« Les enjeux stratégiques en Afrique de l’Ouest et au Sahel dans un monde en mutation : Quelle place pour le Mali ? », tel est le thème de l’exposé fait par le Colonel Sadio Camara, ministre de la Défense et des Anciens Combattants du Mali, à la Conférence sur la Sécurité Internationale de Moscou. Une aubaine pour le ministre Sadio Camara de magnifier la coopération entre le Mali et la Russie, une coopération fructueuse et gagnant-gagnant qui commence à inspirer les Etats africains, surtout les ex-colonies françaises, puisque dénudée de toute pensée néocolonialiste. Après le Cameroun, le Burkina Faso aussi veut prendre l’exemple sur le Mali !
Dans une grande plaidoirie en faveur du pays de Vladimir Poutine qu’on tente vainement, du côté de l’occident, de diaboliser, le Colonel Sadio Camara n’a pas manqué d’allant pour décrire la situation qui était celle du Mali, et de ce qu’il en est aujourd’hui. Pour illustrer cette analyse et montrer les perspectives de résolution des problèmes sahéliens et ouest-africains, il a ainsi fait un récapitulatif de la situation particulière du Mali, qui n’a cessé de dégénérer depuis le milieu des années 2000, jusqu’à atteindre le fonds en 2012, avec la prise du contrôle des deux tiers du territoire malien par une coalition de rebelles séparatistes et jihadistes nouant des liens avec des parrains puissants, dans l’enchainement logique de la destruction de la Libye du Colonel Kadhafi.
« L’intervention militaire internationale déclenchée en réaction à cette invasion, s’est soldée par un échec. L’opération française SERVAL de 2013 a certes réussi en quelques semaines à briser la dynamique terroriste. Cependant la multiplication des missions qui lui ont succédé, avec la force française BARKHANE, la MINUSMA, la Force Conjointe du G5 Sahel, les missions européennes EUTM, EUCAP Sahel et la Task Force TAKUBA, censées soutenir l’État malien et les Forces de Défense et de Sécurité du Mali, ont créé un embouteillage sécuritaire dont l’une des conséquences a été de maintenir une sorte de statu quo malgré la signature de l’Accord pour la Paix et la Réconciliation issu du processus d’Alger. Les populations maliennes n’ont pas tiré les bénéfices de ce déploiement massif.
Initialement cantonnée au nord du pays, l’insécurité s’est propagée au Centre puis au Sud du pays avant de déborder les frontières, menaçant d’embraser toute la sous-région jusqu’à la façade atlantique. Pendant ce temps, les partenaires du Mali ignorent largement la volonté des autorités maliennes et utilisent le droit international ainsi que les restrictions financières et commerciales pour brider la capacité de l’État à faire face aux menaces. Face à ce diagnostic inquiétant, devant le risque de voir la Nation malienne se désintégrer, les autorités de la Transition issue de l’insurrection populaire de 2020, ont décidé de réorienter leur stratégie en diversifiant leurs partenariats, pour briser la dépendance sécuritaire dans laquelle le Mali était entretenue.
Déterminé et décomplexé, le Mali estime qu’aucune puissance ne peut prétendre à une quelconque exclusivité de la coopération malienne. Le Mali veut nouer des partenariats gagnant-gagnant avec tous ceux qui ont la capacité et surtout la volonté de coopérer avec lui dans le respect de sa souveraineté et la préservation des intérêts mutuels. Dans cet esprit, notre pays a souhaité redynamiser les liens historiques et solides tissés avec l’Union soviétique, qui a accompagné la République du Mali depuis les premières heures de son indépendance au plus fort de la guerre froide. C’est encore le lieu de féliciter le Peuple russe et lui témoigner la reconnaissance du Peuple malien, car la Fédération de Russie a une nouvelle fois démontré sa fiabilité et sa sincérité envers le Mali.
