Près de sept mois après le décès de Mahamadou Almamy SOW, son diplôme de Doctorat d’Etat en Droit Public lui a été décerné à titre posthume et remis à sa famille.
La cérémonie de remise de diplôme s’est déroulée le samedi 23 janvier 2016 à la Faculté de Droit Public de l’Université des Sciences Juridiques et Politiques de Bamako (USJPB). C’était sous la présidence du Vice-recteur de l’USJPB, Pr Moussa DJIRE qui était assisté de Pr Bakary CAMARA, Doyen de la Faculté de Droit Public (FDPU) et d’autres Professeurs venus de l’Université Gaston Berger (UGB) de Saint-Louis (Sénégal), Samba TRAORE, Président de l’Ecole Doctorale de l’UGB et Mayacine DIAGNE, Directeur de thèse de feu Mahamadou Almamy Sow.
Parmi les nombreux invités d’honneur, on notait aussi la présence du tout nouveau Ministre de la Recherche Scientifique, Pr Assétou Founé SAMAKE MIGAN. La famille du défunt était représentée par Mme Sow Assanatou BOUARE, Chef de division à la Direction Générale des Impôts.
Le mot de bienvenue a été prononcé par le Doyen de la Faculté de Droit Public, Pr Bakary CAMARA. La date de soutenance de la thèse de M. Sow sur le thème : « La politique de décentralisation en République du Mali », était fixée au 16 octobre 2015. Mais, hélas ! Le bon Dieu en a décidé autrement, a-t-il expliqué. Aussi, cette cérémonie en ce jour du samedi 23 janvier 2016, était-elle loin d’une simple partie de décor ou de complaisance. « Nous célébrons aujourd’hui le savoir, tout en rendant hommage à un homme qui, malgré tous les obstacles rencontrés, a tout entrepris pour qu’aboutisse cette thèse. Une thèse qu’il a souhaitée et voulue de tout son cœur. Et elle est là, cette thèse, bien accomplie », a assuré Pr Samba TRAORE, Président de l’Ecole Doctorale de l’UGB.
Certes, Mahamadou Almamy SOW n’a pas pu soutenir sa thèse, par la volonté divine, mais le diplôme de Doctorat d’Etat en Droit Public que lui ont décerné les autorités universitaires de Saint-Louis, à titre posthume, n’est nullement synonyme d’un titre gracieux, ni l’expression d’une quelconque complaisance de leur part, a précisé Pr Samba TRAORE. Le Président de l’Ecole Doctorale de l’UGB a ajouté, « Par cette thèse, Mahamadou Almamy Sow voulait entrer dans l’histoire, comme les pharaons d’Egypte. Il a réalisé ce rêve. » A la femme du défunt et à sa progéniture, il a laissé entendre ceci : « Almamy SOW n’est pas mort, sa thèse représente un monument qu’il vous a laissé. »
Au Pr Mayacine DIAGNE, Directeur de thèse de feu Mahamadou Almamy Sow, de renchérir par cet extrait du poème « Le Souffle des ancêtres » du recueil “Leurres et lueurs” de l’écrivain sénégalais Birago Diop :
« Écoute plus souvent
Les Choses que les Êtres
La Voix du Feu s’entend,
Entends la Voix de l’Eau.
Écoute dans le Vent
Le Buisson en sanglots :
C’est le Souffle des ancêtres.
Ceux qui sont morts ne sont jamais partis :
Ils sont dans l’Ombre qui s’éclaire…
Les Morts ne sont pas morts. »
Les quatre dimensions de l’homme
Pour Pr Mayacine DIAGNE, il y a quatre dimensions dans Mahamadou Almamy SOW. D’abord, il voit en lui un enseignant-chercheur déterminé et volontaire, doublé de grandes qualités pédagogiques et humaines. « C’était un doctorant qui avait l’amour de la recherche et la générosité de dispenser le savoir ». La deuxième dimension de l’homme, poursuit son Directeur de thèse, c’était son affection pour le Sénégal dont il s’était engagé à faire sa deuxième patrie. « Almamy », comme il l’appelle intimement, était un Almamy au vrai sens du mot, qui aimait beaucoup son pays, le Mali, auquel il a été lié pendant toute sa vie. C’était aussi un grand manager doté d’un leadership incontestable.»
