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Tribune : Le compromis historique

Les pays de l’AES ont la chance de partager un même espace commun riche en sédiments du sous sol dans la bassin du Liptako Gourma. Toutes ces zones baptisées et identifiées gisements de ressources comportent d’autres avantages et handicaps qui appellent bien un développement de la localité et de ses environs. Le besoin en infrastructures est épatant.mais sans un minimum organisationnel au niveau étatique leurs dirigeants prennent le risque de voir d’immenses zones de leurs territoires leur échapper et leurs populations disparaître avec, soit par des attentats génocides ou des conflits intra-communautaires exacerbés.

En cela, ce qui se passe au Tchad voisin n’est pas distinct de ce qui se passe au niveau des pays de l’AES. À une exception près qui est que la seule différence à établir est cette élection aboutie du président de la Transition au Tchad. Même si les mêmes causes produisent les mêmes effets, ici dans notre cas, le peuple nigérien, malien et burkinabè est à la recherche du compromis historique qui permettra de faire comme le Tchad, afin de lancer ensemble la seconde ère des alternances politiques à la tête des États en Afrique, après six décennies d’aventurisme des amateurs en politique, opposés aux mastodontes de la première heure du nationalisme panafricain à l’aube des indépendances.

Ici au Mali, après trois mois d’État de siège à la place de l’indépendance, du 5 juin au 18 août 2024, le Peuple a fini par avoir gain de cause, mais le Président IBK, légitimement élu, ne désirait pas voir le pouvoir choir entre les mains des groupes de contestataires ligués contre son régime. Il avait juré qu’il préférerait mille fois que les militaires prennent le pouvoir. Depuis cette date historique, les militaires, à travers leurs représentants -les six Colonels proposés à l’élévation au grade de Général de Division- conservent le dépôt de la légalité et de la foi de la réalité du pouvoir d’État : l’État de droit de la République du Mali. Ayant été bien avisés de choisir un de leurs doyens à la retraite, en la personne du Colonel Bah Ndaw, ils ont fini par être les maîtres avisés des affaires publiques en ne défendant que les intérêts du Mali et la sécurité et le bien-être des populations. De la rectification intervenue le 24 mai 2021 à ce jour anniversaire de l’installation du Colonel Assimi Goïta comme Chef de l’État et Président de la Transition, le 7 juin 2021, bien des choses se sont passées. Si le Burkina-Faso et le Niger ont suivi les pas du Mali, c’est parce qu’il y a bien une réalité implacable vécue par les trois pays frontaliers et voisins : c’est la situation d’insécurité croissante dans leur zone commune. Cette prise de conscience a permis aux nouveaux dirigeants maliens de prendre la vraie mesure de cette crise multidimensionnelle qu’ils partagent avec le Niger et le Burkina-Faso. D’où la résiliation du contrat avec l’ancienne constitution remplacée par la charte modifiée de la Transition, puis les Assises Nationales de la Refondation planchant sur les contours d’une nouvelle quatrième République dont le projet de texte constitutionnel restait à rédiger. Une fois ceci fait, le Référendum a permis de valider la nouvelle architecture institutionnelle qui régit actuellement le Mali, par le décret de promulgation du 22 juillet 2023. Au sortir de ce premier scrutin organisé partiellement sur l’ensemble du territoire, le Peuple s’est prononcé à 97% pour un Mali Kura. Cette marque de confiance ajoutée à la nouvelle configuration de la carte administrative du pays (érection de 19 régions à côté du district de Bamako) va galvaniser les militaires pour accélérer la repossession intégrale de tout le territoire national. C’est ainsi que les opérations militaires lancées vont être couronnées de succès, notamment la reprise de Kidal, la neutralisation des principaux chefs djihadistes, et le démantèlement de repaires de terroristes toujours en cours d’exécution. Dans cette dynamique, ést lancée en septembre 2023 le projet d’une confédération du Liptako-Gourma appelée Alliance des États du Sahel (AES). Dès lors, se pose la question de savoir si le texte constitutif du contrat de confédération entre les trois États, une fois adopté par référendum par leurs populations, va primer sur leurs anciens et nouveau texte constitutionnel en vigueur chez chacun d’eux actuellement ? Ou si la locomotive malienne va suffir, avec la Constitution de la 4ème République, pour intégrer les deux autres États à travers des dispositions particulières introduites dans le texte constitutionnel à réviser et modifier sui generi ? Dans tous les cas, le projet AES a poussé à mettre fin à toute inclinaison pour des discussions ouvertes autour de l’accord de paix ou des négociations entre autorités dirigeantes et les mouvements rebelles, factions djihadistes et autres groupes armés terroristes.

