Selon Patrick Ertel, alias « Fakuru Keïta », photographe franco-malien, une bonne prévention est le seul moyen de protéger le Mali et d’éviter une catastrophe sanitaire.
Hier, lundi 2 mars 2020, un premier cas de COVID-19 a été signalé chez nos voisins sénégalais. Sans être devin ou géomancien, on peut se risquer à prédire que le Mali ne va pas tarder à être touché lui aussi par l’épidémie. Il est donc légitime de se demander : sommes-nous prêts à y faire face ?
Que sait-on du mode de transmission de ce virus ?
Le virus se transmet essentiellement par voie respiratoire (dans les gouttelettes de salive, lorsqu’un malade tousse par exemple et par contact physique). Si les scientifiques estiment que cela nécessite une distance de contact rapprochée (environ un mètre), une étude publiée dans The Journal of Hospital Infection affirme que les coronavirus peuvent survivre, en moyenne, entre quatre et cinq jours sur des surfaces en métal, en verre ou en plastique, notamment dans les hôpitaux.
Une température basse et une forte humidité pourraient même étendre leur durée de vie à neuf jours. Les chercheurs allemands, à l’origine de cette étude, se sont penchés sur des données qui concernent d’autres types de coronavirus que celui responsable de l’épidémie actuelle. Mais ils estiment que leurs conclusions pourraient s’appliquer au COVID-19. De manière plus secondaire, le virus pourrait aussi se transmettre par la diarrhée.
A quel moment une personne devient-elle contagieuse ?
Les scientifiques ont d’abord pensé que la contagion démarrait plusieurs jours après le début des symptômes, comme pour le Sras. Mais les experts pensent maintenant qu’elle pourrait débuter plus tôt, au tout début des symptômes voire avant. Selon le Pr Arnaud Fontanet, la part des contagions dues à des malades sans symptôme « reste probablement limitée », puisque la toux est un vecteur important de transmission. Or, un patient sans symptôme ne tousse pas. Mais même limités, ces cas peuvent compliquer le contrôle de la propagation du virus : impossible en effet de repérer un malade qui n’a pas de symptôme.
Pour se prémunir d’une contamination, les autorités sanitaires insistent donc sur l’importance des mesures barrières : se laver les mains fréquemment, tousser ou éternuer dans le creux de son coude ou dans un mouchoir jetable, porter un masque si on est malade.
Comme nous le savons tous, les structures sanitaires de notre pays sont déjà insuffisantes pour faire face aux problèmes de santé courants, et seront vite débordés par une épidémie qui se répandrait dans la population de manière incontrôlable. Une bonne prévention est donc le seul moyen de nous protéger et d’éviter une catastrophe sanitaire.
Quelles mesures de prévention adopter ?
Elles sont de deux ordres : mesures individuelles et mesures collectives. Les mesures individuelles que chacun doit adopter dans sa vie de tous les jours sont simples, et déjà familières, depuis l’épisode Ébola : l’hygiène stricte de lavage des mains et des ustensiles partagés, l’attention à tousser ou éternuer dans un mouchoir ou, à défaut, dans son coude, éviter les contacts physiques ( poignée de main, embrassade, bises, etc), se tenir à distance (plus d’un mètre) des personnes dont on ignore l’état de santé.
Une bonne campagne de sensibilisation doit être lancée rapidement, car la vitesse de réaction sera déterminante dans le cas hautement probable de l’arrivée du virus au Mali. Il est de notre responsabilité à tous de faire connaître ces mesures autour de nous. Et je ne doute pas que les blogueurs et activistes, sur les réseaux sociaux, vont jouer leur rôle, et prendre de vitesse l’État malien dont nous connaissons l’inertie et la lenteur à réagir aux urgences.
Les mesures collectives relèvent, elles, de la responsabilité de l’État, seul capable d’imposer par la loi ou par décret les dispositions de prévention à prendre. Elles concernent principalement les rassemblements qui mettent en promiscuité un grand nombre de personnes. Et c’est là que les problèmes vont, sans aucun doute, surgir. En effet, contrôler les grands rassemblements de personnes va considérablement impacter la vie des Maliens : concerts, rassemblements sportifs, marchés et surtout, gros problème, les rassemblements religieux, y compris les cultes dans les mosquées. Or, la promiscuité constitue un terrain idéal pour la transmission du virus.
L’État malien aura-t-il le courage politique ? Les leaders religieux assumeront-ils leurs responsabilités ? La question est posée. Rappelons que l’Arabie Saoudite, qui est déjà touchée, a suspendu la Oumra, et interdit l’entrée des personnes issues de pays touchés par le COVID-19. On peut même supposer que, quand le Mali sera touché, ses pèlerins seront exclus du Hadj cette année.
Je ne doute pas que ces questions vont faire débat, et que nous verrons fleurir toutes sortes de rumeurs et de fausses informations. Certains vont accuser l’Occident, ou la France, ou la CIA (Central Intelligence Agency) d’avoir créé le virus. D’autres vont accuser les partisans de la prévention de mener campagne contre l’islam. Espérons que la raison triomphe pour notre plus grand bien.