La société d’exploitation des Mines d’or de Yatela-Sa dans la région de Kayes n’est plus la propriété de la filiale du Groupe sud-africain AngloGold Ashanti Limited et du Groupe canadien IAMGold Corporation. Elle est désormais une propriété exclusive de l’Etat Mali. Depuis l’annonce de cette nouvelle par la session ordinaire du Conseil de ministres du mercredi 23 octobre 2019, des interrogations planent aujourd’hui du côté des Organisations de la Société Civile Malienne évoluant dans le secteur minier, en particulier, de la Coalition Publiez Ce Que Vous Payes (PCQVP-Mali). Toute chose qui indique des inquiétudes déjà.
Faut-il le rappeler, sur le rapport du ministre de l’Économie et des Finances, le Conseil des ministres avait adopté le projet de “texte relatif à l’approbation du contrat de cession des actions de la société d’exploitation des Mines d’Or de YATELA-SA et sa transformation en Société d’État”. Selon le communiqué dudit Conseil des ministres, Sadiola Exploration Limited (SADEX) qui est la filiale Anglogold Ashanti et de IAMGOLD passe les 80 % de capital social qu’il détenait à l’État malien qui ne possédait que 20%.
Suite à cela et comme prévu dans le contrat de cession, le Gouvernement malien a décidé de la création d’une société d’État qui sera nommée Société d’Exploitation des Mines d’or de YATELA-SA.
C’est depuis le 14 février 2019 que cette procédure de cession ait été déclenchée entre cette société et le Gouvernement. L’aboutissement avait été subordonné à certaines conditions à savoir: “La transaction reste subordonnée à la réalisation d’un certain nombre de conditions suspensives, parmi lesquelles l’adoption des deux lois, confirmant le changement de statut de Yatela en entité publique, ainsi que la création d’un organisme public dédié, notamment chargé de la réhabilitation des mines et la fermeture”. L’adoption de ce projet est alors la preuve qui montre que ces « conditions suspensives » ont été accomplies entre les deux actionnaires.
S’agissant des raisons de cette cession, on précise que “la société SADEX ait décidé de se retirer pour des raisons techniques et de fermer la mine alors que les réserves ne sont pas totalement épuisées”. C’est pour éviter cela et sauvegarder les emplois que la société génère grâce à l’exploitation minière que le Gouvernement malien a conclu ce contrat de cession d’actions avec la société SADEX et la société YATELA-SA.
Pour se libérer de toutes les obligations liées à cette mine, “SADEX versera un paiement unique à ladite agence (société d’État créée) publique un montant correspondant aux coûts estimés pour achever la réhabilitation et la fermeture de la mine de Yatela, ainsi que pour financer certains programmes sociaux en suspens”, souligne-t-on sur le site internet de IAMGOLD corporation.
Rappelons que la Société d’exploitation des Mines d’or de YATELA-SA “est une société d’économie mixte de droit malien disposant d’un permis d’exploitation de l’or, de l’argent et des substances connexes et platinoïdes sur le périmètre de YATELA, dans le cercle de Kayes”.
De sa création à nos jours, selon le communiqué du Conseil de ministres, cette société a contribué à l’économie locale et nationale à hauteur de 383 milliards 445 millions de francs CFA.
Par quel mécanisme ou arrangement juridique la participation l’Etat du Mali est passée de 20% à 80% et du coup l’Etat devient actionnaire majoritaire? L’Etat a-t-il racheté les 60% supplémentaires? Y a-t-il eu cession gratuite au profit de l’Etat ? Quel est le niveau de l’engagement de l’Etat dans ce processus de cession ?
L’Etat « actionnaire majoritaire » a-t-il la capacité technique et financière nécessaire pour conduire les opérations d’exploitation du reste des ressources de la mine de Yatela SA?
Est-ce que l’Etat du Mali “actionnaire majoritaire” justifie les expériences nécessaires pour conduire une opération d’exploitation minière avec un budget déficitaire ? L’Etat va-t-il revendre ses parts d’actions à une autre société ? Quelles sont les motivations de l’Etat du Mali en reprenant une mine en phase de fermeture ? N’y aura-t- il pas de confusion entre son statut de régulateur et d’actionnaire? L’Etat pourra-t-il assumer les obligations environnementales et sociales au moment de la fermeture prochaine de cette mine ? Quels intérêts pour l’Etat de reprendre une mine qui n’est plus en production depuis 2016 ? Quels sont les engagements des parties dans l’accord d’achat des actions de SADEX ? L’Etat pourra-t-il rendre public le contrat de cession pour éclairer l’opinion publique nationale et internationale?
Telles sont entre autres des interrogations que se fait aujourd’hui par la Coalition Publiez Ce Que Vous Payez (PCQVP-Mali). Et, à partir de tant de questionnement, on peut d’ores et déjà affirmer les inquiétudes de ladite Organisation de la Société Civile Malienne sur cette question. Il est à noter que c’est l’une des Organisations de la Société Civile qui demeure très active dans le secteur minier au Mali. Et, une fois qu’elle trouve des réponses à ces interrogations, la Coalition s’apprête à faire de recommandations afin que les choses se passent dans les règles de l’art.
BD