À leur place, les concertations nouvelles, dans un esprit inclusif et de large ouverture, sont lancées pour un dialogue national inter-Maliens. Au Burkina-Faso la même démarche est initiée pour un même résultat : le maintien du Capitaine Ibrahima Traoré et pour un bail de 5 ans renouvelable en cas de participation à une élection présidentielle. La messe est dite du côté des héritiers du capitaine Thomas Sankara. Quant aux enfants du général   Amadou Toumani Touré, ils attendent que les 9 sages invalident ou valident les prochains projets de lois qui auront été élaborés pour formaliser les points focaux des 300 recommandations issues du dialogue inter-Maliens. À  moins de les épurer et de les synthétiser, pour offrir une lisibilité et une visibilité aux yeux des membres du CNT, afin qu’ils se prononcent à leur tour, après le Conseil des ministres tenu sur ce sujet.

Au Niger, le général Thiani est peu pressé de se faire reconnaître président légitime de l’État du Niger, mais il est à la tête et il reste à la tête du pays jusqu’à nouvel ordre. Dans son cas, il est le plus intéressé par une accélération du processus de confédération au sein de l’AES, afin de lui permettre d’évoluer publiquement sur un autre registre avec coudées franches.

Sans en forcer l’intégration politique et économique entre les trois pays du Sahel, la démarche empruntée par les dirigeants militaires reflète et correspond aux aspirations du moment de leur peuple. À y regarder de près, le départ des bases militaires étrangères de leur territoire a été bien accueilli dans ce sens. Tout comme les jalons posés pour aller vers la confédération. Sans oublier les opérations conjointes de neutralisation de leurs ennemis communs qui se sont appropriés inutilement des parties de leurs territoires, surtout autour du bassin du Liptako Gourma et dans la région de Nara.

Ainsi, le fait démocratique inédit malien s’apparente plus à une longue procédure de libération du peuple jusque-là sous brimades, sanctions, pillages, saccages, terreurs noires, oppression et la menace terroriste des djihadistes  mercenaires et groupes armés rebelles. Dans cette quête d’émancipation totale de l’esclavage mental, avec résilience et aspérité au changement de comportement, le peuple malien a accepté son sort en adoubant les militaires, à défaut de civils crédibles, acteurs politiques conscients, fonctionnaires internationaux responsables et patriotes. On saisit mieux ainsi l’essence humaine qui permet aux Maliens de croire en l’avenir, en leur devenir et au futur économique du continent africain considéré comme un Eldorado. Et donc, à tout prix, il faut que les ressources appartiennent au peuple et que les populations bénéficiaires des localités   où se trouvent ces ressources soient les mieux et les premières servies. Et que ces ressources soient protégées et sécurisées par l’armée, et au plan juridique, contre la concussion et la gangrène de la corruption. Que ce soit le lithium ou l’or, le coton ou la bauxite, le Mali est riche de la bénédiction de la divine nature. Pour cela, faut-il le lui envier et chercher à le cambrioler par des moyens détournés ? Ceux qui sont si ignorants de tous ces enjeux géostratégiques, financiers, monétaires, économiques et géopolitiques ne peuvent pas comprendre le pourquoi il nous faut maintenir le statu quo politique pour cinq bonnes années encore jusqu’en 2029.  C’est au prix du compromis historique existant que cela a été rendu possible au Burkina et au Mali. Si au Burkina c’est accordé, au Mali on est obligé de faire dans le juridisme des formes de la légalité et du droit public. C’est normal, les militaires se veulent légalistes jusqu’au bout et ne transigent pas là-dessus. Aussi bien au CNT qu’au gouvernement. C’est pourquoi, le parcours du Comité de pilotage du dialogue a été exemplaire pour arriver à déposer sur la table du Président Assimi Goïta les 300 recommandations élaborées et les plus de 1000 propositions exprimées par des ressortissants maliens installés partout dans le monde et sur le sol national qui ont été acheminées à Bamako lors de la phase nationale du Dialogue entre Maliennes et Maliens de tous bords.

