Eternelle militante pour les droits des femmes africaines, Aoua Kéita, est une pionnière du féminisme africain dont il est bien de se rappeler et perpétuer son parcours dans la mémoire collective.
Née en 1912 à Bamako au Mali. C’est contre l’avis de sa mère que son père décide de l’inscrire à l’école. Elle est admise au sein de la première école pour filles de la ville en 1923. Elle poursuit ses études pour devenir en 1931 l’une des premières femmes d’Afrique noire à obtenir le diplôme de sage-femme. En tant que sage-femme, Aoua commença à revendiquer auprès des autorités coloniales la création de maternités. 15 ans après, elle rejoint le parti politique de l’Union soudanaise-Rassemblement démocratique africain (US-RDA). Malheureusement, parce que c’est une femme, elle n’était pas autorisée à participer aux réunions mais son mari si, et ce dernier lui transmettait les informations.
En 1956, elle fonde le Mouvement intersyndical féminin, visant à développer la solidarité féminine. En 1958, elle est la seule femme élue au bureau politique de l’US-RDA. En 1959, aux élections législatives, elle est élue députée de la Fédération du Mali. C’était à Sikasso, devenant ainsi la première femme malienne à occuper ce poste. Sa victoire a fait grincer des dents et était révélatrice de la mentalité d’une bonne partie de la population. D’ailleurs elle a relaté cela en ces termes dans un de ses ouvrages : “Sors de mon village, femme audacieuse. Il faut que tu sois… effrontée pour essayer de te mesurer aux hommes en acceptant une place d’homme. C’est la faute… des dirigeants du RDA qui bafouent les hommes de notre pays en faisant de toi leur égale. » (Kéita, 1975 : 13). Eternelle militante pour les droits des femmes africaines, elle réussit à être la seule femme qui contribua à la rédaction et à la promulgation, en 1962, d’un Code du Mariage et de la Tutelle du Mali, qui accordait de nouveaux droits aux femmes.
Pionnière de la création de l’Organisation panafricaine des Femmes
Dans sa lancée, le 31 juillet 1962, elle se réunit avec des femmes de l’ensemble du continent africain à Dar Es Salam en Tanzanie pour créer la toute première organisation dédiée aux femmes africaines : l’Organisation Panafricaine des Femmes. Leur but était malgré les différences, d’unir leurs forces et de travailler ensemble pour l’amélioration significative des conditions de vie des africaines. La JIFA sera promulguée par les Nations unies en 1962 avant d’être officiellement consacrée le 31 juillet 1974, lors du premier Congrès de l’Organisation panafricaine des femmes qui s’est tenu au Sénégal. Un moment historique !
En 1975, Aoua publie “Femme d’Afrique’’. La vie d’Aoua Keïta racontée par elle-même – son autobiographie. L’ouvrage est récompensé par le grand prix littéraire d’Afrique noire un an plus tard. C’est un récit exceptionnel sur l’engagement professionnel et politique de cette sage-femme à l’époque coloniale. Aoua Kéita accordera dans son œuvre une place privilégiée à son action militante, aux aspects politiques par rapport aux aspects personnels. Celle qui a été une femme combattante, fortement engagée avec les mouvements politiques et les droits des femmes, a dénoncé la corruption et le colonialisme. Elle s’est éteinte en 1980, à l’âge de 67 ans.
Aoua Kéita est aujourd’hui reconnue comme l’une des pionnières du féminisme africain et est devenue un grand exemple pour toutes les femmes. Elle a montré que d’autres voies étaient désormais possibles pour les femmes africaines. Aoua Kéita a été et sera toujours un grand symbole du féminisme africain. Nous nous devons de perpétuer son histoire et de suivre ses pas.
Aïssata Tindé (stagiaire)