Déclaration de la CNAS-FASO HÈRE
Le Parti de l’Avant-garde Militante et Révolutionnaire du Peuple Malien
En réponse aux propos mal inspirés de Monsieur Emmanuel Macron Président de la République française
Le mardi 28 février 2023 et en prélude à un voyage dans quelques pays d’Afrique, le Président Emmanuel Macron a exposé sa vision de la politique africaine de la France. Curieusement, obnubilé par la vague déferlante du sentiment anti-français dans plusieurs pays africains, dont le Mali, M. Macron n’a pas trouvé d’autre parade que la stratégie du bouc émissaire et de l’autruche.
En effet, d’après le locataire de l’Elysée, la France est tout simplement la victime expiatoire collatérale de ce qu’il qualifie d’échec de la classe politique malienne à résoudre les problèmes du Mali, ni plus ni moins.
Ce faisant, non seulement il met injustement toute la classe politique malienne dans le même sac en jetant l’opprobre aussi bien sur les régimes civils successifs que sur les acteurs politiques et sociaux qui n’ont jamais participé à la gestion des affaires publiques, mais aussi et surtout, il croit pouvoir absoudre l’État français de toute responsabilité dans la crise qui secoue plusieurs de ses anciennes colonies d’Afrique, et singulièrement le Mali.
À supposer même que la classe politique malienne n’ait pas réussi à redresser le Mali, la question pertinente que M. Emmanuel Macron aurait dû se poser est la suivante: pourquoi cela se traduirait-il par l’émergence d’un sentiment populaire hostile à la France seulement, et non aux États Unis d’Amérique, à l’Allemagne, à la Russie, à la Chine, ou à l’Union Européenne etc… Pour faciliter la tâche à M. Macron, qu’il suffise de rafraîchir sa mémoire sur des faits récents imputables à l’État colonial français et non à la classe politique malienne.
a) Qui a pronostiqué, en fin 2019, que “l’État malien implosera dans trois mois et les djihadistes prendront le pouvoir à Bamako” ?
b) Qui a prescrit, en début 2020, que la solution à la crise malienne doit passer par l’émergence d’une coalition de leaders religieux, de leaders de la société civile et de leaders politiques ? Suivez notre regard…
c) Qui a envoyé, dès les toutes premières heures de la matinée du 19 août 2020 et alors même que le coup d’État était encore loin d’être consommé, un message à toutes ses Ambassades dans les États membres de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) intimant qu’il “n’était pas question de remettre Ibrahim Boubacar Keïta au pouvoir”, fauchant ainsi l’herbe sous les pieds des pays de l’Organisation régionale ouest-africaine qui dispose pourtant d’instruments juridiques et de l’expérience requise pour faire échec aux tentatives inconstitutionnelles d’accession ou de maintien au pouvoir ?
d) Quel est ce Gouvernement qui a encensé la junte militaire en affirmant publiquement et par la voix officielle la plus autorisée qu’elle avait réussi à faire en trois (03) mois ce que le régime de M. Ibrahim Boubacar Keïta n’avait pas réussi en sept (07) ans ? C’est le lieu de rappeler à M. Macron que, durant les soixante-trois (63) premières années de l’Indépendance, les militaires ont dirigé le Mali pendant, plus de trente-sept (37) ans, soit plus de temps que la classe politique que M. Emmanuel Macron vilipende aujourd’hui. Durant ces trente-sept (37) années au pouvoir, ils ont régné d’abord en kaki, ensuite en basin brodé, puis en casquette et aujourd’hui en uniforme avec masque. En particulier, la dictature CMLN/UDPM a laissé derrière elle un lourd passif politique, moral, économique, financière, militaire et sécuritaire.
e) Quel est ce Chef d’État européen qui a exprimé son inquiétude à l’idée qu’avec le “coup d’État dans coup d’État” du 25 mai 2021, l’islamisme “radical” ne l’emporte face à “l’islamisme modéré” dont il voulait manifestement faire, à l’instar du modèle Donal Trump/Talibans en Afghanistan, sa carte maitresse pour conserver ses positions dominantes au Mali, quel qu’en fût le prix pour la jeune démocratie que le Peuple malien a arrachée de haute lutte le 26 Mars de l’An de grâce 1991 ?
