La date du 02 juin 2018 sera désormais inscrite dans les annales de l’histoire du Mali comme celle de la répression, de la violence de l’état. Une manifestation patriotique pacifique qui, du point de vue du droit, a un double fondement légal : Constitution du Mali du 25 février 1992.
Article 5 : l’État reconnaît et garantit, dans les conditions fixées par la loi, la liberté d’aller et
venir, le libre choix de la résidence, la liberté d’association, de réunion, de cortège et de manifestation
Loi n° 05-047/ du 18 août 2005 portant Charte des partis politiques.
Article 16 : Les partis organisent librement leurs activités. Toutefois, les manifestations dans le domaine public sont soumises à une déclaration préalable.
La direction du parti, dans la collectivité territoriale donnée, adresse une déclaration à l’autorité compétente trois jours avant la date de la manifestation.
Lorsque par le fait d’une manifestation des dommages sont causés à la sécurité des personnes et des biens, les partis organisateurs de la marche ou du meeting sont civilement responsables.
Article 17 : Les marches ou meetings de protestation ou de soutien des partis politiques, ne sont pas soumis à une autorisation préalable. Cependant, les organisateurs sont tenus d’informer les autorités compétentes au moins 48 heures avant la date de la manifestation.
Les organisateurs assistent l’autorité publique dans le maintien de l’ordre.
Force est de reconnaître et de constater qu’il y avait une volonté manifeste d’intimider, de gazer, de tabasser, de blesser des citoyens aux mains nues, des hommes politiques, dont le seul tort a été de vouloir organiser une marche patriotique pacifique pour demander des élections transparentes, la libération de l’Ortm parmi d’autres revendications.
Cette dérive autoritaire, de violence avait déjà commencé par la sortie du président de la République à Kangaba, quand il a affirmé haut et fort dans un discours qui annonçait la couleur : «Boua ta bla mògòchi fa ka ta» (le Vieux, entendre le président, ne laissera le pouvoir aux mains du père de personne d’autre).
Pour qui connaît le contexte politique actuel, ces propos s’adressaient à Ras Bath adversaire désigné du régime puisque c’est lui qui a lancé le slogan « Boua ka bla », et ce qui s’est passé à Kangaba fut très grave, le président ayant décidé de descendre dans l’arène.
Stratégie pour occulter le débat ou erreur monumentale de communication ?
Mais au-delà, c’était une façon délibérée, une volonté affichée du président de la République de vouloir en découdre avec les différents prétendants à la magistrature suprême.
Le pouvoir, avec son premier ministre, lui-même ayant été un acteur du mouvement démocratique pour l’avènement de la démocratie au Mali après une lutte farouche qui a fait chuter le régime du président Moussa Traoré en mars 1991, semblent n’avoir pas tiré les leçons de ce passé douloureux de notre pays, ni l’histoire récente d’un pays voisin avec la chute du régime du président Blaise Compaoré à la suite d’une insurrection populaire.
Quel péril imminent peut-il justifier cette répression féroce, barbare d’une marche patriotique pacifique, avec des tirs à balles réelles sur des citoyens, des tabassages en règle d’hommes politiques, de l’attaque du siège d’un parti politique ADP-Maliba, de nombreux blessés admis dans les hôpitaux de Bamako, les images parlent d’elles-mêmes!
Qui peut affirmer sans être de mauvaise foi que le chef de file de l’opposition Soumaïla Cissé, les hommes politiques Tiebilé Dramé, Mohamed Ali Bathily, Aliou Boubacar Diallo, Mamadou Igor Diarra sont des voyous ? Aucune de ces personnalités n’a appelé à une quelconque violence et l’histoire vient nous rappeler que les différentes marches de la plateforme « AN TÈ, ABANA », il y a un an, qui ont mobilisé des centaines de milliers de manifestants dans les rues de Bamako s’étaient déroulées sans le moindre incident, et d’ailleurs, nous avions salué le civisme de ces derniers et le professionnalisme des forces chargées du maintien d’ordre.
Par cette répression sanglante, violente, le régime du Mali d’abord et son gouvernement viennent de démontrer à la face de l’opinion nationale et internationale qu’il sont aux abois, prêts à tout pour confisquer le pouvoir à l’issue de l’élection présidentielle du 29 juillet 2018.
Il y a eu le 02 juin 2018 et il y aura un après!
Sory I Sakho
Source: L’Aube