S’accorder sur les concepts, les agendas, les ambitions et les stratégies en vue de faire de la rectification de la Transition une vertueuse refondation de la République et de la démocratie, tels semble l’entente entre les deux têtes de l’Exécutif transitoire, le président Assimi GOITA et le Premier ministre Choguel MAIGA. Si le premier assume sa volonté de tout mettre en œuvre pour réussir le challenge, le second affiche sa détermination d’être en phase avec les aspirations populaires qui lui valent d’être à ce niveau de l’histoire de son pays. Au-delà du discours qui épouse l’air du temps et du contexte national, les deux hommes ont-ils un plan ?
En destituant sans aucun état d’âme celui qu’il est parti chercher dans son champ pour le bombarder président de la Transition sur la base d’un piètre préjugé d’intégrité qui ne tient qu’à ses démissions successives, le Colonel Assimi GOITA signifiait aux Maliens et à la Communauté internationale qu’il n’avait pas le devoir de laisser son bébé se noyer dans l’eau du bain. La brutalité et l’absence de pédagogie dans les sanctions prises par la Communauté internationale font basculer l’opinion malienne qui applaudit le « coup d’État dans le coup d’État ». Adoubé sans coup férir par la Cour constitutionnelle, le colonel Assimi assume dès lors en tant que président du Mali, et sans complexe.
L’audace du Colonel
En se faisant investir ce lundi en tenue d’officier, le message du Colonel Assimi GOITA est on ne peut plus très clair : je suis un soldat, j’ai agi en tant que soldat, je m’assume en tant que soldat. Dès lors basta les jérémiades sur la nomination d’un président civil à la tête de la Transition que, du reste, nul ne réclame désormais ouvertement. Même pas la France. Même pas la CEDEAO. Même pas les Américains. Comme quoi l’audace et le franc-jeu du Colonel ont payé ; en tout cas, il est respecté et oblige au respect de notre pays.
Les Maliens ont acté et avalisé par les nombreuses félicitations suite à la nomination du Colonel à la tête de la Transition et l’ensemble de la classe politique, dans un consensus légendaire, est disposée à l’accompagner pour la réussite de la Transition.
S’il faut saluer chez Assimi le culot de s’assumer au moment où fusent de partout les cris d’orfraie, il faut apprécier son souci martial du timing. En chef militaire, il voit la mission pour un temps. Or, à travers les tergiversations, on a assez perdu de temps. Il faut qu’on avance, serait le refrain à Kati. Aussi, à peine déclaré par Cour constitutionnelle président pour le reste de la Transition, Assimi dans un calme olympien prend son courage à deux mains et annonce aux partis politiques qu’il a convoqués, le vendredi 28 mai, à Koulouba, son intention, pardon sa décision d’offrir la Primature au Mouvement du 5 juin – Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP). L’annonce, bien que surprenante, car n’ayant été précédée d’aucune consultation des autres forces politiques, laisse tout le monde sans voix et le M5-RFP aux anges. Qui ne disant mot consentant, le courage du Colonel a fait économiser à la République un sacré temps de palabres interminables.
Chef des commandos anti-terroristes, le colonel Assimi GOITA connu pour être un fonceur peut-il harmonieusement avancer avec le soldat de deuxième classe de réserve Choguel MAIGA, un fin politique qui maîtrise toutes les subtilités de la situation politique malienne ?
Un heureux casting
Le casting des deux hommes n’est ni inconciliable ni antinomique de succès. La courtoisie et la tolérance qu’on lui reconnaît ne peuvent aucunement occulter l’intelligence et le courage politique de leader du chef du Parti du Tigre, le MPR qui durant 30 ans n’a fait que se battre pour être là où il est aujourd’hui. Durant son parcours, il a cheminé parallèlement à d’irréductibles adversaires qui ont fini par lui rendre hommage. Du COPPO (Collectif des partis politiques de l’Opposition, en 1997) au FSD (Front pour la sauvegarde de la démocratie, en 2018), la force de la conviction, le courage et la détermination du leader politique charment et obligent au respect. Le préjugé le qualifie-t-il au poste dans le contexte de déchirure que connaît notre pays ?
En tout cas peu de leaders politiques ou de la société civile du Mali alignent les atouts qu’il a pour occuper le fauteuil de Premier ministre du Mali. Au-delà des thuriféraires alimentaires qui s’acharnent à le dépeindre comme un politique sectaire, tous les observateurs objectifs s’accordent à lui reconnaître une grande capacité d’écoute, d’ouverture, de tolérance et de rassemblement. Autrement, le M5-RFP n’aurait pas été, autrement le M5-RFP ne se serait pas relevé de sa belle mort pour se voir offrir la Primature comme un dû !