Au surplus, une toute petite piqûre de rappel de l’histoire contemporaine des interférences le plus souvent négatives de l’État français dans la gestion publique au Mali permettrait probablement à M. Macron de revenir sur terre et de mieux situer l’origine du désaveu populaire dont sa politique fait l’objet dans notre pays. Ainsi:
1. M. Macron doit se rappeler que c’est la France qui a semé la graine de l’irrédentisme et du séparatisme chez une partie de nos frères Touareg, particulièrement dans la région de Kidal, à travers son projet machiavélique de création de l’OCRS (Organisation Commune des Régions Sahariennes) destinée à préserver sa mainmise sur les énormes ressources minières de cette vaste zone au moment où l’accession de ses colonies à l’Indépendance se profilait à l’horizon. Cet irrédentisme sur fond de racisme, d’esclavagisme et de féodalisme à l’encontre de la vaste majorité des populations de la zone, le Mali le traîne comme un boulet rouge depuis l’Indépendance et sert toujours à alimenter des vagues de rébellion indépendantiste qui constituent un ferment essentiel de la crise multidimensionnelle qui secoue le Mali.
Le locataire de l’Elysée ne doit pas oublier non plus que c’est un officier français qui a rédigé la fameuse lettre adressée au Général De Gaulle prétendument au nom des notables de l’Adrar demandant à ne pas être rattachés à la République Soudanaise, car selon l’État colonial français “il n’y a pas d’exemple de pays dans l’histoire où les noirs commandent aux Blancs, les Touaregs doivent refuser d’y faire la première exception”.
2. C’est encore l’État français qui a torpillé le processus de création d’une grande Fédération regroupant cinq (05) anciennes colonies françaises (Dahomey, Haute Volta, Niger, Sénégal et Soudan) sous l’égide du Président Modibo Keïta, finalement réduite à un face-à-face Sénégal/Soudan. Autant le Président Modibo Keïta avait compris que des micro-États avec des micro-économies n’étaient pas viables, autant la France insistait sur son projet de balkanisation afin de pouvoir maintenir sa corde au cou de ses ex-colonies auxquelles elle n’accorda qu’un simple “transfert de compétences”. En fin de compte, c’est encore l’État français qui, à travers un coup d’État militaire contre le Président du Gouvernement Fédéral, M. Modibo Keïta, a causé l’éclatement de la Fédération du Mali, dans la nuit du 19 au 20 août 1960.
3. Dans ce contexte, il est important de rappeler que le Général De Gaulle n’a jamais voulu entendre parler de l’Indépendance pour les anciennes colonies françaises, comme il l’a clairement affirmé lors d’une conférence à Dakar, comme il l’a démontré en s’emportant dans la même capitale sénégalaise contre les porteurs de pancartes réclamant l’Indépendance. Témoin aussi son énervement manifeste à Conakry, au point d’oublier son képi de Général à la sortie de la salle lorsque Monsieur Sékou Touré a clairement annoncé que la Guinée voterait non au Référendum du 28 septembre 1958 par ce que “préférant la liberté dans la pauvreté à l’opulence dans l’esclavage”. Ce n’est pas par hasard que la France imposa aux ex-colonies la formule du “transfert des compétences” en lieu et place de la formule claire, nette, pure, simple et limpide de leur accession à l’Indépendance. On se rappelle que, le 04 avril 1960, même l’accession de la Fédération du Mali à l’indépendance a pris la forme d’un “transfert de compétences” à la République du Sénégal et à la République Soudanaise, prises séparément.