Enfin, pour revenir au poète, Pr Mayacine DIAGNE estime que depuis la nuit des temps, il y a des hommes qui, bien que physiquement absents, continuent et continueront à vivre éternellement dans le cœur de leurs semblables. « Almamy » Sow est de ceux-là. « Almamy ne partira pas, Almamy ne mourra pas, Almamy va léguer à la postérité et à l’humanité une œuvre immortelle : sa thèse ». Selon lui, il laisse une thèse riche en droit positif malien dans ce qu’il est convenu d’appeler « la doctrine malienne de la décentralisation ». Il a apporté deux forces majeures à la construction de la décentralisation au Mali : la première force fondatrice de cette thèse s’entend d’une refondation de l’Etat malien par la décentralisation. Pour Almamy, commente-t-il, il fallait procéder à des réformes institutionnelles importantes pour construire l’Etat du Mali. La seconde force majeure de la thèse réside dans le fait qu’elle considère la décentralisation bien comme un facteur de lutte contre la pauvreté qu’une stratégie d’organisation des autorités du pouvoir local et central.
Mme SOW Assanatou BOUARE, veuve de Mahamadou Almamy, à qui le diplôme sera plus tard remis symboliquement, a pris la parole au nom des familles SOW et BOUARE. Visiblement très émue, à l’instar de la plupart des invités présents dans la salle, elle a remercié les autorités administratives et universitaires du Mali et du Sénégal, les collègues enseignants de Mahamadou Almamy SOW, ses étudiants, parents, amis, proches et tous les invités à la cérémonie, pour leur soutien moral et matériel précieux pendant ces moments très difficiles qu’elle et ses proches ont vécus.
Une personne solidaire et généreuse
Après avoir rendu gloire à Dieu, Le Tout Puissant et Miséricordieux, elle a demandé à l’assistance d’observer quelques instants de silence en la mémoire de son cher époux que la mort a séparé d’elle. Mme SOW pense aussi que son mari n’est pas mort. « Tout comme le poète, pour le croyant, les morts ne sont pas morts, ils nous devancent dans le monde de la résurrection éternelle.»
Mme SOW a particulièrement remercié les Professeurs Samba TRAORE et Mayacine DIAGNE. En effet, explique-t-elle, le Président de l’Ecole Doctorale de l’UGB et le Directeur de thèse de feu Mahamadou Almamy Sow, ont honoré leur promesse de conduire la thèse de Doctorat d’Etat de Sow jusqu’à la soutenance et de lui remettre son diplôme à titre posthume. La veuve du Pr Sow n’a pas oublié de remercier le Rectorat de l’Université des Sciences Juridiques et Politiques de Bamako, à travers son premier responsable, Pr Abdoulaye DIARRA et l’ensemble du corps professoral, dont M. Touré, qui ont tous compati et contribué à la bonne organisation de la cérémonie.
Elle a conclu en ces termes : « Feu le Pr Sow a toujours cru aux vertus du travail qui seul anoblit l’homme. Pour lui, il n y avait pas d’âge pour apprendre, il fallait aller chercher le savoir jusqu’en Chine, en passant par la Russie, la France et le Sénégal. Puissent ce courage et cette vertu inspirer sa descendance afin de perpétuer à jamais sa mémoire ici-bas »
A la suite de Mme Sow, c’était les différents témoignages des parents, amis et collègues qui tous, ont unanimement salué la mémoire d’un homme bon, solidaire et généreux, au cœur dépourvu de rancune.
Mahamadou Gnissama
Parcours du regretté SOW
Feu Mahamadou Almamy SOW jouissait d’une riche carrière universitaire et administrative. Après une maîtrise décrochée en Sciences Juridiques à l’Ecole Nationale d’Administration (ENA) de Bamako en 1984 où il a terminé major de sa promotion, il s’envole pour l’ex-URSS.
