« Les séparatistes prorusses détruisent » la ville stratégique de Debaltseve, dans l’est de l’Ukraine, qui est bombardée à quelques heures d’un nouveau cessez-le-feu, a accusé samedi le chef de la police régionale pro-Kiev, Viatcheslav Abroskine. « Les rebelles détruisent Debaltseve. Les tirs d’artillerie contre les immeubles d’habitation et les bâtiments administratifs ne cessent pas. La ville est en flammes« , a-t-il écrit sur son compte Facebook. Selon lui, le commissariat de police de la ville a été touché par une roquette Grad.

Le président ukrainien Petro Porochenko a par ailleurs déclaré qu’il s’entretiendrait ce samedi au téléphone avec Angela Merkel et François Hollande, puis avec Barack Obama de la situation dans l’est rebelle avant l’entrée en vigueur du nouveau cessez-le-feu.

L’entretien avec les dirigeants allemand et français aura lieu à 17H00 locales (16H00 en Belgique) et celui avec le président américain deux heures plus tard, a-t-il précisé dans un discours devant les gardes-frontières retransmis en direct à la télévision.

Debaltseve en flammes

L’armée ukrainienne a fait état samedi matin d’une « tentative d’assaut rebelle avec des lance-roquettes multiples et des chars » contre ses positions aux abords sud-est de Debaltseve, nœud ferroviaire à mi-chemin entre les capitales rebelles de Donetsk et Lougansk et théâtre d’intenses combats. Les troupes ukrainiennes y sont quasi-encerclées par les rebelles.

L’ambassadeur américain en Ukraine Geoffrey Pyatt a écrit samedi sur son compte Twitter qu’il s’agissait de systèmes « russes et non séparatistes » près de Debaltseve, y compris des systèmes de défense anti-aérienne.

Un nouveau cessez-le-feu doit entrer en vigueur à ce samedi à 23h (heure belge), clause essentielle des accords de Minsk 2 signés jeudi au terme d’un marathon diplomatique impliquant les présidents russe Vladimir Poutine, ukrainien Petro Porochenko, français François Hollande et la chancelière allemande Angela Merkel.

Une trentaine de morts dans des combats vendredi  

Ce vendredi, les combats ont fait une trentaine de morts. Le président ukrainien accuse les rebelles pro-russes de bombarder des civils dans l’est. Les USA, eux, accusent Moscou de poursuivre la livraison d’armes lourdes pour permettre aux séparatistes de conquérir un maximum de terrain avant le cessez-le-feu.

Une énorme colonne de fumée noire monte vers le ciel de Donetsk. Une salve de missiles Grad vient de s’abattre sur une usine d’un quartier nord. Cette fois, il n’y a pas de victime, mais le choc est bien là.

Devant les grilles de leurs maisons, des habitants sont paralysés par la peur. Certains reçoivent des coups de fil inquiets de leurs amis et parents. « J’ai peur, Katia. J’ai peur. C’est horrible. Tous les jours ils bombardent, massivement« .

De l’autre côté de la rue, une dame âgée pliée en deux n’ose même plus se redresser: « Je sens que mon coeur me lâche. J’ai avalé des gouttes, mais j’ai peur de rentrer dans ma maison« .

L’urgence dans ce quartier habité, c’est d’éteindre l’incendie. La lance est déjà là et les pompiers s’activent. Ils doivent faire vite car les bombardements continuent.

Ici, les habitants ne croient plus à un cessez-le-feu : « Porochenko, cet enfoiré ! Je ne le crois pas ! Il n’y aura jamais de paix tant qu’il ne nous aura pas tous tués. Je n’y crois pas !« .

Dans la soirée, les salves de Grad ont repris de plus belle, tandis que des tanks ont traversé la ville.

La Russie accuse Kiev et l’Occident de « déformer » les accords de paix

La Russie s’est déclarée samedi « préoccupée » par les tentatives de Kiev et de l’Occident de « déformer » les accords de paix pour l’Ukraine, conclus jeudi à Minsk. « Le fait que les responsables ukrainiens (…), ainsi que ceux de certains pays occidentaux, notamment des Etats-Unis se sont montrés solidaires avec l’opinion des nationalistes radicaux de la Verkhovna Rada (Parlement ukrainien) et ont commencé à déformer le contenu des accords de Minsk suscite une grave préoccupation« , a indiqué la diplomatie russe dans un communiqué.

La Russie reproche notamment à Kiev et aux Occidentaux de « mettre en doute la mise en application des dispositions concrètes du document » soutenu officiellement par Vladimir Poutine, François Hollande, Petro Porochenko et Angela Merkel, précise le communiqué.

Alors que des représentants des régions rebelles de Donetsk et de Lougansk (est de l’Ukraine) « font état de leur attitude responsable envers leurs engagements, des déclarations faites par les hommes politiques ukrainiens à Kiev suscitent la méfiance« , selon Moscou. « Nous réaffirmons que le principal message des accords de Minsk est qu’il est nécessaire de mettre fin aux combats, de retirer les armes lourdes et d’amorcer une réforme constitutionnelle réelle en Ukraine« , souligne le communiqué.

Moscou compte « que tous les signataires de l’accord de Minsk du 12 février » (Kiev, les rebelles prorusses, la Russie et l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe), « ainsi que les parties ayant soutenu ce processus, dont l’Allemagne et la France, fassent tout leur possible pour que cet accord soit respecté strictement« .

L’ex-président géorgien Saakachvili nommé conseiller de Porochenko

Mikheïl Saakachvili a été nommé conseiller du président ukrainien Petro Porochenko, a annoncé la présidence ukrainienne dans un communiqué. Âgé de 47 ans, il va notamment diriger le Conseil consultatif international pour les réformes dont l’objectif principal est de fournir à l’Ukraine des propositions et des recommandations sur la mise en oeuvre de réformes dans ce pays.

« Mikheïl deviendra un représentant de l’Ukraine à l’étranger et simultanément, un représentant de la communauté internationale en Ukraine« , a précisé Petro Porochenko, cité dans le communiqué.

Pour sa part, M. Saakachvili a estimé que les Ukrainiens méritaient un meilleur avenir, exempt de corruption et d’injustice. « Nous ne pourrons pas gagner, si nous n’édifions pas aujourd’hui une nouvelle Ukraine et n’introduisons pas de nouvelles réformes« , a-t-il déclaré dans un communiqué.

M. Saakachvili, un réformateur pro-occidental arrivé au pouvoir en Géorgie en 2003 avec la révolution de la Rose, a dirigé cette ex-république soviétique du Caucase pendant une décennie. Critiqué pour son style autoritaire et surtout pour la guerre désastreuse avec la Russie en 2008, M. Saakachvili a cependant réussi en dix ans à endiguer la corruption, à construire des infrastructures et relancer l’économie de ce pays qui avait connu après la chute de l’URSS en 1991 une guerre civile et l’effondrement de l’économie. Il a été remplacé par un allié du milliardaire Bidzina Ivanichvili, son ennemi juré dont le parti avait remporté les législatives en 2012.

Une Américaine, ancienne collaboratrice du département d’État américain, et un Lituanien, dirigeant d’un fonds d’investissement suédois, se sont déjà vus début décembre confier les portefeuilles stratégiques des Finances et de l’Économie dans le nouveau gouvernement ukrainien, avec la lourde tâche de sortir l’économie du pays de l’impasse.

Source: RTBF