4. Pour punir le jeune État indépendant du Mali pour la hardiesse de sa proclamation d’Indépendance du 22 septembre 1960, accompagnée de la confirmation du choix de la voie de développement socialiste et surtout, deux ans plus tard, de la création du franc malien en lieu et place du Franc CFA, c’est le même État français qui activa une rébellion Touareg dans la zone de Kidal pour empêcher le Gouvernement malien de se concentrer sur la mise en œuvre de l’énorme agenda de développement économique et social que représentait le Plan Quinquennal 1961-1965. Au demeurant, lorsque, à la suite du 20 janvier 1961, le Gouvernement du Mali a refusé d’accéder à la demande française de conserver la base aérienne de Tessalit, l’État colonial français menaça ouvertement les dirigeants maliens de leur faire payer le prix fort pour, disait-il, “leur concubinage avec le Front de Libération Nationale de l’Algérie”.
5. C’est toujours le même État néo-colonial français qui, nourri à la sève du néocolonialisme et de l’impérialisme et de crainte de voir sa chasse gardée qu’incarnait le Franc CFA (à l’origine franc des Colonies Françaises d’Afrique avant de se faire appeler franc de la Communauté Financière Africaine) lui échapper, organisa le sabotage systématique du franc malien en inondant le pays de faux billets, contribuant ainsi à l’inflation et à la perte de confiance dans la monnaie nationale.
Ensuite, faisant mine d’aider le Gouvernement malien à restaurer la confiance dans la monnaie nationale en prétendant en garantir la convertibilité extérieure, c’est le même État néo-colonial français qui imposa une dévaluation sauvage et punitive de 50% alors même que les études techniques du Fonds Monétaire International (FMI) indiquaient un taux de dévaluation situé entre 23% et 25%.
6. De guerre lasse, comme le géant malien sous le leadership visionnaire et expérimenté du Président Modibo Keïta tenait toujours débout sur ses pieds, ce n’est nul autre que le même État néo-colonial français qui actionna son réseau d’ex-membres de sa Légion étrangère pour fomenter et exécuter le coup d’État antinational et néo-colonial du 19 novembre 1968.Pour ne laisser aucun doute quant au parrainage français de leur coup de force, les putschistes de novembre 1968 baptisèrent leur junte “Comité militaire de Libération Nationale”, en écho au Comité français de la Libération Nationale que le Général De Gaulle avait installé à Alger en 1943.
7. Du reste, le coup de force diligenté par le tristement célèbre Jacques Foccart était initialement prévu pour le 20 janvier 1969, date anniversaire de la fête de l’Armée malienne. C’est le même État français qui , à travers le même Jacques Foccart qui s’était rendu à Bamako en début novembre 1968 sous le couvert trop transparent de la réunion de la Commission mixte franco-malienne, a poussé les conjurés à avancer la date de leur coup de force afin d’empêcher la construction par la Chine de la ligne de chemin de fer Bamako-Conakry dont les travaux devaient commencer en janvier 1969 et qui aurait fortement contribué à réduire les frais d’approche et le coût des importations et des exportations du Mali, pays enclavé, tout en réduisant sa dépendance économique vis-à-vis de deux (02) ex-colonies tombées dans le giron du néo-colonialisme français.
8. Après leur forfait et leur parjure (l’Armée avait prêté publiquement serment de rester fidèle au régime), les ex-membres de la tristement célèbre Légion étrangère française se précipitèrent pour expulser du Mali les experts soviétiques qui, dans le cadre de la coopération entre le Mali et l’ex-Union Soviétique, avaient installé dans le Sahara malien deux (02) plateformes d’exploration et d’exploitation pétrolières, privant ainsi pour longtemps le jeune État de la manne financière qu’il aurait pu tirer de son sous-sol.
