, il court le danger de retomber dans le même ronronnement que ses prédécesseurs. Il est donc temps de sortir de cette image d’impuissance inhibant toute forme de projection pour le Mali. Prendre soin du Mali, c’est s’engager dans un processus de revitalisation démocratique où la corruption, la criminalité, l’insécurité, la pauvreté et l’exclusion sont combattus. Certes, pour l’exécutif actuel, le climat est apaisé. Goïta et Maïga marchent pour l’instant les yeux ouverts. S’ils réussissent, ce sera un immense héritage pour les futures générations.

Mais pour faire un seul Mali, devrions-nous être terrifiés par le lien à la vérité ?

Comment faire en sorte que Bamako laisse la place au reste du territoire ?

 

Mohamed AMARA

Sociologue

SourceMali Tribune

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