Montée en puissance des Forces de défense et de Sécurité, réorganisation interne et mobilisation des militants, fin de la transition, nostalgie de la terre natal… Voilà, entre autres ce que notre rédaction a retenu des vœux des différents états-majors politiques au seuil du nouvel an. Mais, peu d’entre eux ont ouvertement abordé la question du retour à l’ordre constitutionnel initialement prévu en mars prochain avant le report de la présidentielle de février le 25 septembre dernier.
Comme le Bureau politique national de l’Alliance pour la solidarité au Mali-Convergence des forces patriotiques (ASMA-CFP), la classe politique malienne a reconnu presqu’à l’unanimité que 2023 a été «une année très éprouvante» pour le Mali et les Maliens. Il est vrai qu’entre l’incapacité du gouvernement à maintenir les prix à la hauteur des sacrifices fiscaux consentis et la crise énergétique, les populations maliennes ont presque bu le calice jusqu’à la lie.
Mais, elles se sont montrées d’une surprenante résilience convaincue que c’est le prix à payer pour la gouvernance vertueuse souhaitée par tous. Le BPN de l’Asma Cfp a ainsi réaffirmé sa «solidarité à tous nos compatriotes dont le quotidien se résume, du fait des difficultés financières, à chercher à survivre». Pour le président de la Codem, Housseini Amion Guindo dit Poulô, l’année 2023 a été «marquée par un contexte sociopolitique et sécuritaire particulièrement difficile pour notre pays avec des attaques terroristes qui ont endeuillé des milliers de familles et fait des milliers de déplacés et de réfugiés…».
«Mon plus grand souhait est que 2024 soit l’aube d’une nouvelle ère pour le peuple malien ; l’ère de la paix totale sur tout notre territoire afin que nous puissions continuer à écrire les pages glorieuses de notre histoire dans un Mali indépendant et véritablement souverain», a souhaité Poulô. Et de rappeler que notre «devoir collectif en ce moment historique critique» est de nous «unir pour faire face aux défis actuels et assurer à la génération future la sécurité, la santé et le développement économique et social». Et surtout que, comme l’a rappelé le président Modibo Sidibé des FARE An Ka Wuli, «les défis restent nombreux et les enjeux complexes sur les plans économique, social et sanitaire, institutionnel, éducatif, environnemental ; particulièrement ceux relatifs à la jeunesse malienne, rurale comme urbaine».
Rebattre les cartes pour garder notre destin en main
«J’ai l’intime conviction que notre destin est entre nos mains et qu’il est à la dimension de nos ambitions nationales, régionales et africaines», a assuré l’ancien Premier ministre. Et pour ce faire, a-t-il conseillé, il nous faut «rebattre les cartes afin d’ouvrir de véritables opportunités aux générations montantes et de jeter les fondamentaux en matière institutionnelle, sécuritaire, infrastructurelle, économique, éducative, scientifique, technologique et d’innovation».
L’Adéma-Pasj a exhorté les autorités de la Transition et les Maliens, «au-delà des enjeux de la diversité d’opinion», à faire en sorte que 2024 soit une année de «cohésion sociale, de patriotisme, de résilience, de réconciliation des cœurs, d’unité et de concorde nationale». Elle a aussi appelé les dirigeants actuels du pays à privilégier «le dialogue avec la classe politique et l’ensemble des forces vives de la nation pour trouver un consensus national sur les préoccupations de la nation et renforcer la mobilisation sociale pour la lutte contre le terrorisme et le recouvrement de l’intégralité du territoire national».
«Notre quotidien est scellé par l’incertitude et l’angoisse du lendemain. L’espoir est difficile sauf à être cynique et de mauvaise foi», a martelé Tiéman Hubert Coulibaly, le président en exil de l’Union pour la démocratie et le développement (UDD). Cependant, a-t-il préconisé, «face à la logique du chaos et l’incertaine reconstruction, la volonté de survie doit prévaloir et dominer». Et de rappeler, «la quête de paix, de réconciliation et de reconstruction face aux épreuves est un désir ardent des plus nombreux de nos compatriotes». Sans doute nostalgique, comme la plupart des opposants à la transition en exil, Tiéman a souhaité «une année de soulagement pour notre nation afin que chaque Malien se sente mieux dans la chaleur de sa terre natale».
«S’il est clair que le jihadisme et d’autres problèmes sociaux et économiques ont encore une emprise sur notre pays, nous devrions trouver de l’espoir à la fin de cette année…», a rappelé Cheick Boucadry Traoré du parti Convergence africaine pour le renouveau (CARE/Afriki Lakuraya). A son avis, «nos gouvernants et nos dirigeants de la société civile ont aujourd’hui l’opportunité et la possibilité d’être des leaders dans la reconstruction, d’être la promesse de la reprise et des catalyseurs pour réinventer nos communautés».
Quid du retour à l’ordre constitutionnel ?
Au Rassemblement pour le Mali (RPM, ex-parti présidentiel), la «réorganisation structurelle» du parti est plutôt la préoccupation majeure de ses dirigeants. «Nous devons tous nous consacrer, sans exclusive aucune, à la réorganisation structurelle et à la modernisation de notre parti pour l’adapter à la nouvelle carte administrative du Mali et à la mobilisation des ressources intérieures pour le financement des activités du parti à tous les niveaux afin d’assurer une bonne préparation au RPM en vue des futurs rendez-vous politiques», a souligné Dr Bokary Tréta. Le président des «Tisserands» a souhaité que 2024 soit «l’année du RPM» et de la «renaissance de notre Maliba». Dans leurs vœux du nouvel an, les partis ont aussi salué la montée en puissance des Forces armées maliennes (FAMa) qui, «malgré les difficultés», ont bravé tous les dangers pour effectuer des pas décisifs dans leur mission de reconquête de notre intégrité territoriale.
Le constat de nombreux observateurs est que peu de partis ou leaders politiques ont ouvertement abordé la très sensible question du rapide retour à l’ordre constitutionnel, notamment à la nécessité d’organiser la présidentielle avant la fin de cette année. Même si Housseini Amion Guindo a souhaité que «cette année soit mise à profit, conformément à nos engagements, pour sortir notre pays de cette période d’exception aux conséquences incalculables sur nos populations». Et de marteler, «aucune malice politique ne saurait éternellement amuser la galerie et détourner le peuple de l’essentiel». Et naturellement que la Codem reste «disponible pour accompagner toutes les initiatives pour un retour à l’ordre constitutionnel».
Comme en 2023, les défis demeurent encore énormes pour cette nouvelle année. Mais, comme l’a si bien rappelé Cheick Boucadry, «le temps est sûrement à l’espoir et à l’optimisme, à la renaissance et au renouveau». Et pour toujours paraphraser le jeune leader politique, «faisons de cette nouvelle année une rampe de lancement pour des améliorations et des changements positifs et durables sur plusieurs fronts… pour nos enfants et petits-enfants» !
Moussa Bolly