9. Le sabotage de l’économie du Mali par l’État colonial français ne se limita pas seulement aux manœuvres de coulage du franc malien. En effet, il fallait empêcher le jeune État indépendant de mettre en œuvre son programme d’industrialisation lourde et légère en torpillant tout effort de développement de l’énergie à usage industriel. C’est ainsi qu’il fit traîner en longueur, sur presque dix ans, les études techniques (sur financement du FAC, le Fonds français d’aide et de coopération) du projet de barrage hydroélectrique de Sélingué. Annoncé pour décembre 1968, le démarrage des travaux en fut renvoyé aux calendes grecques par le coup de force militaire du 19 novembre de cette année.
10. La propagande de l’Elysée, relayée aujourd’hui par les nostalgiques de la dictature CMLN/UDPM, surestime délibérément l’influence du discours de la Baule (juin 1990) sur le déclenchement et l’accélération du vent de la soif de démocratisation qui, en fait, soufflait déjà sur les ex-colonies françaises, en partie alimenté par les échos de la politique de “glasnost” et de “perestroïka” enclenchée en ex-Union Soviétique par M. Michael Gorbatchev.
En effet, il convient de rappeler que la Conférence Nationale du Bénin eut lieu en février 1990. Deux (02) mois plus tard, un coup d’État militaire mené par le Sergent-Chef IB faillit emporter le président Felix Houphouët Boigny de Côte d’Ivoire, lequel ne dut son salut qu’à l’intervention musclée des soldats français de la base de Grand Bassam pour empêcher que les mutins ivoiriens ne prennent le contrôle de la Radio Télévision d’État. À la même période, le soulèvement populaire contre le président Oumar Bongo faillit emporter cet autre pilier de la Françafrique.
11. Au Mali, la revendication populaire du multipartisme et de la démocratie est antérieure au sommet de la Baule. En effet, en novembre 1989 déjà, à l’occasion d’une conférence-débat tenue au Palais de la Culture de Bamako, des voix s’élevaient pour mettre en cause le régime de Parti unique, d’autant plus que ce dernier qui, aux dires de son Secrétaire Politique lui-même, avait “atteint son seuil d’incompétence”, n’avait pas de réponse aux graves problèmes socioéconomiques qui le minaient: retard de paiement des salaires de la Fonction publique, chômage des jeunes diplômés, des compressés et licenciés du secteur public, misère et émigration d’un grand nombre d’enseignants, crise de l’école avec ses doubles et triples vacations, effectifs pléthoriques, fournitures, tables-bancs, et uniformes à la charge des parents vivant déjà pour l’écrasante majorité, en deçà du seuil de pauvreté sans oublier ses “Karata bougounis” (classes en paillotte), paupérisation des campagnes entraînant un exode rural massif vers les bidonvilles et les trottoirs de Bamako etc….. À cette occasion, un jeune participant lança cette mise en garde prémonitoire au régime: “Les jeunes diplômés chômeurs n’en peuvent plus. Ils sont acculés, le dos au mur de la colline de Koulouba. Ils ne peuvent donc plus reculer. Le jour où ils décideront d’avancer, faute de solutions à leur mal-vivre, rien ni personne ne pourra les arrêter”.
12. Ensuite, toujours à l’occasion d’une conférence-débat tenue en mars 1990 dans la Salle des Spectacles du Stade Omnisport de Bamako sur le thème de la “démocratie au sein du Parti”, vingt-six (26) intervenants sur vingt-huit (28) ont exigé le multipartisme.
Dès les mois d’avril et mai 1990, le Barreau des Avocats du Mali et l’Union Nationale des Travailleurs du Mali (UNTM), l’unique Centrale syndicale de l’époque qui s’était pourtant discréditée en 1970 pour son accompagnement des auteurs du coup d’État du 19 novembre 1968 au nom d’une prétendue “participation responsable”, exigèrent tour à tour et publiquement la fin du monopartisme et l’instauration du multipartisme.
