« Le courage consiste à choisir le moindre mal si affreux qu’il soit encore ». Dans La Chartreuse de Parme, STENDHAL nous apprend qu’il y a des choix difficiles absolument nécessaires que les hommes opèrent dans les méandres de l’histoire pour une possible transcendance sur des supplices qui les écrasent, les guillotinent dans le noir silence d’indifférence des autres.
Les hommes ne sont pas des choses. La psychologie de l’homme, son mental ne peut résister indéfiniment aux souffrances, aux privations. Le trop-plein de cumul d’humiliation, d’esclavage, de dépossession de liberté finit par se frayer une voie d’expression, parce que le chagrin a le pouvoir ingénieux de sauter n’importe quelle censure pour une oxygénation sanitaire des hommes et des peuples.
Ce que STENDHAL appelle « le moindre mal », c’est le pis-aller, un mal nécessaire qui ouvre une issue de secours, un nouvel horizon au nom de la légitime-défense. Le réflexe humain de survie s’explique par notre instinct le plus fort : l’instinct de conservation.
Quand les potentats martyrisent sous les tropiques leurs propres peuples, quand ils changent les constitutions de leurs pays et organisent des fraudes électorales avec au menu la répression fauve, des assassinats, des crimes de masse, le syndicat du crime auquel ils appartiennent se tait, méprise les réclamations des masses populaires.
Les peuples d’Afrique sont-ils devenus fous pour donner un aval aux crimes récurrents des chefs qui ont la faiblesse de ne croire qu’à la force ?
Quelle valeur l’Union Africaine a-t-elle en matière de protection des peuples et de quelle exemplarité d’action peut-elle se flatter l’orgueil d’assistance aux peuples en détresse ?
1) Les pouvoirs malpropres, tortionnaires et la loi du silence de l’Union Africaine
L’Union Africaine allume une noire révolte contre la légitimité, la puissance populaire, le devoir citoyen contre l’imposture. A Addis-Abeba, la semaine dernière, les grands enjeux économiques, sociaux, sécuritaires, politiques du continent n’ont pas connu des engagements groupés en urgence des chefs d’Etat, qui se préoccupent davantage de leur survie au pouvoir que des actes salutaires pour répondre aux réclamations populaires des Africains comme l’eau potable, la nourriture décente, les soins de santé de qualité, le droit à la justice, à la sécurité pour tous, le droit à l’expression libre, à l’opinion, à la vérité des urnes…
Quand un régime d’Afrique s’exhibe dans la répression sauvage, dans les crimes de masse, dans des tueries, dans des transgressions constitutionnelles, dans la délinquance administrative qui mettent en danger les peuples, que faut –il attendre de l’action citoyenne ?
C’est l’aval de l’Union Africaine, tacite ou ouvert, aux régimes impropres, criminels qui libère les forces intérieures de résistance et de défense de la patrie pour faire tomber des chefs tortionnaires des peuples. Les militaires qui sont d’un grand discernement ne choisissent que la volonté générale pour accompagner l’expression populaire.
Tous les pays, toutes les collectivités sont gouvernés par des lois et des principes. Il faut être clair et dire qu’à défaut des lois et principes qui ne sont pas du tout observés, les situations particulières formulent en elles-mêmes des réponses spécifiques portées par l’assentiment populaire. Le vide des lois et des principes dont s’autorisent certains chefs d’Etat en Afrique est compensé par une éthique de réponse qui émane de la volonté populaire pour un ordre de sauvetage de la patrie en danger.
Aucun homme intelligent, aucun peuple lucide et responsable, conscient de la dégénérescence de ses conditions d’existence ne reste inerte. Au cachot du désespoir, ce ne sont pas les principes et des droits qui comptent. C’est plutôt l’issue de secours pour créer un nouvel horizon, susciter de nouvelles perspectives. C’est la principale force de créativité au chaudron de la résistance. Les sanctions, quelles qu’elles soient, n’ébranlent jamais les peuples, solidaires dans la légitime-défense.
Il y a des pays d’Afrique qui sortent de leur propre gré de l’Union Africaine, de ses instances juridiques, sécuritaires pendant des années pour incompatibilité politique comme par exemple le Maroc, la Côte-d’Ivoire. Ils ne périssent pas de l’ostracisme qu’ils se sont imposé.
Le monde est grand ouvert. Partout, il est aisé de se faire des amis, de partager des intérêts communs, de recréer un ordre des échanges, de découvrir d’autres solidarités.
En quoi le Tchad de Mahamat DEBY mérite-t-il une place bénie dans l’Union Africaine à ses assises par opposition à Assimi GOÏTA , Ibrahim TRAORE, Mamadou DOUMBOUYIA ? La sottise est au front du taureau qui s’illusionne, tête baissée, que dans sa rage, il peut tout renverser, changer quelque chose au cours de l’histoire.
