En dépit de son soutien militaire dans la lutte contre le terrorisme au Mali, la France est, de plus en plus, critiquée par l’ecrasante majorité des Maliens. La dernière en date, le vendredi dernier, lors du meeting du collectif Yerewolo debout sur les remparts. Pour eux, l’ex-colonisateur est responsable de la crise sécuritaire, contrairement à d’autres citoyens, qui pensent qu’on use de cette théorie pour couvrir ‹‹l’incapacité des dirigeants›› à lutter contre le terrorisme.
« À bas la France››, peut-on lire sur des tee-shirts, ce 26 mars, à Bourse du Travail, à Bamako. Organisé par le collectif citoyen Yerewolo debout sur les remparts, le meeting regroupe une centaine de personnes. Tous mûs par un seul objectif : le départ des soldats français du Mali.
Qu’il semble loin, février 2013, quand les Bamakois en nombre, à la place de l’indépendance, acclamaient, comme un sauveur, le président français d’alors, François hollande. L’artiste malienne, Haïra Arby, avait même chanté une chanson en son honneur. Huit ans après, pourquoi le discours a changé ?
D’abord, en 2013, lors de la libération de Kidal, l’opinion malienne ne digère toujours pas, le fait que les soldats français soient entrés dans la ville sans aucun militaire malien à leurs côtés. Beaucoup y ont vu une indulgence à l’égard des rebelles du MNLA. Depuis, certains Maliens sont convaincus que la France est complice des séparatistes du Nord. En outre, malgré la présence de plus de 5000 soldats français, et de la force onusienne, la situation sécuritaire n’a cessé de s’aggraver au Mali. Rien que le 15 mars dernier, 33 militaires maliens ont été tués ‹‹ à 90 km de la plus grande base française dans le sahel à Gao››, signale l’artiste malien, Salif Keita. Et enfin, plusieurs bavures de l’armée française, dont celle de onze militaires tués dans une opération contre un camp djihadiste où ils étaient détenus, en 2017 ; des tirs de sommation sur un bus qui ont couté la vie à un civil en septembre dernier à Gao ; et le raid du début d’année à Bounti. Toutes ces bavures ont contribué à dégrader l’image de l’armée française au Mali. Pour autant, le pays d’Emmanuel Macron est-il responsable de la crise malienne comme le disent ses détracteurs ? ‹‹Difficile de le dire sans preuve concrète. La France est venue, en amie, aider le Mali, mais elle a failli. C’est ce que les gens ne veulent pas comprendre. On pense qu’avec la présence française, la guerre doit automatiquement se terminer, alors que c’est plus compliqué que ça››, analyse, un ancien responsable de la communication à la présidence du Mali.
Dans une interview accordée à la chaine de télévision TV5MONDE, en 2018, l’ancien Président Moussa Traoré, a qualifié la présence des forces étrangères de ‹‹la plus grosse honte pour notre pays et pour notre peuple››. Et pourtant à la question, faudrait-il qu’elles s’en aillent ?, l’ex président répond avec un rictus un peu soucieux. ‹‹ Si les troupes étrangères partaient est-ce que l’armée malienne pourrait les remplacer ?››, se demande-t-il.
Pour l’instant, ces manifestations contre la France sont sans conséquences, a rassuré son ambassadeur au Mali, Joël Mayer, lors d’un récent entretien avec nos confrères de l’Indépendant. Mais jusqu’à quand alors que le collectif yerewolo debout sur les remparts, ne compte pas lâcher prise tant que la force Barkhane est présente au Mali?
Aly Asmane Ascofaré
Source: Le Canard déchaîné