Il ne faut pas se tromper. Le maintien du mot d’ordre de grève ne fait pas de l’UNTM un pandémonium. C’est plutôt le signe que le désir de s’affirmer allume son lumignon au fond de l’esprit du secrétaire général du syndicat, Yacouba Katilé, frustré par le « peu d’intérêt » qu’on a pour lui et son organisation.
L’organisation syndicale malienne la plus importante, l’UNTM, s’est donc résolue a sauté le pas. Elle a décidé de maintenir son mot d’ordre de grève après avoir quitté la table des négociations avec le gouvernement. Négociations qui ont débouché sur 12 points d’accord sur les 17 points de revendication que comporte le préavis de grève. L’évocation de la crise que le pays a connu, devenue un fonds de commerce, n’a donc pas rencontré l’écho que le gouvernement a escompté. Autant dire que ces négociations n’ont pas plus été qu’une comédie écrite et mise en scène par le gouvernement, et dans laquelle l’UNTM a eu un rôle. La grève générale est maintenue pour ce jeudi et demain vendredi.
Le secrétaire général de l’Union Nationale des Travailleurs du Mali (UNTM), Yacouba Katilé, et son adjoint Maouloud Ben Kattra, ont clairement expliqué les raisons du débrayage. Le message est d’une grande limpidité: il s’agit de dire que « trop c’est trop », « la calebasse est en train de déborder », à un gouvernement qui, comme l’a dit Yacouba Katilé le mercredi 13 août à l’Assemblée Générale, semble avoir « peu d’intérêt » pour eux, ne les ayant jamais reçus malgré « le cahier de doléances déposé sur sa table » depuis le mois de mai dernier.
Mise en œuvre effective du Protocole d’Accord du 2 octobre 2011 en vue de son extinction définitive, le relèvement significatif du taux de la valeur du point d’indice, la diminution du taux de l’impôt sur les traitements et salaires (ITS), le relèvement du salaire minimum interentreprises garanti (SMIG), l’augmentation du taux des allocations familiales, la modernisation et la sécurisation de l’administration générale (moyens logistiques, techniques, humains et financiers), la relecture de la convention des chauffeurs routiers, la révision à la hausse du salaire au niveau des EPA et EPIC, la baisse des loyers des maisons à usage d’habitation, la baisse des tarifs d’eau et d’électricité conformément à l’accord signé en juillet 2007…Ce sont là, entre autres, les points de revendications de l’UNTM. Seuls cinq points ont fait échec aux négociations, mais ont fait l’objet de propositions émanant du gouvernement : le relèvement du SMIG d’environ 10% ; le relèvement de l’allocation familiale au bénéfice des conventionnaires d’environ 10%; une proposition d’étude du système fiscal en vue d’une réduction de l’ITS.
Il faut regarder la réalité en face : les temps sont durs, le pays est en pénurie de tout. Dans un climat social aussi bancal, il est clair que des revendications syndicales sont propres à donner du fil à retordre aux tenants du pouvoir. Ce qu’à dit le ministre du Travail, de la Fonction Publique et des Relations avec les Institutions, dans son communiqué de presse, est à redire : le Mali s’est arraché à une crise profonde et multiforme. Cela, l’organisation syndicale en a conscience, malgré tout elle a foncé…
…Légitimes mais mal à propos
Evidemment, il n’est pas question de faire la morale à une organisation syndicale qui, faut-il le rappeler, a un mandat et des objectifs clairement définis. Et il n’y a aucun doute que les revendications faites par le syndicat ne sont pas sans légitimité. Légitimes, elles le sont. Mais la question qui demeure est de savoir si elles sont tout à fait à propos. A partir du moment où, comme chacun le sait, le gouvernement lui-même ne fait plus mystère de sa faiblesse, qu’il met toujours sur le compte du régime d’ATT accusé, par tous ou presque, d’avoir créé une situation sociale, économique chaotique. La crise est passée par là. C’est pourquoi il faut manifester son étonnement devant l’attitude de l’UNTM. Une attitude qui ne laisse pas de faire comprendre qu’elle ne veut pas lâcher du lest, sachant bien que son adversaire, le gouvernement, est d’ores et déjà pris dans le piège de ses engagements et des chantiers importants.
Désir de s’affirmer
Il ne faut pas se tromper. Le maintien du mot d’ordre de grève ne fait pas de l’UNTM un pandémonium. C’est plutôt le signe que le désir de s’affirmer allume son lumignon au fond de l’esprit du secrétaire général du syndicat, Yacouba Katilé, frustré par le « peu d’intérêt » qu’on a pour lui et son organisation. C’est dire aussi que M. Katilé veut démontrer que le syndicalisme n’est pas une partie de plaisir, mais une affaire sérieuse. Il veut démontrer que l’UNTM est un syndicat débout…qui ne se couchera plus.
Alors que le gouvernement est en train de montrer sur toute la ligne qu’il est couché, faible à mesure que l’exigence de résultat devient de plus en plus pressante. Avec cette intransigeance de l’UNTM, il sait désormais ce qu’il pèse et donne l’impression d’être composé de membres qui ne sont là que par hasard, par népotisme ou clientélisme. Dans cette mêlasse, il devra affronter la tempête d’une demande sociale importante.
Boubacar Sangaré