« Frapper fort en espérant que la violence du coup amène les effrontés à de meilleures intentions. C’est en substance, relève Le Monde Afrique, la stratégie adoptée, hier, par les chefs d’État d’Afrique de l’Ouest pour contraindre le colonel Assimi Goïta, le chef de la junte malienne et son gouvernement de transition à céder la place à un président élu, bien plus vite qu’ils ne l’entendent. (…) Parmi la batterie de nouvelles mesures annoncées “avec application immédiate” hier par la Cédéao : la fermeture des frontières terrestres et aériennes avec le Mali ; la suspension de toute transaction commerciale, à l’exception des produits de première nécessité, des médicaments, des produits pétroliers et de l’électricité, et le gel des avoirs du Mali à la Banque centrale des États d’Afrique de l’Ouest et dans toutes les banques commerciales de la région. »
Pour leur part, relève encore Le Monde Afrique, « les autorités maliennes dénoncent une décision instrumentalisée par “des puissances extrarégionales aux desseins inavoués” et appellent “à la solidarité et à l’accompagnement des pays et institutions amis”. »
Il faut dire que « les conséquences sont lourdes pour l’État malien, résume un haut cadre malien interrogé parJeune Afrique : le Mali ne pourra plus faire face à un certain nombre d’échéances, affirme-t-il. Il ne pourra plus lever de fonds sur les marchés financiers ni accéder au compte unique du Trésor, où sont ses actifs financiers. À très court terme, le manque de liquidités va affecter notamment le paiement des salaires des fonctionnaires et des agents de l’État. »
Le Monde Afrique précise d’ailleurs que « les caisses de l’État malien n’auraient tout au plus en réserve que deux mois de paye pour les fonctionnaires. »
Au Mali, les premières réactions dans la presse sont plutôt contrastées…
Pour le site d’information malien Sahel Tribune, « les sanctions adoptées hier par la Cédéao sont une illustration parfaite de son manque de considération pour le peuple malien. (…) Le gel des avoirs maliens au sein de la BCEAO, la fermeture des frontières entre le Mali et les États membres de l’organisation, la suspension des transactions avec Bamako, le retrait des ambassadeurs de tous les pays membres au Mali, sont des mesures qui ne touchent pas que les autorités au pouvoir. Cette manière d’agir, au lieu de démotiver la transition en place et de créer un mécontentement populaire, risque au contraire de créer plus d’union autour de ces autorités. »
Autre avis pour Maliweb : le site bamakois estime que « le Mali doit rapidement négocier, à contre cœur, pour faire amende honorable à l’égard de l’organisation sous-régionale. (…) Le chef de l’État, le colonel Assimi Goïta, doit prendre la mesure de la situation pour rassembler les Maliens et réduire le chronogramme au strict minimum pour ramener ses interlocuteurs de la Cédéao à de meilleurs sentiments. Ce qui permettrait par exemple d’arrêter un chronogramme de deux ans, bâti sur des arguments patriotiques sincères et un lobbying de poids pour conduire à lever le plus rapidement possible les sanctions prononcées à Accra. »
Alors, « après la main lourde de la Cédéao, que fera la junte au pouvoir ? », s’interroge pour sa part Wakat Séra au Burkina. « Le Mali composera-t-il plus que jamais avec la Russie et la Chine ? »
« Qui de la Cédéao et du Mali sera le premier à faire marche-arrière ? », se demande en écho Aujourd’hui, toujours à Ouaga. « La Cédéao va être sous le feu des droits-de-l’hommiste qui brandiront le sort des Maliens en guenilles souffreteux et ployant sous le poids des sanctions, dans une économie déjà sous-perfusion, implorant la Cédéao de ramollir les sanctions. »
Et les militaires maliens « seront aussi pris entre le feu de ces sanctions et une partie des Maliens » qui estiment que le jeu de la transition ne vaut pas la chandelle des sanctions. « Selon l’adage bien connu, conclut Aujourd’hui, les dirigeants passent, surtout transitionnels, mais le peuple reste ! »
Source : RFI