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Rétrospection : Nécessité d’une redistribution des cartes

Samedi dernier, tôt le matin, les forces onusiennes et maliennes ont essuyé un attentat suicide à Kidal. Dans cette ville où était visée l’agence d’une banque, deux casques bleus sénégalais et le kamikaze ont trouvé la mort tandis que de nombreux militaires ont été blessés.

soldats minusma kidal nord mali

Cette banque, depuis quelques mois, était sous la responsabilité des gardes nationaux maliens, à l’intérieur, et des éléments de la Minusma (Mission des Nations Unies pour la stabilité au Mali), à l’extérieur. A l’époque où elle n’était gardée que par les militaires maliens, elle avait déjà subi une attaque de la part de combattants du Mnla (Mouvement national de libération de l’Azawad) qui ne voyaient pas d’un bon œil la présence de militaires maliens à Kidal qu’ils considéraient comme leur chasse gardée.

 

 

Cet attentat suicide a été revendiqué par Ould Badi, un responsable malien d’Aqmi et du Mujao, qui avait déjà revendiqué d’autres actions terroristes dans le nord du Mali, il pourrait être une réponse des jihadistes à la vaste offensive dont ils font l’objet de la part des forces françaises.

 

Mais surtout, cette nouvelle attaque des positions onusiennes et maliennes à Kidal met encore plus en évidence la situation complexe dans laquelle se trouve la région de Kidal où se côtoient, avec des rôles et missions différentes, troupes françaises, casques bleus africains et forces armées maliennes.

 

 

Pour les Français, il s’agit de traquer et de déloger les derniers terroristes qui se terrent encore dans le désert malien. D’où, de vastes opérations dans le vaste Sahara. Mais l’ennemi que les forces françaises cherchent dans la nature se trouve également et surtout au sein des populations locales. Contrairement à ce que pensent certains, les cas malien et centrafricain sont similaires, ou presque. A Kidal comme à Bangui, l’ennemi a infiltré le milieu, s’y cache, se confond avec lui. Et cela, par des réseaux de relais et de complices locaux. Les jihadistes ne sont plus des barbus habillés de pantalons coupés mais d’authentiques maliens, nés dans des villages ou hameaux Kidal, de Gao ou de Tombouctou. S’ils sont connus de la quasi-totalité des Maliens comme étant des parents, frères, cousins ou autres, ils sont difficilement identifiables par les étrangers que sont les casques bleus africains ou les forces françaises.

 

 

Leur neutralisation totale et complète ne peut se faire sans la coopération totale et complète des populations locales. Si, à Gao ou à Tombouctou, certains de ces jihadistes ou collaborateurs des terroristes sont signalés dès leur retour en ville, il en va tout autrement de la région de Kidal.

 

 

Il n’est un secret pour personne que c’est d’abord dans cette région que les premiers terroristes, pour la plupart d’origine étrangère, se sont établis. Ils y ont noué de solides relations, développer d’actifs réseaux de recrutement et d’activisme avant de descendre vers les autres régions du nord. La plus célèbre des recrues locales reste sans aucun doute Iyad Ag Ghaly qui a fini par fonder sa propre organisation, Ansar Eddine. Une organisation terroriste à laquelle le Mnla a fait appel pour mener sa rébellion, à laquelle ont adhéré de hauts responsables touareg dont Alghabass Ag Intalla et son frère Mohamed (élu dès le premier tour député RPM de Tin Essako), fondateurs plus tard du MIA (Mouvement islamique de l’Azawad). En plus de ces deux, de nombreux autres Touareg (notamment du Mnla) et Arabes de la région ont rejoint les mouvements islamistes, avec lesquels ils sont restés des mois. Ils doivent donc pouvoir les reconnaitre et les dénoncer. Sauf s’ils sont toujours leurs complices.

 

 

Ces attentats démontrent également que le Mnla, que la France veut imposer à Kidal à l’exclusion de toutes autres forces armées, n’est pas en mesure d’assurer la sécurité de la région de Kidal. Même s’ils ont des appuis occidentaux, les combattants du Mnla n’ont toujours pas encore retrouvé les moyens humains, matériels, militaires, logistiques et financiers qui leur permettront de jouer le premier rôle dans la neutralisation du jihadisme dans le nord du Mali. Même s’il en avait la volonté, ce qui est plus que douteux car un brusque changement de la France à leur égard est plus que probable après la dernière sortie du président Kéita en Europe. Donc, le Mnla a maintenant tout à gagner en cheminant avec les terroristes, en continuant à les protéger et à leur servir de guide.

 

Et ce ne sont pas les forces onusiennes qui vont les en empêcher. Celles-ci font, en effet, l’objet d’une aberration restrictive : les offensives antiterroristes ne feraient pas partie de leur mandat. Aberration parce que, depuis janvier 2013, date de l’opération Serval au Mali, tout ce qui se fait dans ce pays, sous le couvert de la Cedeao, de l’Union africaine ou de l’Onu, est censé entrer dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Et si les casques bleus ne sont pas mandatés à participer activement à la lutte contre le terrorisme, ils pourraient difficilement contribuer à la stabilisation d’un Mali dont les rebelles et les milices d’autodéfense, Touareg, Arabes, Peulh, Bellah ou Songhay ont de plus en plus des velléités terroristes.

 

 

Donc, si ni les forces onusiennes, ni le Mnla, encore moins les forces armées et de sécurité maliennes ne sont en mesure de lutter efficacement contre le terrorisme, vers qui doit-on se tourner ? Evidemment ! vers la France. Mais ce pays non plus, avec la meilleure volonté, ne pourra remplir son rôle dans un contexte actuel, où elle-même ne fait pas franc jeu, où certains de ses partenaires jouent dans la duplicité et la sournoiserie alors que d’autres sont démunis ou mis à l’écart. Dès lors, une redistribution des cartes parait nécessaire et urgente.

 

 

Cheick TANDINA

Le pretoire

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