Modibo Keïta (né le 4 Juin 1915) à Bamako.Il est mort en détention au camp des commandos parachutistes de Djikoroni Para de Bamako le 16 mai 1977, ses geôliers lui auraient apporté de la nourriture empoisonnée. Il fut président de la République du Mali entre 1960 et 1968.
Ce leader charismatique, écouté sur la scène internationale, a acquis, grâce à son action et à ses idées, estime, prestige et respect :
Il avait le verbe haut, le nationalisme à fleur de peau, de la dignité et de la distinction dans le comportement, le non-alignement comme principe et le panafricanisme dans la tête.
Fils de Daba Keita et Fatoumata Camara, Modibo Keita est né le 4 juin 1915 à Bamako-coura, un quartier de Bamako alors capitale du Soudan Français.
De 1925 à 1931, il fréquente l’école primaire urbaine de Bamako.
A partir de 1931 il entre au lycée “Terrasson de Fougère” (aujourd’hui “lycée Askia Mohamed”).
Trois ans plus tard il part pour l’école normale supérieure William Ponty de Dakar où il passera deux ans. Modibo Keita sortira major de cette école prestigieuse et deviendra instituteur en septembre 1938.
Ses professeurs le signalèrent comme : « Instituteur d’élite, très intelligent, mais anti-français… Agitateur de haute classe à surveiller de près ». Modibo Keita n’était pas anti-français mais, il était viscéralement anti-colonialiste.
En fait, Modibo Keita, qui était profondément ulcéré par la situation de l’Afrique sous domination coloniale, a mené depuis 1937 des activités dans plusieurs mouvements et associations.
Contournant l’interdiction faite aux Africains de faire de la politique, il fondera avec Mamadou Konaté (une autre grande figure de la décolonisation), “l’Association des lettrés du Soudan”qui deviendra par la suite le “Foyer du Soudan”. Une association officiellement apolitique mais qui abordait des sujets qui l’étaient moins.
Dans une publication qu’il créera en 1943, “l’oeil de Kénédougou”, il critique ouvertement la société féodale et le pouvoir colonial.
Toujours avec son compagnon et ancien maître, Mamadou Konaté, Modibo Keita créera la fédération des syndicats des enseignants.
Son nationalisme déterminé, ses activités politiques et syndicales le conduiront en prison: Considéré comme un dangereux opposant par les Français, il sera interné en 1946 à la prison de la santé à Paris (France) pendant trois semaines.
En 1946 est crée à Bamako le Rassemblement démocratique africain (RDA), présidé par Félix Houphouët-Boigny. Il prend le poste de secrétaire général de l’Union soudanaise RDA.
En 1956, il devient maire de Bamako et est élu député à l’assemblée nationale française dont il devient vice-président.
Il siègera deux fois comme secrétaire d’État dans les gouvernements français de la Quatrième République :
* Secrétaire d’État à la France d’Outre-mer du gouvernement Maurice Bourgès-Maunoury (du 17 juin au 6 novembre 1957)
* Secrétaire d’État à la Présidence du Conseil du gouvernement Félix Gaillard (du 18 novembre 1957 au 14 mai 1958).
En 1958, il est élu président de l’Assemblée constituante de la Fédération du Mali qui regroupe le Soudan français, le Sénégal, la Haute-Volta et le Dahomey (ces deux derniers pays quitteront rapidement la fédération).
Le 20 juillet 1960, Modibo Keïta est nommé chef du gouvernement de la Fédération du Mali (qui regroupe le Soudan Français et le Sénégal). Après l’éclatement de cette fédération, le 22 septembre 1960, il proclame l’indépendance du Soudan français qui devient la république du Mali. Il en prend la présidence.
Socialiste, il oriente son pays vers une socialisation progressive de l’économie, d’abord de l’agriculture et du commerce avec la création en octobre 1960, de la SOMIEX (Société Malienne d’Importation et d’Exportation) ayant le monopole de l’exportation des produits maliens et de l’importation des produits manufacturés et des biens alimentaires (sucre, thé, lait en poudre, …) et de leur distribution à l’intérieur du pays. La création du franc malien en 1962 et les difficultés d’approvisionnement entraînent une inflation importante et un mécontentement dans la population, notamment auprès des paysans et des commerçants.
Sur le plan politique, Modibo Keïta fait rapidement incarcérer ses opposants comme Fily Dabo Sissoko et Hamadoun Dicko. À partir de 1967, il déclenche la « révolution active » et suspend la constitution en créant le Comité national de défense de la révolution (CNDR). Les exactions des « milices populaires » et la dévaluation du franc malien en 1967 amènent un mécontentement général.
Le 19 novembre 1968, le lieutenant Moussa Traoré organise un coup d’État et renverse Modibo Keïta qu’il envoie en prison à Kidal. Durant dix ans de 1968 à 1978 le pays est alors dirigé par le CMLN (Comité militaire de libération nationale).
Modibo Keïta meurt en détention à Bamako le 16 mai 1977 à l’âge de 62 ans dans des circonstances suspectes. Radio-Mali diffuse un communiqué annonçant le décès de “M. Modibo Keita, instituteur à Bamako-Coura“. Ses obsèques au cimetière d’Hamdallaye donnèrent lieu à d’importantes manifestations, réprimées violemment par les services de sécurité dirigés alors par Tiécoro Bagayoko. Il est réhabilité en 1992 à la chute du régime de Moussa Traoré par le président Alpha Oumar Konaré. Le mémorial Modibo Keita, est inauguré à Bamako le 6 juin 1999.
Le panafricaniste
Modibo Keïta a œuvré toute sa vie pour l’unité africaine. D’abord en participant à la création de la Fédération du Mali avec Léopold Sédar Senghor.
Après son éclatement, il s’éloigne de Léopold Sédar Senghor et avec Sékou Touré (président de la Guinée) et Kwame Nkrumah (président du Ghana), il fonde l’Union des États de l’Afrique de l’Ouest.
En 1963, il participe à la rédaction de la charte de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) dont il est l’un des principaux artisans.
Invitant à Bamako le roi du Maroc et le président algérien, il œuvrera pour mettre fin à la « guerre des sables », conflit frontalier entre l’Algérie et le Maroc.
De 1963 à 1966, il normalisera ses relations avec le Sénégal, la Haute-Volta et la Côte d’Ivoire.
Partisan du non-alignement, il a défendu les mouvements nationalistes comme le Front de Libération Nationale (FLN) algérien.