Chers compatriotes;
La réussite de la transition actuelle est un devoir impérieux pour toute personne soucieuse de notre pays le Mali. C’est cette réussite qui conditionnera le succès futur des régimes qui lui succéderont, non seulement sur le plan sécuritaire mais également dans les domaines politique et socio-économiques.Ceux qui gardent silence, attendent tranquillement que la transition s’écroule ou souhaitent ardemment son échec, font un pari très dangereux pour notre pays. Nul n’a intérêt à l’écroulement de notre pays.
En ces moments particulièrement difficiles pour le pays, il est impératif que chacun d’entre nous mette de côté ses calculs et agendas et que nous nous retrouvions autour de nos autorités et de notre pays,L’unité autour des autorités de la transition est seule en mesure de nous permettre de faire face aux graves défis de l’heure. Ces derniers sont nombreux et sont en train d’étouffer progressivement la transition et par finir le pays. Nous devons avoir le courage de le reconnaître et nous devons convaincre nos autorités de le reconnaître également.Le premier défi est celui de la paix au nord et ailleurs dans le pays. L’annonce faite par le chef de l’Etat en faveur d’un dialogue inter-maliens devant conduire à une offre globale de paix à nos compatriotes engagés dans la rébellion, est positive et elle doit être accompagnée.
Nous devons tous nous impliquer et associer les différentes composantes de la communauté nationale à cet exercice afin d’aboutir à un dispositif de paix enfin porté par les Maliens. A ce titre, nous devons multiplier les passerelles permettant à la CMA et au CSP de prendre part à cet exercice. Nous ne devons pas oublier également que les Maliens dans leur grande majorité souhaitent que des discussions soient engagées avec nos compatriotes engagés dans l’aventure terroriste pour obtenir leur retour dans l’ensemble national. Cette occasion doit être utilisée pour baliser le chemin vers cet autre dialogue inter maliens. Aucun d’entre nous n’a d’intérêt dans la guerre sans fin et on sait par ailleurs que la réponse armée ne peut être la seule face à des mouvements insurrectionnels,Le second défi qui menace clairement la réussite de la transition est la pénurie d’énergie qui frappe notre pays et qui se traduit par des coupures d’électricité aux conséquences très négatives sur le plan économique mais également social. Il apparaît clairement que la fin du calvaire de nos compatriotes n’est pas pour demainOr face à la période de chaleur dans les semaines à venir, dans le contexte du ramadan ou simplement devant l’impossibilité de travailler, il y a un risque réel que nos compatriotes soient exaspérés et finissent par se soulever. Il est impératif que nous anticipions et que nous agissions ensemble pour faire face aux difficultés à venir. Cela nécessite que les autorités indiquent clairement ce qui peut être fait et ce qui ne peut l’être. Cela nous impose ensuite de communiquer, partager le fardeau entre les différentes composantes du pays, et rester solidaires face aux difficultés jusqu’à la survenue des premiers signes d’amélioration.
Les difficultés financières et économiques du pays qui se traduisent par des difficultés encore plus importantes pour l’Etat de faire face à ses engagements financiers sont connues. Les restrictions budgétaires, la grande difficulté de l’Etat à payer la dette intérieure, le recours important au marché financier régional dans des conditions très restrictives, l’utilisation importante des ressources des banques nationales pour financer l’Etat, sont entre autres des signes avant-coureurs de difficultés encore plus importantes à venir. Il n’est pas possible d’éluder une difficulté financière. Il faut la reconnaitre, la partager et y faire face en répartissant les efforts à fournir entre les différents acteurs publics et privés. Les autorités doivent faire les plus grands sacrifices en tant que premiers responsables. Nous devons là également nous serrer les coudes pour faire face aux moments difficiles à venir.
Les restrictions et autres atteintes à la liberté d’opinion ne sont dans l’intérêt de personne. Les actions de dissolution l’encontre des partis politiques du fait d’émission d’opinion non plus ! Il est impérieux que dans le contexte ou nous devions nous donner la main pour faire face, tous ensemble, aux crises actuelles et à venir, nos autorités acceptent l’émission d’opinions divergentes voire contradictoires. La réussite de cette période où chacun est appelé à s’ engager, est à ce prix. Nous devons travailler avec les autorités pour obtenir l’exercice des libertés publiques, libertés pour lesquelles des citoyens ont perdu la vie au Mali.
Enfin. Lors de son discours du 31 décembre 2023, évoquant le retour du pays à l’ordre constitutionnel le Chef de l’Etat a indiqué la poursuite des efforts dans cette direction sans donner d’information précise sur le processus et les éventuels délais. Le Ministre chargé de cette question avait annoncé il y a plusieurs mois un « léger report des élections sans donner d’indication. Nous avons été témoins de l’effacement du budget des élections des prévisions pour 2024, ce qui laisse supposer qu’il n’est pas prévu de scrutin en 2024. Il convient également de noter que plusieurs personnes travaillent sur des textes relatifs aux processus politiques sans perspective claire ni de collaboration avec les acteurs socio-politiques ni de chronogramme de travail.Il est nécessaire que les acteurs socio politiques soient associés aux réformes et qu’il leur soit permis de contribuer à la rédaction des textes pour qu’ils puissent être inclusifs et pertinents.
Il est également nécessaire que ces acteurs s’ engagent avec les autorités de la transition des discussions profondes, sérieuses et complètes au sujet du retour consensuel à l’ordre constitutionnel. La réussite de la transition est également à ce prix.
Chers compatriotes;
Il est impératif pour chacun d’entre nous d’aider la transition à réussir ses principaux défis et à aider ses animateurs à réussir leur mission au service de notre pays.
J’en appelle à tous les responsables politiques et de la société civile à s’inscrire dans cette dynamique. Je leur demande de s’impliquer et à jouer leurs rôles dans la gestion de chacun de ces sujets de préoccupation pour le pays. Je demande aux autorités de la transition de s’ouvrir à toutes les initiatives qui seront lancées dans cette perspective,à reconnaître partout où besoin sera, la réalité de la situation du pays et à accepter de travailler avec les forces vives dans la conduite des changements indispensables pour faire face aux situations avec succès.
Nous n’avons pas le droit de laisser la transition et le Mali s’enlise progressivement et se noyer. Nous en porterons tous la responsabilité devant l’histoire et devant nos compatriotes.
Bamako le 5 janvier 2024
Moussa MARA
Ancien Premier ministre