Les belligérants sud-soudanais qui négocient un cessez-le-feu pour mettre fin au conflit tiennent en leurs mains le destin du jeune pays, et doivent faire cesser cette “guerre insensée”, estime une des personnalités religieuses les plus respectées du pays, Mgr Daniel Deng Bul.
Les belligérants sud-soudanais qui négocient un cessez-le-feu pour mettre fin au conflit tiennent en leurs mains le destin du jeune pays, et doivent faire cesser cette “guerre insensée”, estime une des personnalités religieuses les plus respectées du pays, Mgr Daniel Deng Bul.
“Notre peuple se meurt complètement, et pour quoi?”, s’interroge l’archevêque épiscopalien de Juba, dans un entretien lundi avec l’AFP. “Ils (les négociateurs) ne doivent pas attendre, et laisser ainsi d’autres personnes mourir”.
Trois semaines de conflit ont conduit le Soudan du Sud au bord d’une guerre civile totale.
Les pourparlers de paix entre le gouvernement du président Salva Kiir et les rebelles, partisans de l’ancien vice-président Riek Machar, ont finalement démarré lundi à Addis Abeba, en Ethiopie, après des journées de discussions indirectes sur l’ordre du jour.
“Nous avons besoin de paix dans ce pays (…) ces frères et ces soeurs qui sont assis à Addis Abeba, nous leur disons que nous n’avons pas besoin de guerre,” dit Mgr Bul. “Ce conflit est insensé (…) Ils peuvent être en désaccord sur la politique, mais doivent s’entendre pour un cessez-le-feu immédiatement”.
En face de son bureau, dans la capitale, Juba, des blessés se rétablissent à l’hôpital après des combats avec des arme à feu. De fortes rivalités politiques ont provoqué des affrontements entre des groupes armés, qui se sont transformés en tueries entre voisins.
“Notre peur est que s’ils ne parviennent pas à un accord, cela s’aggravera”, redoute Mgr Bul.
“Assez, c’est assez”!
Les deux parties ont menacé d’intensifier leurs offensives à travers le pays, avec des batailles de chars entre unités de l’armée, moins de trois ans après l’indépendance du pays conquise après des décennies de lutte contre l’armée de Khartoum.
“Assez, c’est assez, plus d’un millier de personnes ont été tuées”, souligne Mgr Bul. Pour lui qui est originaire de la ville de Bor, de nouveau tenue par les rebelles après avoir été reconquise par l’armée puis reperdue, les combats sont en train de ruiner la jeune Nation. “Cela porte atteinte à la crédibilité de notre armée, de nos hommes politiques, et de nous tous dans ce pays. Tout ce que nous avons entrepris pour rassembler ce pays, pour vivre comme une famille unie, a déjà été endommagé”, dit-il.
Le conflit a éclaté le 15 décembre, opposant des unités de l’armée loyales au président Kiir à une alliance hétérogène de milices ethniques et de commandants de l’armée mutins dirigés par Riek Machar, ancien vice-président limogé en juillet dernier.
En apparence, l’activité est normale à Juba, avec ses nombreuses motos se faufilant dans le trafic et les ouvriers de construction s’affairant à de nombreux chantiers dans cette ville en pleine croissance. Les armes ont toujours été présentes à Juba, et voir des soldats sanglés de ceintures de munitions, s’accrochant à l’arrière de puissants pick-up fonçant à travers la ville n’a rien d’inhabituel.
Sur les rives luxuriantes du Nil Blanc, les enfants continuent de plonger dans l’eau pour se rafraîchir de la chaleur écrasante, riant et nageant, insouciants.
Mais il y a 30.000 personnes, terrifiées, qui ne veulent pas quitter les abords des bases des Casques bleus de l’ONU, de peur d’une reprise des combats. La nuit, des tirs sporadiques retentissent parfois et la tension reste élevée.
Les commerçants ont mis des protections sur les vitrines de leurs magasins et des milliers de personnes ont fui leurs foyers ou se sont réfugiées au Kenya ou en Ouganda, deux pays voisins.
“Il est temps pour nous de parler de paix, de développement (…) Nous avons été en guerre pendant 55 ans”, insiste M. Bul, rappelant les deux guerres civiles qui ont ravagé le pays avant la partition d’avec le Soudan en 2011. “Il est temps,selon lui, pour nos compatriotes de se reposer (…) pas de se faire tuer par leurs propres frères”.
Selon des responsables de l’Onu, les combats auraient fait des milliers de morts , et les deux parties belligérantes sont accusées d’atrocités. Les bases de l’Onu sont débordées par des dizaines de milliers de civils qui cherchent protection. Le conflit a pris une dimension inter-ethnique, opposant les Dinka du président Kiir aux Nuer de Riek Machar.
Mais M. Bul est catégorique sur l’origine du conflit : “Cette guerre n’a rien à voir avec des histoires ethniques, c’est une lutte pour le pouvoir à l’intérieur d’un même parti.”
© 2014 AFP