13. Les interférences négatives de l’État colonial français dans la gestion des affaires publiques au Mali ne cessèrent point avec l’avènement de la démocratie et de l’État de droit arrachés de haute lutte par le Peuple malien. Ainsi, en 1995, le premier Président de la IIIème République fut la cible d’un projet de coup d’État pour avoir publiquement annoncé son refus de participer à une rencontre à Dakar entre les Chefs d’État des pays de l’ancienne Afrique Occidentale française (AOF) et, M Jacques Chirac, Président fraichement élu de la République française et ce, à la demande de ce dernier. Le Parti du Président malien estimait en effet qu’une telle rencontre avait des relents de convocation des Gouverneurs des anciennes colonies par le Gouverneur Général de l’ex-AOF. M Alpha Oumar Konaré ne dut sa survie politique qu’à l’avènement de M Lionel Jospin en 1997 comme Premier Ministre du Gouvernement de cohabitation sous l’égide de la majorité plurielle.
14. Mais l’interférence la plus grave de l’AOF tat colonial français, dont le Peuple malien en général, y compris sa classe politique, continue à faire les frais, remonte à la fin 2011 quand le Président français de l’époque incita de prétendus “Touaregs maliens” de Mouammar Kadaffi, Guide de la Révolution libyenne, à abandonner le leader libyen et à rentrer au Mali avec armes et bagages contre la promesse d’un appui du Gouvernement français à la création et à l’Indépendance d’un fantasmagorique “État de l’Azawad” aux dépens de l’intégrité territoriale du Mali .La débâcle de l’Armée malienne devant la coalition d’indépendantistes et de djihadistes algériens ayant fait allégeance à Al-Quaeda en mai 2006 sous le label d’AQMI (Al-Qaïda au Maghreb Islamique) entraîna le coup d’État militaire du 22 mars 2012 contre le deuxième Président de la IIIème République, pourtant Officier Général de l’Armée.
15. La connivence flagrante entre l’État colonial français et les rebelles séparatistes du MNLA (Mouvement National de Libération de l’Azawad) se confirma dès le mois de mai 2012 lorsque le Quai d’Orsay diffusa un communiqué invitant les ressortissants français à quitter le Mali, car aux termes du dit communiqué, “les djihadistes avaient pris le dessus sur le MNLA”. Comme si une telle annonce ne suffisait pas, à la faveur de l’Opération Serval, l’Armée française appelée à la rescousse par le Chef d’État de la Transition de l’époque interdisait net toute entrée de l’Armée malienne à Kidal transformé en bastion et sanctuaire pour les séparatistes du MNLA avec la connivence de l’Armée néo-coloniale française. Plus tard, à quelques encablures de la fin de la Transition 2012-2013, l’Armée française se manifesta à nouveau pour barrer la route à Annéfis à l’Armée malienne qui avait pourtant reçu l’ordre légal et légitime du Président de Transition de monter sur Kidal et restaurer l’intégrité territoriale du Mali dans ses frontières internationalement reconnues.
16. On se souvient encore des propos triomphalistes du Ministre français des Affaires Étrangères au Palais Bourbon, se délectant “des victoires éclatantes du MNLA au sud du fleuve Niger”. Sans oublier France 24 offrant, le 06 avril 2012, son studio au porte-parole du MNLA pour la “proclamation de l’Indépendance” du fantasmagorique Azawad.
17. Qui d’autre que le Gouvernement français a inspiré et rédigé la résolution du Conseil de Sécurité des Nations Unies créant notamment la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) et fondée à dessein sur une distinction factice et erronée entre, d’une part, les groupes armés maliens qui déposeraient les armes et prendraient leurs distances avec AQMI, avec lesquels ils convient de négocier et, et d’autre part, les groupes terroristes étrangers qu’il y a lieu de combattre ? Or il est de notoriété publique que les groupes indépendantistes “maliens” et les groupes armés djihadistes étrangers sous l’égide d’AQMI essentiellement composés d’Algériens et de Sahraouis avec ses antennes locale (Ançardine) et Ouest-africaine (MUJAO) forment une nébuleuse criminelle liée par des accords de non-agression et d’assistance mutuelle face à un ennemi “extérieur”, comme l’ont clairement démontré les évènements de mai 2014 à Kidal.