C’est pourquoi il faut croire au ministre africain du Commerce qui a tenu tête aux grandes puissances du monde sur le dossier coton quand quelques heures après sa confirmation en tant que chef du gouvernement par le président de la Transition il promet aux Maliens une « gouvernance de rupture ». En rencontrant ce lundi la jeunesse M5, le Premier ministre Choguel MAIGA a annoncé qu’à la fin de la Transition, beaucoup de choses vont changer y compris la gouvernance qui ne sera plus comme avant, mais celle souhaitée par les Maliens.
«Nous allons faire une transition où il y aura une gouvernance de rupture, une gouvernance par l’exemple. Le président a donné le ton aujourd’hui (Lundi). Il a posé les jalons de la rupture totale. Dans tous les domaines, on va faire une rupture positive dans l’intérêt des Maliens. Nous allons donner l’exemple », a annoncé M. MAIGA.
Il ne s’agit pas de dire, mais de faire et de rendre compte de ce qu’on a fait au nom du peuple. C’est pourquoi, le Dr Choguel Kokalla MAIGA, connu pour ses talents d’orateur et de communicateur (il a été porte-parole du gouvernement), s’est s’engagé à tenir régulièrement informés les Maliens de l’action du gouvernement de la Transition.
«Je viendrais régulièrement faire le compte-rendu au peuple malien dans les médias. Les intentions du président et du gouvernement seront expliquées aux Maliens. C’est une équipe qui va sortir le Mali de l’ornière, qui va donner confiance aux Maliens. On va restituer la confiance aux Maliens. Nous voulons réhabiliter la politique, réhabiliter l’homme politique, réhabiliter l’action politique », a promis le Premier ministre.
La peur du sectarisme
Ne faudrait-il pas craindre de voir dans l’action « le chef de clan politique », plutôt que l’homme d’État au service de la Nation à ce moment si particulier de l’histoire ? Nous sommes de ceux qui, sans hésiter, ici à Info-Matin, peuvent prendre le pari sur le Premier ministre Choguel Kokalla ¨MAIGA quand il affirme : « Je suis le Premier ministre de tout le Mali, de tous les Maliens. Je dois travailler pour tous les Maliens. On va travailler dans l’inclusion». Le Président du MPR est de ces leaders politiques qui ont toujours su mettre le Mali au cœur de leur action et au-dessus de leurs intérêts personnels.
Tout son parcours et tout son leadership politique l’incitent à ne pas tomber dans des travers claniques et exclusifs. Plus que tout autre, Choguel sait que si sa nomination est une victoire pour lui-même et son camp (le M5-RFP), il devrait avoir l’intelligence de mettre celle-ci en perspective en la dédiant à l’ensemble de la classe politique et aux forces vives acquises au changement. C’est dans ce cadre qu’il a entrepris, depuis la semaine dernière, plusieurs rencontres d’inclusion.
«Je suis dans les rencontres avec les forces vives de la nation. J’ai rencontré les partis et groupements politiques. Je vais rencontrer les autres couches de la société civile dès que je m’installe », a-t-il informé.
Le piège de la restauration
Mais ce qui est attendu de Choguel MAIGA, Chef du gouvernement de Transition, ce n’est pas le leader conciliant, mi-figue, mi-raisin, qui sera le Chef d’orchestre d’un consensus baroque et décevant. Ce qui est attendu du coéquipier du Colonel, c’est de s’assumer aussi, comme le disent les Maliens « pian ! » ! Au regard des exigences du contexte et des enjeux liés à la Transition, il n’y a pas mille possibilités. Le gouvernement de Transition n’étant pas extensible à l’infini, Choguel va devoir s’assumer d’abord dans et vis-à-vis de son camp et avec les forces du changement. Toute autre approche induira et conduira à des équivoques inacceptables.
Comment en effet les Maliens vont comprendre la nomination dans le gouvernement des anciens alliés de Boua qui n’ont pas la décence de rester fidèles à leur mentor et à leurs convictions ? En ouvrant ce dernier gouvernement de la Transition aux alimentaires de tous acabits, Choguel MAIGA court le risque vers une Transition de restauration plutôt que d’une Transition de rupture, comme promis.
Le consensus ne voulant pas dire tout le monde dans le gouvernement, qui heureusement ne peut que compter 25 membres, en tenant les caciques et les suppôts de l’ancien régime en dehors pour le reste de la Transition, les autorités de la Transition ne font aucune exclusion. Au contraire, elles donnent de gages solides à la rupture qu’attendent les Maliens. Du reste on ne peut accuser un régime de prédation, de corruption et tous les crimes économiques imaginables, et coopter après ses cadres dans ton gouvernement sous prétexte de consensus.
Comme le dit l’autre : Bè ka i ta ke ! Bè ka i ta fo ! On avance !
PAR SIKOU BAH
Source: Info-Matin