Le Gouvernement malien met l’accent sur la sécurité humaine, et dispose du soutien du Peuple qu’il s’efforce de protéger. Fortes du soutien technique et matériel de la Russie, qui ne dissimule aucune arrière-pensée coloniale, les autorités de la Transition ont impulsé une dynamique totalement nouvelle, s’appuyant sur des succès militaires qui ont surpris beaucoup d’observateurs, pour créer les conditions du retour progressif de l’administration et des services sociaux de base au plus près des citoyens. Le premier semestre de l’année 2022 a ainsi vu une avancée spectaculaire sur le plan sécuritaire.
Sous l’impulsion de la France, frustrée par son absence de résultats, ce qu’il convient d’appeler la Communauté Internationale a imposé des sanctions absurdes au Peuple malien, dans un effort délibéré d’aggraver les effets de la crise, avec l’espoir de pousser en quelques semaines les populations à se révolter contre les autorités de la Transition. Ceux-là sous-estimaient la résilience et le courage patriotique du malien. Pour montrer sa volonté d’émancipation notre peuple s’est levé comme un seul homme, pour s’unir autour de l’essentiel, la survie de la Nation. Les soutiens populaires se sont manifestés partout en Afrique, motivés par la flagrante injustice faite au peuple malien. Le Mali est resté debout, et le partenaire russe est resté à ses côtés.
Le bilan du partenariat renforcé russo-malien est éloquent. Malgré l’embargo, le Mali a acquis, en quelques mois, davantage de moyens militaires que pendant les 30 dernières années, grâce aux sacrifices économiques consentis par le peuple, et à la coopération avec des pays comme la Russie, la Chine, et d’autres. Les groupes terroristes, qui réussissaient hier à décimer des garnisons entières, sont désormais en débandade sur tout le territoire. Leurs sanctuaires sont détruits, leurs bases logistiques sont démantelées, leurs chefs sont neutralisés. Désorganisés et progressivement coupés de leurs soutiens, ils en sont réduits à s’attaquer aux cibles molles, aux populations sans armes. Le Sud et le Centre du pays sont largement pacifiés… ».
Ainsi, à l’image du Mali, le Burkina aussi n’exclut plus la possibilité de rompre avec la France. En effet, selon le Premier ministre du Burkina, son pays est prêt aujourd’hui à diversifier ses partenariats, quitte aux partenaires traditionnels, notamment la France, de l’accepter ou pas ! «Je pense qu’effectivement il y a des questions à se poser. On comprend les revendications parce que la France, c’est vrai, c’est le partenaire historique, c’est le premier partenaire, même en termes de chiffres. Mais il faut également dire que l’aide doit aider à assassiner l’aide. Si depuis des années cette coopération n’a pas permis d’assassiner l’aide, il faut se poser des questions», a ainsi indiqué le Premier ministre burkinabé, Albert Ouédraogo.
Des propos qui font suite à la demande de plus en plus pressante des burkinabè qui demandent à casser les liens avec la France. Un sentiment anti-français qui gagne du terrain et qui ne laisse d’autres choix aux autorités que d’agir en conséquence pour éviter des tensions sociales. «Et je suis tout à fait d’accord qu’aujourd’hui, il faut revoir. Nous, en tant que dirigeants, nous ne pouvons pas continuer à rester sourds, à rester insensibles à ces revendications, parce que nous avons des composantes importantes de notre peuple qui le réclament. Donc il faut bien sûr qu’à un moment donné, que nous regardons», avait-il en outre indiqué.
Soulignant que «La diversification des partenariats repose sur plusieurs principes. D’abord le principe de liberté. Pour nous c’est aller vers le partenaire qui nous arrange, quitte à froisser des partenaires historiques. Si certains partenaires ne sont pas contents du fait que nous allons avec d’autres, ça sera à notre corps défendant que nous allions rompre notre partenariat avec eux. Il faudra que ça soit des partenaires sincères qui veulent effectivement nous aider pour aller dans une logique de partenariat gagnant-gagnant… ».
On ne saurait en dire autant !
Flani SORA
Source: Notre Voie