Les épreuves carcérales des proches de Choguel Maïga auront mis en lumière la nature et l’avenir des rapports entre les ailes militaire et civile de la Transition. Fraîchement sorti de prison et censé très proche du PM de la rectification, Abdel Kader Maiga est reçu à la Primature, le 5 août dernier, soit près de deux semaines après sa sortie de prison.
Une façon de se racheter de n’avoir pu lui rendre visite ou de s’être accroché au poste de PM aux dépens de la loyauté à ses soutiens ? Quoi qu’il en soit, l’illustre pensionnaire de «Koulikoro» n’est pas passé par mille chemin en restituant les péripéties de sa détention. À Face au PM, il est revenu sur l’épisode en tombant à bras raccourcis sur la Transition, au détour de certains dossiers. Celui qui plaidait devant Me Tapo pour une durée de 10 ans de Transition a dû revoir ses prédictions après son séjour entre les quatre murs. Kader Maïga ne voit désormais aucun besoin, ni opportunité de proroger une gestion qui a fait «régresser» le pays pendant les 3 années écoulées, estime-t-il. Il prend ainsi à contrepied les recommandations du DNIM à l’issue du DNIM à l’issue duquel les participants ont acté un prolongement de 2 à 5 années supplémentaires. Ce faisant, Kader Maïga dénoncerait-il bruyamment ce que le PM susurre à ses soutiens ? En tout cas, son retour fracassant sur les tribunes s’opère aussi à coups de vicieuses réclamations d’un fichier électoral fiable ainsi que d’élections crédibles et transparentes, condition sine qua non d’une paix durable au Mali. Ça n’est pas tout. Dans la même veine, il proteste vigoureuse et affiche sans ambages son désaccord avec la mesure de suspension des activités politiques, tout en martelant à qui veut l’entendre que le Mali ne peut se construire sans les partis politiques qui constituent une grande partie des forces vives de la nation. Estimant qu’il est temps de créer les conditions d’un vrai dialogue inter-Maliens, sans exclusive, il plaide, pour ce faire, pour large implication des politiques ne serait-ce que pour l’organisation des élections pour en vue d’éviter «des taches noires».
Membre du comité de rédaction des termes de références du Dialogue Inter-Maliens avant sa détention, Kader Maïga ne se retrouve point dans les recommandations. «Tu ne peux pas apporter la paix pendant que des personnes sont en train de perdre leur emploi à cause de l’EDM, d’autres vivent dans l’esclavage et certains ont perdu tous leurs parents», a-t-il lancé comme pour dénoncer un échec du processus conduit par Ousmane Issoufi Maïga.
Abordant par ailleurs les conditions de sa détention et son expérience carcérale, il en conclut que les prisons maliennes ne sont pas faites pour les Maliens. «Une prison de 400 personnes on met 4000 personnes. J’ai vu des Maliens dans des cages, c’est inhumain», s’est-il indigné, en suggérant au passage que la MCA soit rasée.
Quant à son hôte de la Primature, le PM Choguel Maïga, il en a profité pour rembobiner le film Bouba K. Traoré et lancer à son tour des piques à peine voilées, en indiquant que son chargé de mission n’a été arrêté que pour intimider le Premier ministre. Et le PM de marteler à nouveau son soutien à Bouba Traoré ainsi que son adhésion au contenu du mémorandum incriminé qu’il considère comme une délivrance pour les membres du M5. «Tout ce que Bouba a signé, il n’y a pas de mensonge dedans. Ils sont venus le prendre dans mon bureau pour m’humilier, mais tout le monde savait que ce n’était pas une question de mémorandum. Du haut de ses 79 ans, on n’avait pas besoin de l’arrêter et le mettre dans une prison », a-t-il dénoncé, oubliant qu’une autre personnalité du troisième âge – ancien PM de surcroît – avait également partagé les geôles avec des vulgaires bandits avant de finir ses jours en détention préventive.
Sur la gouvernance de la Transition, par ailleurs, le disert PM dit préférer se retenir de parler de certaines choses, tout en caricaturant par une référence à cette célèbre assertion d’un ancien président des États-Unis : «On peut tromper une partie du peuple tout le temps et tout le peuple une partie du temps, mais on ne peut pas tromper tout le peuple tout le temps». Face à son visiteur, le PM Choguel n’a pu se passer, toutefois, d’ébruiter son désaccord avec le Col Assimi Goita sur des dossiers. Et de souffler le chaud et le froid en laissant entendre que «les doléances du peuple» en souffrance au niveau de son employeur auront leurs réponses dans les bonnes décisions pour le bonheur du peuple malien.
Auparavant le PM recevait les anciens de l’AEEM à son domicile, le 4 août dernier. Devant les meneurs du mouvement qui a eu raison de son mentor, il n’a pas manqué, par-delà son mea culpa et les amendes honorables, de régler ses comptes avec la République. Il a laissé entendre qu’il ne démissionnera pas pour la simple raison qu’il considère la démission comme un acte de trahison du pacte d’honneur M5-CNSP.
Pour que la fonction de chef de gouvernement apparaisse comme un fardeau ou une camisole de force, il fallait manifestement que le malaise entre la Primature et les hautes autorités atteignent un certain degré de pourrissement. Lequel inspire aux observateurs les plus attentifs beaucoup de questionnements quant aux intentions que cachent les sorties tantôt alambiquées, tantôt laudatifs du PM sur des pouvoirs qu’il est peut-être las de porter à bout de bras sans dividende. Ce n’est pourquoi d’aucuns subodorent une tentation à se défaire du fardeau et qui pourrait expliquer les déballages de Choguel Maïga aux relents de préparation de l’opinion publique à une ambition présidentielle latente.
Amidou Keita