C’est à la Faculté de Droit International, de Relations Internationales et de Relations Economiques Internationales de l’Université d’Etat de Kiev (Ukraine) qu’il obtient son Diplôme d’Etudes Approfondies (Master of Law) en Droit International et Jurisprudence, en 1990.
Il y a un peu plus de trois ans (2011-2012), Mahamadou Almamy SOW s’était inscrit en thèse à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis, sous la direction de Pr Mayacine DIAGNE. Ce cursus est enrichi de plusieurs stages pratiques aux Ministères des Finances du Mali, des Affaires Etrangères d’Ukraine et du Mali.
SOW a également derrière lui une riche expérience professionnelle. Il a ainsi exercé comme Conseiller Technique et Chef de service chargé des Affaires juridiques au Ministère malien de l’Industrie et du Commerce, de 2003 à 2005. De 1991 à son décès, à l’Université de Bamako puis à l’Université des Sciences Juridiques et Politiques de Bamako, il était professeur chargé des cours de Droit International Public et de Relations Internationales, de Droit du Commerce, de Droit des Transports et de Droit de la Propriété Intellectuelle. De septembre 1999 à juin 2000, il a aussi donné des cours à l’Institut Supérieur de Technologies Appliquées (Technolab-ISTA), une école supérieure privée de Bamako
Que dit l’œuvre de Monsieur SOW
La thèse de Doctorat de Monsieur SOW se fonde sur l’expérience de la décentralisation en République du Mali. Cette étude s’articule autour de deux principales parties. Une première partie consacrée au droit proprement dit de la politique de décentralisation au Mali. Cette partie s’étendra sur l’identité juridique et la genèse de cette réforme. La politique de décentralisation en pratique représentera la deuxième partie de ce travail.
Cette seconde partie fait le bilan à mi-parcours d’un processus axé sur la refondation de l’Etat, le développement local et la démocratie participative. A l’instar de beaucoup de pays africains, le Mali s’est engagé dans un vaste mouvement de réforme de ses institutions. Ces réformes ont été engagées à partir des années 1990. Elles se veulent avant tout un vecteur tendant à moderniser l’organisation et la gestion du territoire en vue de l’amélioration du service de l’Etat pour le bien-être de la population. La décentralisation, en tant que processus engagé par le gouvernement, doit être perçue comme le résultat de la quête permanente d’un compromis qui s’intéressera aux fondements majeurs de l’administration du territoire que sont l’efficacité de l’action publique, l’autonomie locale et l’unité nationale.
La décentralisation doit être un souffle nouveau vers le développement tendant à libérer de nouvelles énergies à la base. Comme mode d’administration de la société respectant le caractère pluriel de cette dernière, la décentralisation a été consacrée dans toutes les Constitutions du Mali indépendant. Longtemps reportée, sa mise en œuvre annonce en fin de compte la participation des populations au processus de la gestion des affaires publiques de leurs collectivités, en vue de favoriser des choix concertés de développement et de responsabilisation des élus locaux.
La décentralisation est un socle d’édification de l’Etat de droit et de la démocratie que les populations ambitionnent. Elle constitue une voie de sortie de la crise économique, politique et sociale. La société civile et la classe politique nationale en ont fait l’objet d’un large consensus.
Il s’agit d’une nouvelle dynamique à long terme tendant à évaluer sa mise en œuvre. Des avancées notables ont cependant été constatées, en l’occurrence la mise à disposition des populations d’infrastructures sociales de base, l’enracinement de la démocratie et du fait communal. Son bilan semble être déjà encourageant rendant le processus irréversible. La faible mobilisation des ressources fiscales, les faibles dotations de l’Etat, la prédominance des financements extérieurs dans les investissements des collectivités, la lenteur dans le processus de transfert de compétences et des ressources, etc., constituent des faiblesses qu’il faut corriger nonobstant les avancées notoires que connaît la décentralisation malienne.
En tout état de cause, l’optimisme doit rester de mise avec une volonté politique affichée, un cadre institutionnel s’étoffant depuis 1993 et avec des acteurs de qualité engagés à réussir ce vaste chantier de développement et de bien-être.
Source: Le Challenger