INTERNATIONAL – Se rapprocher de l’ennemi… Ce 7 novembre, la visite asiatique de Donald Trump l’emmène en Corée du Sud. Un pays au cœur de l’actualité du fait des provocations incessantes de la Corée du Nord à l’égard du reste de la planète, mais dont le destin semble pourtant suspendu au bon vouloir de “l’homme le plus puissant du monde”, le président des États-Unis.
Car la Corée du Sud peine à se faire entendre au sujet de tensions qui la concernent pourtant en premier lieu. Alors que son voisin nordiste ne cesse de perfectionner ses armes et technologies tout en défiant sans relâche la communauté internationale, c’est bel et bien Donald Trump qui se fait la voix -tonitruante en l’occurrence- de l’opposition à Kim Jong-Un.
Or selon un scénario établi par le Pentagone, la Corée du Sud subirait quelque 20.000 morts par jour en cas de conflit armé entre les deux États frontaliers. Un bilan qui serait infiniment plus lourd si le voisin communiste décidait d’utiliser des armes chimiques ou nucléaires. Et justement, cette possibilité seraient rendue chaque jour un peu plus crédible par l’attitude belliqueuse de Donald Trump, à en croire de nombreux Sud-Coréens.
La cote de Trump en berne
Selon un sondage réalisé en juin 2017 par le Pew Research Center, un think tank américain, 78% des Sud-Coréens ne font pas confiance au président Trump. Une autre enquête, réalisée elle fin 2016 par un institut sud-coréen, ajoutait que la proportion de Sud-Coréens estimant que les relations entre Washington et Séoul allaient se détériorer s’était multiplié par quatre entre 2015 et l’élection de Donald Trump.
De nombreuses tribunes ont également été publiées par des intellectuels et des personnalités sud-coréennes pour mettre en lumière la poudrière qu’est devenue, en partie malgré elle, la péninsule. “Monsieur Trump, je vis en Corée du Sud et vous me terrifiez”, écrivait par exemple un éditeur coréen dans le New York Times, quand un correspondant de The Independent dans le pays assurait que les locaux craignaient bien plus le président américain que Kim Jong-Un.
C’est ainsi que des manifestations ont eu lieu les 4 et 5 novembre à Séoul, en amont de l’arrivée de Donald Trump dans le pays. Aux cris de “Ne viens pas ici”, “Trump imbécile” ou “Sans Trump, pas de guerre”, des centaines de militants se sont rassemblés à Séoul contre la visite officielle de l’exécutif américain. Nombreux sont les Sud-Coréens qui se demandent pourquoi ils devraient continuer de compter sur la protection américaine alors que les États-Unis semblent de moins en moins privilégier la solution pacifique, n’écartant désormais plus l’éventualité d’un conflit.
“Si une guerre se déclenche, nous allons tous mourir”, explique un manifestant au Washington Post, alors que des clichés d’un Trump grimé en Hitler circulaient dans la foule. “Nous haïssons Trump, nous aimons la paix et l’égalité”, chantait le cortège. Plusieurs manifestants voulaient notamment alerter l’opinion publique américaine sur la position tenue par Donald Trump. “J’espère que les citoyens américains regardent ce qui se passent ici. La guerre apporte la tragédie.”
Des menaces qui inquiètent
Au mois d’août, les propos d’un sénateur républicain, Lindsey Graham avaient déjà fait scandale en Corée du Sud. Évoquant la possibilité d’une guerre armée, il avait déclaré : “Si des milliers de personnes meurent, elles mourront là-bas, pas aux États-Unis.” Un point de vue qui inquiète dans la partie australe de la péninsule.
Ainsi, après les propos décriés de Donald Trump promettant “le feu et la furie” à Pyongyang, le président du Sud, Moon Jae-in avait rétorqué dans une allocation télévisée que “personne ne devrait être autorisé à décider d’une action militaire dans la péninsule sans l’accord de la Corée du Sud.” Une manière de chercher à freiner l’escalade de la violence et d’empêcher le milliardaire américain de précipiter à distance la région dans un conflit dévastateur.
C’est en grande partie sur cette position que le président Moon a d’ailleurs été élu au mois de mai dernier, promettant de s’investir dans le dossier de son encombrant voisin, notamment pour mettre fin à l’hostilité entre les deux pays. Une ambition qui a rapidement été mise à mal par les volontés de Donald Trump d’agir de manière unilatérale.
“Apprendre à dire non aux États-Unis”
Or entre les États-Unis et la Corée du Sud, la relation est particulièrement déséquilibrée. Comme le rappelle le site américain Quartz, en cas de conflit, la Corée du Sud verrait une autre nation souveraine prendre le contrôle opérationnel de son armée. Un cas de figure extrêmement rare, fruit d’un accord entre les États-Unis et Séoul datant des années 1950 et qualifié par un ancien général américain, Richard Stilwell de “concession de souveraineté la plus remarquable au monde.”
Reste à savoir si la visite de Donald Trump en Corée parviendra à réchauffer les relations entre les deux pays. Il lui faudra pour cela rassurer Moon Jae-in, le président sud-coréen, activiste des droits de l’Homme et fils d’immigrants du Nord, qui se veut bien plus modéré que les Américains et même que les Japonais, eux aussi défenseurs d’une ligne dure vis-à-vis de Pyongyang. Un homme qui veut avant tout que ses compatriotes apprennent à “dire non aux États-Unis.”
Car comme l’explique David Straub, un spécialiste de l’anti-américanisme en Corée du Sud cité par le Washington Post, les Sud-Coréens n’osent finalement que très peu montrer leur opposition à Donald Trump. “Je pense que la plupart d’entre eux craignent que des manifestations contre la visite ou des critiques trop directes à son égard ne le mettent en rogne et ne détériorent la situation.”
Par huffingtonpost.fr – 06/11/2017 16:08