Contribuer au renforcement de la résilience communautaire face aux nouvelles menaces liées à l’extrémisme violent, tel est l’objectif que vise l’ONG Instrument for Africa avec l’appui de l’Ambassade des Etats-Unis au Mali, avec comme vecteur fondamental la culture du dialogue en vue de mieux favoriser le contact entre les différents acteurs, de concourir à la prise de conscience des communautés face aux défis liés à la paix et à la sécurité et promouvoir non seulement les initiatives citoyennes en faveur de la cohésion sociale et du développement local mais aussi faciliter l’appropriation des pistes de solutions. Voilà l’exercice auquel se sont données les organisations de jeunes, de femmes, élus, leaders religieux et communicateurs traditionnels de la commune rurale de Tonka à travers un focus groupe dans le cadre de la 3ème Edition du Festival Marissi qu’elle a abritée du 1er au 3 février 2018. C’était sous la présidence du 3ème adjoint au maire M. Mahamane Yattara et du coordinateur des activités de l’ONG Instruments for Africa M. Ibrahima Amadou Maiga.
C’est la salle de conférence de la Mairie de la commune rurale de Tonka qui a abrité ce cadre de dialogue sur diverses thématiques à savoir «défis liés à la paix et la sécurité: rôle et responsabilité des acteurs locaux»; «la jeunesse face à la problématique de l’extrémisme violent», et «problématique liée à l’engagement citoyen en faveur de la paix, la gouvernance et du développement local: enjeux et perspectives.» Selon M. Ibrahima M. Maïga, cet échange sur ces différents thèmes consiste de recenser les préoccupations de la population de Tonka et de contribuer également à la prise de conscience des communautés face aux défis liés à la paix et à la sécurité.
Dans son exposé, M. Maiga a rappelé les fléaux auxquels le Mali fait face notamment l’extrémisme violent, le chômage des jeunes, la perte de repère et la dégradation de l’éducation. Et d’appeler ses interlocuteurs sur les alternatives à envisager face à ces défis afin d’aboutir à des projets de développement pour le bien-être social de la communauté.
Située à 32 km de son chef-lieu de cercle Goundam (région de Tombouctou), la commune rurale de Tonka n’est pas, elle aussi, épargnée de la barbarie des bandits armés de tout acabit. Aux dires de l’adjoint au maire M. Yattara, Tonka souffre et est stressée. Les braquages consécutifs sur ses tronçons et la confiscation des biens utiles ou utilisables, les viols, le paiement de rançon et taxes aux bandits armés et attaques sont entre autres maux causant un traumatisme moral aux populations qui demeurent impuissamment dans l’expectative de la résolution de cette situation chaotique et exacerbée à travers l’accélération du Désarmement, Démobilisation et Réinsertion (DDR) dans le cadre de la mise en œuvre de l’accord pour la paix et la réconciliation. «Nous n’avons pas pris des armes mais nous sommes victimes de viol, de vols, de pillage et des braquages de toutes sortes», s’est indigné Mohamed Yattara. «Nous sommes confus des situations actuelles car le Gouvernement est toujours campé au Sud pendant que nous, populations du Nord, vivons l’enfer tous les jours et tant que nous ne mourrons pas tous le Gouvernement n’évaluera pas la gravité de la situation», a tonné Samba Guindo de la coopérative agricole de Tonka.
La population de Tonka n’est pas partie par le dos de la cuillère sur l’Accord pour la paix et la réconciliation (APR). Elle y voit un processus à «huis-clos» dont le contenu est totalement ignoré des populations à la base au nom desquelles certains groupes signataires s’agrippent pour défendre leurs propres intérêts. «Le contenu de l’Accord d’Alger ne doit pas se traiter à huis-clos.Le Gouvernement du Mali doit donner des informations précises sur ces accords puisque tant la population n’est pas au même degré d’informations, elle se sentira toujours frustrée», a déclaré Mme Fanta Maïga, présidente de la coordination des artisans de Tonka. Et à un notable d’ajouter que l’Etat malien devrait au préalable consulter la base. «On ne peut pas être dans des bureaux, couper des réalités du terrain et prétendre parler ou signer un accord au nom des populations qui ne savent rien du contenu de ce fameux accord. Nous nous connaissons tous, ici, au nord entre communautés. Et nous n’avons pas causé de tort. Ceux qui se sont révoltés prétendant défendre l’intérêt général ne vous ont pas dit la vérité plutôt ils défendent leurs propres intérêts au nom de toute une communauté. Donc, le Gouvernement malien devrait d’abord demander nos opinions parce que nous connaissons ces gens là mieux que quiconque», a martelé ce notable.
Les différents intervenants ont souligné que la partition du Mali n’arrangerait ni ceux qui le présagent, ni les communautés autochtones car elle pourrait éclater une autre rébellion intercommunautaire. Ils ont dénoncé les multiples exactions dont les populations sont victimes et sollicitent au Gouvernement malien d’entreprendre une vaste campagne de sensibilisation des populations sur les tenants et aboutissants de l’accord et s’imprégner des réalités du terrain. Autre point évoqué la radicalisation des jeunes. Selon Fanta Maïga, le chômage est l’un des facteurs qui ont entrainé les jeunes dans la délinquance et leur intégration dans des mouvements armés. A lui en croire, l’école malienne ne produit pas des diplômes conformes au marché de l’emploi. Le sacrifice des Forces Armées Maliennes (FAMAs) a été salué par les différents intervenants qui ont appelé la population d’appuyer les FAMAs en signalant les suspects. Autre casse-tête évoquée par la population, la position de la force française au Mali qui, pour elle, demeure encore
dubitative. Elle se demande aussi pourquoi les FAMAs ne sont-elles toujours pas redéployées à Kidal? La population de Tonka a affirmé réitérer son engagement pour un Mali, un et indivisible, et affiche son accompagnement indéfectible au Gouvernement. Pour elle, il est impératif d’organiser des journées de sensibilisation, des marches pacifiques, des sit-in pour se faire entendre et sollicite l’implication sans relâche de l’Etat malien pour résoudre définitivement cette situation qui perdure. L’adjoint au maire M. Yattara a salué l’ONG Instruments for Africa pour cette initiative visant à contribuer à la prise de conscience des communautés et promouvoir les initiatives citoyennes en faveur de la paix, de la cohésion et à la sécurité, à travers ce projet de dialogue en vue de mieux favoriser le contact entre différents acteurs.
Par Almoudou M. Bangou
Source: Le Toguna