Du reste, ce n’est un secret pour personne que des milieux influents ambitionnent d’utiliser la carte de la lutte anti-djihadiste comme variable d’ajustement territorial pour créer un “nouvel État” au Sahel aux dépens de l’intégrité territoriale du Mali.
18. Le monde entier a noté que le Président Macron avait foulé au pied la Constitution malienne en félicitant le Président Ibrahim Boubacar Keïta pour sa réélection, avant même que la Cour Constitutionnelle au Mali ne proclamât les résultats définitifs du scrutin présidentiel de 2018, donnant ainsi des prétextes aux manifestants de l’année 2020 pour présenter le Chef de l’État malien comme une marionnette de la France.
19. Ce n’est pas la classe politique malienne qui a suscité la décision de l’État français de limiter l’attribution de bourses aux bacheliers maliens et de freiner l’immigration pour attirer l’électorat du Front National. L’une des conséquences, c’est que beaucoup de jeunes maliens se sont alors tournés vers les pays arabes, important à leur retour les codes vestimentaires et la vision du monde-souvent pro-djihadiste-dans lesquels ils éraient immergés dans certains pays du Moyen Orient connus pour leur soutien multiforme aux groupes djihadistes armés qui continuent à semer la terreur et la désolation dans plusieurs régions du Mali.
20. En plus des facteurs historiques et structurels ci-dessus évoqués, M. Macron aurait été mieux avisé de se pencher sur certains ingrédients conjoncturels alimentant le sentiment populaire anti-français au Mali. Par exemple, le double coup d’État militaire du 18 août 2020 et du 25 mai 2021 s’est traduit par le retour au pouvoir des tenants de l’ex-Parti unique, lesquels contrôlent aujourd’hui la Primature, des postes ministériels-clé et des postes stratégiques de la haute Administration d’État.
Pour les chantres de l’ancienne UDPM (Union démocratique du peuple malien), ce n’est pas le Peuple malien, mais plutôt la France qui a renversé leur mentor, feu le Général Moussa Traoré, notamment en propageant des mensonges sur lui pour le rendre “impopulaire” aux yeux des maliens. Ils vont jusqu’à prétendre que ce sont des soldats noirs martiniquais revêtus de l’uniforme malien que la France a déployés à Bamako pour tirer sur les manifestants et mettre ces crimes sur le dos de leur mentor. De surcroît, les chantres du régime dictatorial de l’ex-UDPM affirment, sans sourciller, que c’est la France qui a poussé les manifestants pour la démocratie à organiser la casse d’édifices publics et privés avec le slogan “cassez tout, la France va payer”. Quelle injure au Peuple malien !
Et pourtant, ils n’ont pas osé évoquer ces inepties lors du procès crimes de sang diffusé en direct sur les médias d’État.
Revenus au pouvoir, singulièrement en juin 2021, et contrôlant les médias publics ainsi qu’une bonne partie des médias privés et des activistes sur les réseaux sociaux, l’heure de la “revanche” sur la France et ses “marionnettes” du Mouvement démocratique, voire la démocratie elle-même, a sonné pour les nostalgiques de la dictature CMLN/UDPM.
21. Jouant à fond la carte du révisionnisme de l’histoire même récente du Mali, du populisme et du nationalisme revanchard de droite sur fond d’incantation à relents messianiques (le Peuple malien, Peuple élu de Dieu)faisant fi d’ignorer les conséquences tragiques d’une telle idéologie au Proche Orient et en Allemagne des années 1930-1940, les chantres de la restauration CMLN/UDPM ont beau jeu de manipuler l’opinion publique (dans un pays où l’illettrisme représente le fléau que l’on sait) en vilipendant la démocratie et la classe politique présentée comme des laquais et des apatrides au service de la France et de leurs propres intérêts sordides aux dépens du Peuple malien.
