La reconstruction en milieu rural de réseaux d’approvisionnement et de systèmes de commercialisation permettant aux agriculteurs de produire davantage constitue un autre défi de taille à relever pour faire de ce secteur le moteur de la croissance économique. Au stade actuel, les paysans fournissent des efforts qui ne profitent qu’aux opérateurs céréaliers privés et à leurs intermédiaires. Et cela parce que les politiques d’ajustement structurels ont exclu l’État du processus de commercialisation.
Les offices de commercialisation de produits agricoles, gérés par l’État (OPAM) au Mali, remplissaient autrefois un rôle important de stabilisation des prix en faveur des producteurs. Ils assuraient la stabilité des prix et offraient des services tels que des crédits, des semences et des technologies améliorées aux agriculteurs locaux en fonction de leurs besoins. Malheureusement, la plupart de ces offices ont été supprimés pendant les années 1980 et 1990, en raison des politiques de privatisation imposées par le Fonds Monétaire International et la Banque Mondiale.
Dans une étude réalisée en 2002 pour le compte de l’organisation non-gouvernementale américaine “FoodFirst”, des chercheurs sud-africains, Raj Patel et Alexa Delwiche, ont dénoncé le fait que les agriculteurs maliens, aujourd’hui directement exposés aux fluctuations des marchés internationaux, ne savent souvent pas quand les acheteurs du secteur privé se manifesteront, et sont donc contraints de vendre leurs produits à bas prix au premier négociant venu. Les paysans maliens ne soutiendront pas le contraire. Étouffés par les dettes des campagnes agricoles, ils sont contraints par une sorte de mafia à brader leur production céréalière, souvent au mépris de leur propre sécurité alimentaire.
“Après la campagne, il ne nous reste souvent rien d’autre que des dettes à gérer. Pourquoi continuer alors à se donner du mal si cela ne profite qu’à d’autres dont le seul mérite est d’avoir la capacité de nous offrir des intrants en fonction de leurs seuls intérêts ?”, nous a répondu Binafou Dembélé, un jeune rural de Koutiala que nous tentions de convaincre de retourner au village pour l’hivernage.
Pour le directeur du Centre international de développement des engrais (IFDC), un institut américain œuvrant en faveur des progrès de l’agriculture dans les pays en développement, une solution à long terme consiste à faire davantage participer le secteur privé aux activités de commercialisation et d’approvisionnement en milieu rural. Cependant, il reconnaît que les gouvernements africains ont un rôle décisif à jouer en encourageant les investissements privés, en raison du taux élevé de pauvreté en zone rurale et du besoin de “biens collectifs” tels que des routes et des marchés. Tout est donc en définitive une question de volonté politique, sinon les cas de succès ne manquent pas pour trouver la bonne formule de commercialisation des produits agricoles, garantissant surtout les intérêts des paysans et se préoccupant avant tout de la sécurité alimentaire du pays.
M .B
Source: Journal Le Matin- Mali