Au finish, si les Maliens n’avaient pas été démocrates et pluriels dans leurs opinions et leurs prises de position, on aurait acté le fait de proclamer Assimi Goïta Maréchal de Logis du Palais de Koulouba et Intendant-Gouverneur principal de l’AES. Sans discontinuité avec la Constitution de la 4ème République. En dépit des réserves exprimées, les propositions de le grader général avec ses Compagnons d’armes et de susciter sa candidature à la prochaine élection présidentielle, ne manqueront pas d’être validées d’une manière ou une autre. Ce que le peuple veut et non une fraction du Peuple comme les partis politiques et leurs coalitions, l’État est censé exécuter la volonté populaire. Le peuple étant donneur d’ordre et garant de la légitimité populaire accordée à ses mandataires. Les membres du CNT le savent si bien, qu’ils ne doivent leur existence dans l’institution que par cette caution dérivée du charisme plébiscitaire accordé à Assimi, leur délégataire à ce poste d’”élus” du peuple par cooptation et nomination uniquement. Le gouvernement aussi a son sort suspendu à la volonté du Président Assimi, selon les dispositions en application de la Constitution de la 4ème République qui, une fois adoptée par référendum le 18 juin 2023, et promulguée le 22 juillet 2023, a réglé bien de contradictions qui paraissaient gênantes pour assurer une bonne transition sans problèmes.

Mais, sans un minimum organisationnel au niveau étatique, les dirigeants de l’AES qu’ils sont, prennent le risque de voir d’immenses zones de leurs territoires leur échapper, et leurs populations disparaître avec, soit par des attentats génocides ou des conflits intra communautaires exacerbés. En cela, les mêmes causes produisant les mêmes effets, il y aurait rebelote dans tous les cas avec la persistance des mécontentements, des manipulations, des agressions extérieures multipliées et des tentatives de renversement du régime ou de paradigme. Nul ne connaissant de quoi demain sera fait, on est tous suspendu à l’incertitude. De l’heure d’arrivée de l’électricité après 24h de délestage, comme de la date des élections présidentielles avec échéance et chronogramme. Mais c’est sûr, le courant va revenir même si c’est pour 4h de consommation, et le scrutin aura bien lieu pour permettre à Assimi de se présenter et de se représenter sous ou hors uniforme de militaire. Parce que Malien il reste, Malien il est, Malien il est né et Malien il a survécu à la mort sur le front de la guerre. Avant de se retrouver au sommet de l’État depuis ce 2 juin 2021. Longue vie au président-refondateur, de la Refondation et de la 4ème République du Mali actuellement en co-construction collective avec les conclusions des Assises nationales de la Refondation et celles du Dialogue inter-Maliens pour la paix et la réconciliation nationale. Un vrai compromis historique pour des arrangements politiques qui vont être déterminants pour le devenir de l’AES et pour le rayonnement du Mali.

En cela, “la démocratie est un rêve. Et rien n’arrive s’il n’y a d’abord rêve”, selon le cinéaste américain, Carl Sandburg. Le rêve malien pour un Mali kura continue. Et vive les peuples de l’AES ! Ce n’est pas question de dirigeants, de leaders, d’icônes. C’est un esprit souverainiste et patriotique de sahéliens typiques partageant une histoire actuelle commune. C’est le double compromis historique !

Khaly-Moustapha LEYE

 

Source: L’Aube
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