Pour l’écrivain Sane Chirfi Alpha, le respect dû aux religieux ne leur donne pas le droit de museler la jeunesse au profit des dirigeants politiques.
Tombouctou, sacrée Tombouctou. J’allais dire sacrés Tombouctiens, parce que Tombouctou ne change pas, les Tombouctiens si. Les valeurs à nous léguées par Ahmed Baba Soudani, c’est la lutte : il a bien organisé la résistance intellectuelle contre l’occupation marocaine. Ahmed Baba a écrit un ouvrage dans lequel il démontre qu’un savant ne doit pas fréquenter les hommes du pouvoir.
Nos références sont Mohamed Bagayoko, Albakkaye, Mahmoud Ben Oumar, Sidi Yahia Al Andalousi, Al Balbali, Alkabari, Alfa Moya al Lemtouni, entre autres.
Nous avons beaucoup de respect pour nos imams, nos leaders spirituels, mais nous voulons qu’ils nous aident quand nous avons raison, au besoin s’abstenir de se ranger du côté du pouvoir.
Nous nous sommes battus contre la tenue de « Miss ORTM » à Tombouctou et le gouverneur de l’époque, Mamadou Mangara, a remercié les autorités religieuses pour l’avoir aidé pour sa tenue, malgré la forte opposition des populations.
Quand les opérateurs tombouctiens ont été floués lors de la grande prière de Kaddafi, nous avons voulu marcher pour manifester notre mécontentement devant tant d’injustice, les imams étaient sur notre chemin. Parce que nous les respectons, nous avons annulé la marche. Parce qu’ils nous ont promis de transmettre notre lettre ouverte au Président, à l’époque ATT. La suite on la connaît.
Jeunesse muselée
Les jeunes de Tombouctou, après des mois de sensibilisation, de contacts, de mise en garde, ont saccagé tous les bars de la ville. L’imam Mahmoud Dicko de Bamako a salué l’initiative et félicité les jeunes. Les autorités religieuses de Tombouctou ont condamné les jeunes. Et de quatre, cette lutte courageuse d’une jeunesse courageuse et engagée à nous faire sortir de cette boîte est combattue par les autorités administratives avec l’aval des autorités religieuses. Nous ne comprenons pas que Tombouctou n’ait même pas le droit de s’exprimer, de manifester, de parler. Veut-on donc nous pousser à bout ?
Nous pouvons faire comme les autres : nous pouvons nous fâcher, alors qu’on ne nous pousse pas à bout. Je laisse à votre méditation ces proverbes de Tombouctou : «N’da boro na thi alfitinanté moo, I ma si sanfa ni gna ni djiné. N’da houndé too kamba ganda, yerkoy ma kow ga. Nd’a hanthine horone, a nam ». Autrement dit : « On a beau être pacifiste, les données changent quand on gifle ta mère en ta présence. Une fois que l’âme arrive dans la paume de la main, que Dieu la prenne. La chèvre excédée peut bien mordre ».
Chers leaders spirituels, nous avons beaucoup de respect pour vous, vous êtes une force, vous devez faire trembler le pouvoir, toute l’aura de Tombouctou est l’œuvre de ses savants, de ses saints, de ses érudits, de ses oulémas qui n’ont cure d’un pouvoir temporel.
Tombouctou est une référence spirituelle, intellectuelle, culturelle, elle doit le demeurer.
Source : benbere