22. Malheureusement, pensant probablement se réconcilier ainsi avec la junte militaire au pouvoir au Mali, Monsieur Emmanuel Macron ajoute de l’eau de la Seine au moulin des Colonels et de leurs alliés revanchards de l’ex-UDPM.
Heureusement, ni le Peuple malien, ni le Peuple français ne sont dupes. Cette manœuvre désespérée du Président français ne peut pas le faire revenir dans les bonnes grâces du Peuple malien. Pas plus qu’elle n’aidera les autorités issues du double coup d’État du 18 août 2020 et du 25 mai 2021 ainsi que leurs alliés nostalgiques de la dictature CMLN/UDPM à résoudre les contradictions dans lesquelles ils sont empêtrés dans leurs velléités de prolonger leur mainmise anticonstitutionnelle sur le destin du Mali.
23. La même campagne hystérique présente la classe politique comme responsable de la détresse du Mali tandis que l’Armée, ses alliés revanchards du CMLN/UDPM (et les djihadistes modérés) en seraient le “sauveur”. Or, la vérité historique atteste que, plutôt que la classe politique, c’est lorsque des militaires ont fait irruption sur la scène politique que le Mali a entamé sa descente aux enfers.
24. En effet, manifestement le coup de force du 19 novembre 1968 et le régime militaire (en kaki, puis en basin brodé) qu’il a imposé près de vingt-trois (23) longues années durant au Peuple malien sont à l’origine de la plupart des maux qui plombent l’État et les perspectives de développement économique et social du Mali. À titre d’illustration, le coup d’État du 19 novembre 1968 a eu comme conséquences catastrophiques:
a) le développement de la tentation bonapartiste au sein de l’Armée, l’ex-École des enfants de Troupes de Kati établie par l’État colonial français et son successeur, le Prytanée militaire de la même ville, créé à la fin des années 1980, trônant tel une épée de Damoclès sur la tête de la République et de la Démocratie et ayant produit des putschistes (1968, 2012, 2020, 2021) chez qui les valeurs d’une Armée républicaine guidée par le principe sacro-saint de subordination de l’autorité militaire à l’autorité civile légalement et légitimement constituée sont allègrement foulées aux pieds;
b) la généralisation et la banalisation de la corruption, jusques et y compris dans les hautes sphères civiles et militaires de l’État. Le Chef de la junte de l’époque manifesta son impuissance à juguler le fléau lorsque, à l’occasion du 3ème anniversaire du coup de force militaire du 19 novembre 1968, il déclarait “il est paradoxal de constater qu’au moment où l’État Damoclès s’appauvrit, les agents de l’État s’enrichissent”;
c) comme pour légaliser la délinquance financière, à la fin des années 1980 le régime militaire version basin brodé sauta officiellement le verrou légal qui interdisait aux agents (civils et militaires) de l’État et à leurs conjoints/conjointes de s’adonner à des activités à caractère commercial.
d) la prolifération d’ “intouchables” et “de bras longs” ainsi que le développement de réseaux clientélistes mafieux entre responsables politiques, administratifs ou militaires d’un côté, et opérateurs économiques de l’autre, contribuant à plomber l’efficacité de l’Administration et l’émergence d’une classe de véritables capitaines d’industrie;
e) la liquidation du secteur d’État au profit d’affairistes, du commerce général d’importation et du commerce de détail, secrétant ainsi une véritable succession de cohortes de chômeurs, parmi les jeunes et les moins jeunes;
f) le chômage généralisé, sans perspectives à l’horizon, et le retard chronique des salaires de la Fonction publique entrainèrent la dislocation du tissu familial et social ainsi que la dépravation des mœurs;
g) l’absence d’une politique de développement et d’entretien des infrastructures, notamment routières, nonobstant le slogan incantatoire de “priorité au désenclavement intérieur et extérieur”, plomba le développement économique et social du pays. Même la capitale, Bamako, ne fut pas épargnée par cette déliquescence, un dicton bien répandu à l’époque soutenant que “la seule liberté doit jouissent les Bamakois, c’est la liberté de choisir chacun son nid d’éléphant”.