Les spécialistes des coups d’Etat électoraux, constitutionnels, des tueries de masse ont la peur au ventre et ne supportent nullement les chiens de garde des peuples d’Afrique. Ils peuvent ériger des gratte-ciel de sanctions avec quelque velléité à décourager l’expression de la légitime-défense, ils n’y parviendront jamais. La révolte des peuples pour défendre leur dignité, leur liberté, leurs droits est un acte saint et indispensable à leur émancipation, à leur progrès , à la construction de l’espérance collective et à la poursuite de leurs rêves. Dans cette perspective, il faut saluer la lumineuse pensée de Romain ROLAND, dans Le Quatorze juillet: « Quand l’ordre est l’injustice, le désordre est le commencement de la justice ».
2) Qui peut sauver l’Union Africaine ?
La singerie des leaders d’Afrique qui consiste à reproduire grossièrement le schéma de l’Union Européenne en le vidant des valeurs qui rassemblent le continent est la pire bêtise dans laquelle l’organisme continental a dramatiquement sombré pour perdre la face. Il n’y a aucune mesure, aucune disposition de coercition pour que les dirigeants respectent l’institution, ses principes, les valeurs de ses objectifs, les organes qui émanent de l’institution tels que la Cour Africaine de défense des Droits de l’homme et des peuples, la Charte africaine des droits de l’homme.
Les sommets inutilement ronflants et mortellement onéreux pour le contribuable africain ne préservent jamais les intérêts des populations du continent, mais les moyens de survie des princes sans rayonnement et invisibles sur les questions essentielles comme le respect de la personne humaine, des citoyens, de leurs choix, de leurs réclamations et des ressources nationales .
Les arrêts et les jugements de la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des peuples ne reçoivent que le mépris des dirigeants du continent au point qu’on se demande encore ce qui tient les peuples du continent pour prêter quelque confiance à l’Union Africaine. L’artifice que représente cet outil de visibilité de chefs d’Etat met en péril la sécurité de nos populations et les fondements de la formation de cet organe continental .
La délinquance politique qui consiste à tripatouiller la constitution de nos pays, à se perpétuer au pouvoir à coups de crimes de masse, des tueries ne provoque nullement un frémissement de réflexe de l’Union Africaine pour se désolidariser des cascadeurs et des viols sauvages des textes fondamentaux de nos pays.
Les observateurs de l’Union Africaine sur le terrain des consultations populaires n’ont qu’un statut exhibitionniste aux yeux de nos concitoyens. Ils ne garantissent absolument rien de la transparence électorale, de la fiabilité et la vérité des urnes.
Ceux qui ont pris le pouvoir par la rébellion armée, par la guerre civile, par des élections sur un fleuve de sang et qui refusent de quitter le pouvoir en modifiant à volonté la constitution de leurs pays font de l’Union Africaine leur chose, leur porte-voix; ils sont des décideurs avec une emprise de serres sur l’organisme continental.
Quelle crédibilité Sassou N’GUESSO, Alassane OUATTARA et tant d’autres peuvent-ils imprimer à l’Union Africaine ? La décision de la Cour africaine des Droits de l’homme et des peuples dans le dossier Guillaume SORO n’est pas contestée juridiquement par un appel ou des arguments de droit par OUATTARA. Il s’offre le culot de la rejeter, de refuser de l’exécuter et il sort la Côte d’Ivoire de cet organe juridique de l’Union sans que les chefs d’Etat ne trouvent à redire.
Les faillites de notoriété de l’Union Africaine viennent de ceux qui l’animent dans le folklore et l’inertie. Les violeurs des valeurs de l’Union, les faux-élus, les mal-élus, les chefs de rébellion, les organisateurs de guerre civile, les tortionnaires de tous crins, les usurpateurs sans foi ni loi ont les mains libres pour monter sur le podium protocolaire des sommets de l’Union Africaine.
Tant que les valeurs se perdent dans le cercle des dirigeants d’Afrique, la reprise en main du destin de ce continent par les peuples eux-mêmes nous apparaît normale, voire apodidique, c’est-à-dire, absolument nécessaire. Si les peuples peuvent être soutenus par des militaires éclairés et patriotes pour une nouvelle ère de la gouvernance en Afrique, notre assentiment ne peut qu’être fort, direct. Nous avons une grande soif de liberté, de justice, de développement. Ceux qui mentent à l’Afrique, ceux qui ne respectent pas nos peuples et qui a folie du pouvoir trouveront devant eux une autre Afrique, parce que la volonté ferme des peuples échappe à l’étreinte des tyrans.
Source : Presse-alternative.info