L’imam Mahmoud Dicko n’est pas n’importe qui. Président du Haut conseil islamique (HCIM) depuis 10 ans, il a, par trois fois, mis le pouvoir politique dos au mur.
Une première fois, en 2009, quand il sort ses innombrables troupes contre le Code de la famille, jugé anti-islamique : le président ATT, fin comme un lièvre, comprend le danger et retire le fameux code de la circulation jusqu’à ce que la colère de l’imam baisse et qu’une loi plus consensuelle, c’est-à-dire plus coranico-compatible, soit votée.
La deuxième sortie de l’imam, c’était, en 2012, pour demander le maintien de Cheick Modibo Diarra au poste de Premier ministre de Transition. Le président d’alors, Dioncounda Traoré, remet au tiroir le décret de limogeage qu’il avait préparé et attend sagement que la junte elle-même oblige le Premier ministre à démissionner quelques mois plus tard.
Troisième et dernière sortie de l’imam Mahmoud Dicko : le 10 février au stade du 26 mars où, devant 60 000 fidèles, il exige la tête du Premier ministre Soumeylou Boubeye Maiga.
On notera qu’à chaque sortie, l’imam fait salle comble, impressionne par la clarté de son objectif et atteint celui-ci sans combat. Aura-t-il gain de cause cette fois-ci ? Bien malin qui pourrait le dire.
En effet, le Premier ministre Soumeylou Boubeye Maiga fait partie des pièces maîtresses du dispositif politico-sécuritaire du président IBK. Le locataire de Koulouba a eu en lui un homme qui, contre vents et marées, a organisé la présidentielle de 2018 et fait échouer toute velléité de l’opposition d’initier la désobéissance civile contre un président qu’elle déclare ne pas reconnaître. En outre, Maiga connaît sur le bout des doigts les enjeux de la rébellion au nord et a, en ce domaine, l’appui de la plupart des chancelleries, notamment de la France et de l’Algérie. Enfin, la Coordination des mouvements et de l’Azawad (CMA), qui tient tout le nord sous sa botte, voit en Maiga le seul responsable politique capable d’appliquer l’accord de paix issu du processus d’Alger.C’est dire que la chute du Premier ministre priverait IBK d’un véritable bouclier.
Mais le Premier ministre a aussi ses faiblesses. En 12 mois à la tête du gouvernement, il n’a pas pu encore renflouer les caisses de l’Etat. Ni ramener la sécurité au centre du pays à un niveau acceptable. Pis, il s’est aliéné une foule de chapelles: le RPM, auquel il a pris plusieurs députés; l’opposition qui refuse de discuter avec lui; les syndicats qui lui reprochent ses méthodes musclées; et maintenant le Haut conseil islamique qui demande son départ…
On le voit, IBK affronte un dilemme cornélien. Pour l’instant, il semble temporiser. Ne voulant pas combattre sur deux fronts (politique et religieux), il tente d’apaiser le moins dangereux, le front politique, en appelant au téléphone et en recevant au palais son principal opposant, Soumaila Cissé, ce qu’il se refusait à faire jusqu’à présent.
Le problème, c’est que les deux fronts sont liés par un trait d’union: le Chérif de Nioro. Mentor de Mahmoud Dicko, parrain du meeting religieux du 10 février et opposant déclaré au régime d’IBK, le Chérif se retrouve au centre du jeu politique. En effet, c’est lui qui, à travers les religieux, vient de donner un nouveau souffle à l’opposition qui avait été assomée par les forces de l’ordre Soumeylou Boubeye Maiga. Or, la principale revendication du Chérif n’est autre que le départ du Premier ministre. En conséquence, point n’est besoin d’être grand clerc expert pour deviner que tout accord avec entre IBK et Soumaila Cissé passe par Nioro. Et cela sent du soufre pour le Premier ministre.
Tiekorobani.
Source: Le Procès Verbal