h) l’inefficacité et l’incurie du régime issu du coup de force militaire de novembre 1968 ont entraîné un grand retard dans la réalisation de grands projets d’infrastructures de la 1ère République (route Sévaré-Gao, barrages de Sélingué, de Manantali/ Gouîna et Tossaye, aéroport international de Bamako-Sénou, et 2ème Pont de Bamako, etc…).
i) La déliquescence de l’Armée (discipline et hiérarchie bafouées, comme le dénonçait le Chef de la junte lui-même dans son discours du 28 février 1978 annonçant l’arrestation de la “bande des trois”), l’élimination en août 1969 des valeureux officiers qui ont mâté la rébellion des années 1963-1964, le manque d’entretien du matériel et les détournement massifs au niveau de l’Intendance militaire et du Service Matériel des Bases (SMB), la rareté de manœuvres militaires (celle conduite en 1989 ayant conduit au limogeage du Général assurant les fonctions de Ministre délégué à la Défense pour soupçons de préparatifs de coup d’État), la décapitation de l’Armée dans les jours qui ont suivi le putsch du 19 novembre 1968 avec la mise à la retraite d’office des officiers supérieurs pour opposition au coup d’État, avec comme résultat une “Armée sans officiers supérieurs” et l’émergence d’une caste militaire héréditaire à travers la création du Prytanée militaire dont les premières promotions étaient largement composées de proches des dignitaires civils ou militaires du régime de l’ex-UDPM, etc…
j) la clauchardisation de la fonction enseignante et les effectifs pléthoriques dans les classes, entraînant une chute vertigineuse de la qualité de l’enseignement et de la formation;
k) la prédominance du “qui tu connais” sur le “ce que tu sais” au sein de la haute Administration d’État, amplifiée par le slogan répandu à l’époque, savoir, “l’homme qu’il faut à la place qu’il me faut”, etc…
l) mais aussi, et surtout, l’évaporation de l’éthique de la “construction nationale” et son remplacement par la devise “chacun pour soi, Dieu contre tous”.
Conclusion:
Les propos mal inspirés de M. Emmanuel Macron tendent à renforcer d’une part, la thèse de ceux qui soutiennent que la droite française est la plus bête d’Europe et, d’autre part, l’opinion selon laquelle M. Jacques Chirac représente le dernier grand Chef d’État français (pas seulement par la carrure physique).
En outre, en proclamant à nouveau la fin de la Françafrique, Monsieur Macron feint d’ignorer que son prédécesseur immédiat avait fait la même déclaration péremptoire, ce qui démontre qu’en fait la françafrique est toujours d’actualité. Au demeurant, le fait que M. Macron a décliné sa “nouvelle” politique africaine avant son voyage dans quelques pays africains procède de la même mentalité paternaliste et unilatéraliste qui imprègne la politique de la France vis-à-vis de ses anciennes colonies africaines. Le Président français serait mieux inspiré de chercher dans la sérénité, la sincérité et l’humilité, les voies et moyens de solder définitivement le lourd passif de la Françafrique. Faire de la classe politique malienne le bouc émissaire de la France ne lui est d’aucune utilité.
Le Mali pour tous, des chances égales pour chacun/chacune !
Bamako, le 10/03/2023
Pour le Bureau Politique National de la CNAS-Faso Hèrè
Le Secrétaire Général et p/o
Le Secrétaire Adjoint aux Élus et aux Élections, M. Ibrahim OUOLOGUEM
L’Inter de Bamako