Dans « Wagner, enquête au cœur du système Prigojine », une enquête fourmillant de détails inédits, les auteurs Lou Osborn et Dimitri Zufferey explorent la galaxie d’Evgueni Prigojine.
De quoi Wagner était-il le nom ? D’une société militaire privée, au service de Vladimir Poutine ? D’une bande de soudards et de pillards, d’une escouade de mercenaires sans foi ni loi, prêts à enfreindre toutes les lignes rouges fixées par les lois de la guerre ? D’une entreprise de désinformation et d’influence, animée par une esthétique et une mythologie, au service du « tsar » et de la « grandeur de la Russie » ? D’un gang incontrôlable dont l’ambition et la violence ont fini par faire de l’ombre au ministre de la Défense, Sergueï Choïgou et à Poutine lui-même ?
Un peu tout cela à la fois et bien plus encore. La radiographie du groupe Wagner proposée par les auteurs, membres du collectif « All Eyes on Wagner », est une enquête précise et très documentée, qui explore les bas-fonds de l’empire bâti par Evgueni Prigojine, l’ancien taulard devenu entrepreneur dans l’orbite du Kremlin et finalement éliminé.
Enquête minutieuse en « source ouverte »
Créature de l’oligarque, le monstre Wagner s’est nourri des conflits créés ou entretenus par Moscou depuis 15 ans : dès le début de l’invasion du Donbass, on le retrouve en Ukraine, ensuite en Syrie et dans plusieurs pays africains : Centrafrique, Mali, Soudan… Les exactions de ses hommes sont documentées, filmées, répertoriées. Les mercenaires sont déployés sur tous les fronts. Ils y sont aussi observés, scrutés à la loupe par des détectives du Web, des journalistes, des geeks de l’investigation en « source ouverte » qui, derrière leur écran d’ordinateur, scannent et analysent les données disponibles : plans de vols, photos par satellite, organigrammes et captures d’images sur les réseaux sociaux.
C’est toute l’originalité de cette enquête sans terrain. Elle décrypte la galaxie Prigojine avec méthode, les sociétés écran, les faux médias, les fermes à trolls, les outils d’influence qui préparent les opinions, les boîtes de sécurité et les compagnies minières qui viennent tirer profit des failles géopolitiques dans lesquelles elles se sont engouffrées. Une méthode qui pourrait bien survivre à Prigojine.
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