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Soumaila Cisse:«Il faut que la junte s’efface»

Mali: «Il faut que la junte s’efface», juge Soumaïla Cissé

Soumaïla Cissé, le fondateur de l’URD, l’Union pour la République et la Démocratie, compte rentrer à Bamako. Il avait quitté la capitale malienne après que les putschistes ont failli le tuer, le 16 avril 2012. Il laisse entendre la possibilité de sa candidature à l’élection présidentielle, sans la confirmer. Il plaide pour l’unité du pays, la fin de l’impunité et juge que la présence du MNLA aux côtés de l’armée française à Kidal est une «verrue».

RFI : Soumaïla Cissé, vous avez été gravement blessé après le putsch de mars 2012. Comment allez-vous aujourd’hui ?

Soumaïla Cissé : Je vais nettement mieux. J’ai eu, bien sûr, des périodes très difficiles, beaucoup de souffrances. Mais Dieu merci, aujourd’hui, avec les soins qui m’ont été prodigués je suis sur mes deux pieds et tout va bien.

Le 16 avril 2012, les putschistes sont venus chez vous. Visiblement, c’était pour vous tuer. Vous leur avez échappé in extremis, en escaladant un mur, et c’est là que vous avez été blessé. Quand vous voyez le chef de ces putschistes, le capitaine Sanogo, qui est toujours traité avec tous les honneurs, qui s’est vu confier la restructuration de l’armée, comment vous réagissez ?

Moi, je crois qu’il y a eu une période difficile. Aujourd’hui il faut qu’au Mali, on arrive à se réconcilier. Le chef des putschistes, monsieur Sanogo, a dit lui-même qu’il n’y était pour rien, pour ce qui m’était arrivé, et que c’était un règlement de compte. J’espère seulement que je saurai un jour qui voulait me régler un compte.

En décembre, les putschistes ont débarqué un Premier ministre, en janvier ils ont failli renverser le président. Est-ce qu’ils ne gardent pas une capacité de nuisance ?

Moi je crois que, quoi qu’on dise, la junte est encore présente et il faut qu’elle s’efface. Petit à petit, nous allons vers la construction d’un régime démocratique et républicain. Et la République nécessite des institutions fortes et respectées.

Parmi ces institutions, bien sûr, il y a l’armée. Une armée forte, disciplinée. Et, surtout, une seule et même armée. Et aussi une institution qui me tient à cœur, c’est la justice. Elle doit être là, elle doit être respectée.

Les soldats tchadiens et français, qui meurent au combat au Nord-Mali, tandis que les soldats maliens continuent de régler leurs petits comptes à Bamako, est-ce que cela ne vous choque pas ?

Oui, c’est gênant. C’est très, très gênant. C’est choquant. Je suis d’accord avec vous. C’est pour ça que nous devons tous nous reprendre, les soldats maliens, la société civile, les partis politiques. Nous devons savoir que certains sacrifient leurs vies, viennent de leurs pays. Ils ont d’autres problèmes. Et aujourd’hui nous, nous devons montrer une face beaucoup plus unie, beaucoup plus engagée avec eux, parce qu’ils viennent pour nous. Et je pense que cela nous interpelle tous.

François Hollande annonce que les troupes françaises vont commencer à se retirer de votre pays le mois prochain. Est-ce que ce n’est pas trop tôt ?

Je pense honnêtement qu’il faut s’assurer de l’irréversibilité de ce que nous avons engagé. Je crois que c’est le plus important. Aujourd’hui, il faut dégager les gens dans le nord. Il faut sécuriser les zones libérées. Il faut s’engager vers une solution politique, engager un dialogue réel, entre les différentes communautés maliennes et engager le processus électoral. Je pense qu’il faut s’assurer que tout ça est bien assis, qu’on a atteint un point de non retour, pour envisager un retrait des forces qui sont venues nous aider.

Les anciens rebelles du MNLA à Kidal, aux côtés de l’armée française, cela vous choque ou pas ?

Le MNLA à côte de l’armée française, je crois que c’est une équation qu’il faut résoudre un jour ou l’autre. C’est comme, quelque part, une verrue qu’il faut pouvoir traiter…

Une verrue ?

Oui, je crois que c’est une verrue. Je crois qu’il y a trois principes importants. C’est d’abord que le pays est unique. La deuxième chose c’est que nous acceptons tous qu’il ne faut pas d’impunité dans notre pays. Ensuite, c’est qu’on ne peut pas avoir deux forces armées dans le même pays. Il n’y a pas une République avec deux armées. Donc, je crois qu’une fois que le MNLA aura compris tout cela, je comprends qu’à ce niveau-là, on puisse dire : ‘bon, il est temps, peut-être, de s’asseoir et discuter un peu’.

Mercredi 6 mars, une « Commission dialogue » de trente-trois membres a été annoncée en Conseil des ministres à Bamako. Mais le MNLA, apparemment, sera exclu. Est-ce que le dialogue n’est pas fichu d’avance ?

Non, je crois que ce qui est important, c’est que la Commission soit là. Elle est attendue par tout le monde. Il faut que la Commission puisse être la plus impartiale possible, mais aussi la plus représentative possible.

Mais il faut absolument que les communautés, d’abord dans le Nord, puissent se parler. Il est important de savoir que cette fois-ci, dans ce qui s’est passé, les communautés sont très proches et ont été en conflit dans des villages, dans des villes. Ce qui n’était pas le cas avant, où c’était des groupes armés contre l’armée. Et je crois que c’est quelque chose de très fin, qu’il faut analyser. Quelque part c’est le voisin de palier avec lequel on a un problème. Ça nécessite donc une implication de tous les leaders d’opinion qui peuvent exister au Mali, qui peuvent apporter quelque chose.

Soumaïla Cissé, est-ce que vous serez candidat à la prochaine élection présidentielle ?

Oui, c’est une question qu’on peut se poser. J’ai été candidat en 2012, quand les choses se sont gâtées. Il y a de nouveaux défis, il y a de nouveaux contextes. Je vais en discuter avec ma famille, avec mes amis, avec mon parti et nos alliés, et puis nous aviserons.

En 2002, vous êtes allé jusqu’au deuxième tour, face à Amadou Toumani Touré. Est-ce qu’aujourd’hui vous avez encore vos chances, ou est-ce que vous pensez que votre capital de voix a fondu ?

Non, vous savez, après 2002, bien sûr, j’étais à Ouagadougou, à l’Union économique et monétaire ouest africaine. J’étais un petit peu loin, mais entre temps, nous avons créé un parti, l’Union pour la république et la démocratie (URD, ndlr), qui s’est très vite imposé sur l’échiquier politique malien. Nous sommes aujourd’hui le deuxième parti au Mali, en termes d’élus communaux, en termes d’élus députés, et je pense que ceci fait que nous sommes importants et que nous comptons sur l’échiquier politique malien.

Mais vous ne risquez pas d’être écrabouillé par la machine Adema ?

Nous avons beaucoup travaillé avec l’Adema. Je crois que la population décidera. Les électeurs décideront.

Donc, vous serez candidat ?

On verra bien.

Par RFI

SourceRFI

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