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Bras de fer Daniel Tessougué/Mahmoud Dicko : un combat qui n’honore personne

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Depuis l’attentat contre l’hôtel Radisson Blu de Bamako le 20 novembre 2015  qui aurait officiellement fait vingt et deux  morts dont les terroristes présumés, la polémique ne cesse d’enfler entre l’Imam Dicko, non moins président du Haut conseil islamique et  Daniel Tessougué, Procureur général de la République. Ces deux hommes de religion et de droit s’affrontent actuellement par medias interposés sur un phénomène aussi préoccupant que dangereux : le terrorisme.

Le terrorisme est un fléau  qui secoue et concerne aujourd’hui  le monde entier. Il  ne laisse personne indifférent et aucune nation, aussi puissante soit-elle, ne saurait lutter efficacement contre ce fléau qui menace l’humanité. Le terrorisme est devenu une arme de destruction massive, il est idéologique et  a ses propres moyens d’actions.

Il est loisible de constater partout dans le monde que le terrorisme devient plus sophistiqué et très difficile à combattre. Ni les Américains, ni les Français qui sont dotés de moyens plus importants que notre pays, n’arrivent pourtant  pas à circonscrire le terrorisme. Il frappe partout et tout le monde sans prévenir. Nous, Maliens, en savons davantage  que quiconque au Sud du Sahara. Pour rappel, le Nord du  pays a été sous le joug de ces illuminés pendant 9 mois et continue toujours de subir les coups de boutoirs de ces barbares venus d’ailleurs qui veulent, vaille que vaille,  nous assujettir ou nous anéantir à défaut.

A l’origine de cette crise entre ces deux  autorités (l’imamat et le Parquet général), une déclaration de l’Imam Dicko sur l’attentat contre le Radisson Blu. Il déclarait, en effet, que l’attaque terroriste était condamnable, mais que c’était aussi une punition divine à cause de nos prêches et comportements qui ne seraient plus en adéquation avec les préceptes de l’Islam. D’où la réaction de M. Tessougué qui accuse l’homme de foi de faire l’apologie du terrorisme.

Il semble qu’il y ait une divergence de vue  entre ces deux hommes sur la situation sécuritaire du pays. L’Imam Dicko a-t-il  bien analysé ses propos ? Comprend-il réellement le danger que constituent le terrorisme et le fanatisme ? Et pourtant, l’Imam Dicko est un homme éclairé, un homme de culture, un homme plein de sagesses  et sans doute, l’une des figures marquantes de notre Nation. Il a toujours  joué un rôle déterminent dans les différentes crises qu’a connues notre pays. Il s’est toujours exprimé avec flegme, intérêt  et pédagogie sur des questions d’actualités concernant la vie de la Nation.

L’ire de Dieu est elle immanente ?

Les êtres humains que nous sommes, commettons à longueur de journée des péchés et  toute notre existence, nous en commettrons aussi, mais  est-ce que le  Tout-Puissant devrait nous châtier dès l’instant  que nous commettons un péché ?  Alors, si tel devrait être le cas, le monde serait fini, il y a bien longtemps. Non, l’ire de Dieu n’est pas immanente ! Les Imams et érudits nous enseignent que le Bon Dieu est clément et miséricordieux. Ils prêchent la bonne parole de Dieu et  nous mettent en garde contre les péchés, mais jamais, ils nous disent que le courroux de Dieu nous tombera sur nos têtes, aussitôt que nous commettons une faute.

Cependant, le Tout-Puissant nous rappelle, parfois  brutalement, son pouvoir sur nous, ses créatures. Il  nous  éprouve de temps à autre par des calamités,  naturelles, des catastrophes de tous ordres : tremblements de terre, inondations, des incendies provoqués par la foudre, la famine… Tout ceci pour qu’on se souvienne de Lui et faire de bonnes œuvres afin de bénéficier de sa miséricorde.

Les deux individus qui ont attaqué l’hôtel Radisson Blu le 20 novembre 2015 ne sont pas des anges envoyés par Dieu, mais  bien des terroristes ni plus, ni moins. Ils ont attaqué et tué des innocents ce jour-là pour des mobiles propres à eux. Ils sont les seuls et leurs commanditaires. Pourquoi ils ont agi de la sorte  en abattant sauvagement des hommes et femmes qui n’ont rien  fait à Dieu, que nous autres humains puissent déterminer et juger.

