Après la délivrance vendredi par la Cour pénale internationale (CPI) d’un mandat d’arrêt contre Vladimir Poutine pour crime de guerre en Ukraine, le président russe pourrait-il vraiment figurer un jour sur le banc des accusés à La Haye?
Si oui, comment?
Les États membres de la CPI sont tenus d’exécuter les mandats d’arrêt contre Vladimir Poutine et Maria Lvova-Belova s’ils se rendent sur leur territoire.
“C’est vrai”, a déclaré à l’AFP le procureur de la CPI, Karim Khan, lorsqu’on lui a demandé si M. Poutine serait passible d’une arrestation en se rendant dans l’un des 123 pays parties au Statut de Rome, texte fondateur de la cour. Mais cette dernière n’a pas sa propre force de police. Selon le président de la CPI, Piotr Hofmanski, l’exécution des mandats “dépend de la coopération internationale”.
Matthew Waxman, professeur à la Columbia Law School, a déclaré qu’il s’agissait d’une “étape très importante de la part de la CPI, mais que les chances sont minces que Poutine soit un jour arrêté”. L’ancien dirigeant soudanais Omar al Bashir s’est rendu dans plusieurs États africains malgré un mandat d’arrêt de la CPI.
Quels obstacles?
Tout d’abord, la Russie ni l’Ukraine ne sont membres de la CPI. La juridiction est en droit de poursuivre M. Poutine seulement parce que Kiev a accepté sa compétence dans la situation actuelle.
Mais la Russie a rejeté les mandats d’arrêt et affirmé qu’elle ne coopèrerait pas. “La Russie, comme un certain nombre d’Etats, ne reconnaît pas la compétence de ce tribunal. Par conséquent, du point de vue de la loi, les décisions de ce tribunal sont nulles et non avenues”, a déclaré le porte-parole du président russe, Dmitri Peskov.
Moscou a signé le Statut de Rome mais ne l’a pas ratifié. Puis elle a retiré sa signature sur ordre de M. Poutine en 2016, après l’ouverture d’une enquête de la CPI sur la guerre de 2008 en Géorgie. Il est peu probable que M. Poutine figure sur le banc des accusés, “à moins qu’il n’y ait un changement de régime en Russie”, a déclaré Cecily Rose, professeure adjointe de droit international public à l’Université de Leiden.
Y’a-t-il des précédents?
Plusieurs dirigeants politiques et militaires ont été jugés pour crimes de guerre, rappelle Karim Khan. “Il y a tellement d’exemples de personnes qui pensaient qu’elles étaient au-dessus de la loi” et qui “se sont retrouvées devant les tribunaux”, observe-t-il. “Prenez Milosevic ou Charles Taylor ou Karadzic ou Mladic”, souligne-t-il.
La CPI a condamné en 2012 Charles Taylor, ancien chef de guerre libérien devenu président, pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité. L’ancien président serbe Slobodan Milosevic est mort dans sa cellule à La Haye en 2006 alors qu’il était jugé pour génocide par le tribunal pour l’ex-Yougoslavie. L’ancien dirigeant serbe de Bosnie Radovan Karadzic a finalement été capturé en 2008 et reconnu coupable de génocide par ce même tribunal, et son chef militaire Ratko Mladic a été arrêté en 2011 et condamné à la réclusion à perpétuité.
Y a-t-il d’autres options?
La CPI ne peut pas juger des suspects par contumace mais M. Khan observe que la cour a d’autres moyens pour faire avancer certains dossiers.
Il a demandé aux juges de tenir une audience pour confirmer les charges retenues contre Joseph Kony – chef de l’Armée de résistance du Seigneur, qui a lancé une rébellion sanglante en Ouganda – bien que M. Kony soit toujours en fuite. “Ce processus peut être disponible pour tout autre cas, y compris celui en cours” en Ukraine, soulève M. Khan.