L’Imam Dicko en disant que cette attaque est le fait de Dieu a peut-être oublié qu’il représente ici au Mali  une autorité religieuse dont les paroles et comportements servent de référence, d’exemple pour de nombreux fidèles. Il a peut-être, sans le vouloir, tenu des propos incongrus, mais n’a suffisamment pas évalué les conséquences des propos pareils, surtout dans un pays comme le Mali qui souffre énormément du terrorisme. Le fanatisme religieux qui se nourrit de tels propos, peut bien inciter les uns à poser des actes terroristes similaires, tout en justifiant cela comme étant un châtiment de Dieu  et c’est en substance ce que le Procureur a voulu  signifier à l’Imam Dicko.

Le Procureur est dans son rôle, celui du maintien de la paix et de l’ordre public. Il doit prévenir ou interrompre toutes actions qui pourraient nous mettre en danger. Il est le garant des libertés et du droit, mais il doit être juste et ne doit pas stigmatiser une religion, ni indexer un groupe, sans une preuve valable. Qu’il soit chrétien ou musulman, il est avant tout Malien et doit exercer sa fonction dans ce cadre.

On lui attribut des propos indignes d’un Procureur que lui-même dément formellement. Mais, tout compte fait, les deux hommes ne se sont pas donné la peine de  calmer le jeu ; au contraire, chacun attise le feu ; ce qui crée un climat délétère entre les deux hommes. Les invectives, ni les menaces ne sont acceptables de la part de ces deux hommes pour aborder de la sorte un problème aussi sérieux que  le terrorisme.

L’escalade verbale ne saurait remplacer le dialogue obligatoire et la compréhension mutuelle entre ces deux hommes, elle ne saurait répondre non plus  aux préoccupations de l’heure, encore moins apporté une quelconque solution au phénomène.

Ces deux hommes doivent édulcorer la rhétorique et chercher plutôt à se rencontrer pour essayer d’aplanir leur différend. Il est déplorable et ridicule de voir ces deux personnalités s’affronter par presse interposée comme si le Mali était un pays de «va t’asseoir». Tessougué et M. Dicko doivent  comprendre que chaque autorité ou institution a un rôle crucial à jouer dans la stabilité et la cohésion sociale ; leurs rôles ne sont pas antipathiques, ils sont complémentaires.

Le Mali vaut mieux que ce nous voyons aujourd’hui. Nous devons avoir un  comportement digne vis-à-vis de nous-mêmes afin que les autres nous respectent et nous prennent au sérieux. Les Burkinabès nous ont donné une belle leçon de démocratie et de patriotisme le 31 octobre 2015 en menant à bout une transition courte, apaisée –hormis ce fâcheux coup de force tenté par un général, déboussolé par la fin brutale du règne de son maître sanguinaire, en l’occurrence Blaise Compaoré-   en  élisant un nouveau président. Cette transition au Burkina tranche avec celle menée au Mali en 2012, suite au coup d’état du capitaine Sanogo. La chienlit s’était installée pendant cette crise au sein de la classe politique malienne jusqu’à favoriser l’arrivée des casques bleus de l’Onu dont les Maliens haïssent et vomissent  aujourd’hui comme un verre de pus.

Au lieu d’un débat contradictoire, intelligent et patriotique au sein de notre société, les Maliens se chamaillent quotidiennement pour un ou pour un non. Chacun croit détenir la vérité absolue et personne ne veut se donner le temps de réfléchir et d’essayer d’analyser avec lucidité ce qui nous arrive depuis  un certain temps. En effet, depuis un certain temps, le Mali se débat dans de sérieux problèmes : la mise en œuvre des accords d’Alger, l’insécurité ambiante  à Bamako… sans que tout cela ne suscite aucune réaction de notre part et n’éveille en nous aucun soupçon. C’est toujours la faute à l’autre. Jamais, nous ne nous  mettons en cause, nous sommes devenus apathiques et refusons de nous assumer. Nous sommes passés maîtres dans l’art de critiquer, sans proposer nous-mêmes  une solution.

Quand on analyse une situation aussi grave que  le terrorisme, nous nous rendons compte que ce qui nous unit est plus fort que ce qui nous divise. Mais malheureusement, beaucoup d’entre nous en ont cure. Nous préférons scléroser le débat autour des sujets frivoles et des  non-sens.

  1. Mao DIANE

Economiste et analyste politique

Source : Le Katois

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