Le ministère du Travail et de la fonction publique, chargé des relations avec les institutions, en partenariat avec le Bureau international du Travail (BIT) a organisé, hier jeudi, au Palais de la culture de Bamako, le Forum sur l’avenir du travail au Mali.
La cérémonie d’ouverture de la rencontre, de deux jours, était placée sous le haut patronage du Président de la République, Ibrahim Boubacar KEITA ; en présence du Premier ministre ; des présidents des Institutions ; plusieurs membres du gouvernement, notamment la ministre du Travail et de la fonction publique, Mme DIARRA Racky TALLA ; le directeur général BIT Pays, notre compatriote Dramane HAIDARA ; le président du Conseil national du patronat du Mali (CNPM), Mamadou Sinsi COULIBALY.
On y notait également la présence de plusieurs responsables administratives, politiques, et autorités coutumières et des représentants d’organisations de jeunesse.
Le soutien de l’OIT
Selon M HAIDARA, dans un an, l’OIT commémora ses 100 années d’existence. Dans cette optique, elle a lancé l’initiative du centenaire sur l’avenir du travail. Ceci est basé sur la reconnaissance qu’une transformation du monde du travail est à l’œuvre dans tous les pays du monde et une impérieuse nécessité de comprendre et de réagir efficacement à la réflexion.
M. HAIDARA s’est dit heureux de voir le Mali s’associer à cette réflexion sur l’avenir du travail. Il a félicité Mme la ministre et réitéré l’engagement de l’OIT d’être aux côtés du Mali.
Les vérités de Coulou
Selon le président de la CNPM, le monde vit la 3e révolution industrielle qui a créé la distribution, provoquant ainsi la naissance d’un nouveau système économique basé sur le partage et les communautés collaboratives.
« Nous vivons une période de transition, c’est-à-dire la disparition progressive du capitalisme classique et la naissance d’une économie de protection. L’entreprise n’est plus au centre de la création de la richesse, nous deviendront tous ni producteurs ni consommateurs. Certains pays, tels que le Danemark, la Chine, l’Allemagne ont déjà amorcé cette transition », a martelé le patron des patrons du Mali.
Est-ce que le Mali a aujourd’hui les moyens d’amorcer cette transition ? Et quelles en seront les conséquences sur le travail ? Qui va assurer concrètement cette transition ? Telles sont quelques questions que le président du CNPM a posées à Mme la ministre du Travail.
« Un système de redistribution bien réfléchi renforcera l’unité nationale, protégera les personnes en situation de précarité et évitera ainsi l’exclusion », a-t-il fait constater.
Selon M. COULIBALY, tout travail ne mérite pas un stage. Les conséquences du stage sont catastrophiques sur la jeunesse. La jeunesse souffre et elle le ressent tout au long de sa vie professionnelle. C’est pourquoi il demande la libération dès maintenant de certaines fonctions de l’Administration.
« Si nous ne le faites pas, c’est d’autres qui viendront le faire en notre place, et avec la bonne manière », a-t-il prévenu.
En conclusion, enseigne le président du patronat malien : « le Code du travail n’est pas le code de l’emploi ; le droit du travail n’est pas un droit au marché du travail ». Tout en sollicitant de libérer les employeurs de certaines contraintes, M. COULIBALY a publiquement déclaré : « Aucun dirigeant politique au monde n’a aujourd’hui un plan B pour l’avenir du travail, le monde de demain appartiendra à ceux qui savent s’adapter, c’est la théorie de l’évolution du monde de Darwin ».
Le témoignage de KATILE
Quant au porte-parole des centrales syndicales, Yacouba KATILE, secrétaire général de l’UNTM, il a rappelé les améliorations des conditions de vie et de travail dont ont bénéficié les travailleurs du Mali, notamment les allocations familiales, le SMIG, les salaires, etc. ainsi que les subventions accordées au monde rural. Toutefois, il a dénoncé les exactions et autres traitements vulgaires dont sont victimes les responsables syndicaux au sein de certaines entreprises publiques et privées.
Pour sa part, le directeur général du BIT Pays a salué les efforts importants consentis par le Mali en matière de l’amélioration des conditions de vie et de travail des travailleurs.
Travail décent pour tous
Selon la ministre du Travail, cette rencontre est l’occasion pour l’ensemble des acteurs de poser les jalons d’un avenir du travail décent, afin d’assurer le plein emploi, l’extension de la protection sociale aux couches sociales les plus défavorisées et de maintenir un dialogue social crédible.
Aussi, reconnaît la ministre, l’emploi des jeunes et des femmes est devenu une préoccupation majeure pour nos gouvernements ; l’accès au marché du travail est inégalitaire et le taux élevé de chômage est caractérisé par la discrimination dans l’emploi et la profession.
Le travail décent, a fait savoir Mme la ministre, se résume en la possibilité d’exercer un travail productif et convenablement rémunéré dans des conditions de sécurité et de santé sur le lieu de travail, assorti d’une protection sociale garantissant la dignité. En effet, soutient la ministre DIARRA Racky TALLA, le travail décent est le point de convergence de 4 objectifs stratégiques : les normes, principes et droits fondamentaux au travail, l’emploi, la protection sociale, et le dialogue social.
Vers l’agroforesterie
Par ailleurs, dira Mme la ministre du Travail, face aux défis climatiques, environnementaux et sécuritaires, il est aujourd’hui nécessaire, dans le cadre du renforcement de la résilience des populations, que de nouveaux emplois soient explorés (agroforesterie, une combinaison de l’agriculture et la transformation de l’écosystème, transformation des déchets, entretien des couts d’eau). Car, est-elle convaincue, l’avenir du travail est assurément dans l’exploitation de la terre.
« L’avenir est dans les emplois verts, car toutes les conditions sont réunies pour que nous usions de notre expertise afin de mutualiser tous les acquis pour non seulement assurer un travail décent aux Maliens, mais aussi réduire la pauvreté et les inégalités sociales », a-t-elle noté.
À son avis, le présent forum est initié à cet effet. En effet, il s’agit pour les principaux acteurs de s’interroger sur le type de travail qu’ils doivent développer en lien avec le secteur informel et les constances du travail (conditions de travail, sécurité sociale, conditions d’accès à l’emploi) ? Autrement dit, comment assurer la transition de l’économie informelle vers le formel ?
Selon la ministre, un accent particulier sera mis sur le secteur du développement rural, de l’industrie, à travers la chaîne de transformation de nos produits locaux. Et comment étendre la protection sociale au secteur rural et informel en lien particulier avec le Programme présidentiel d’urgences sociales ? Il s’agira également de développer le dialogue social qui est un outil incontournable pour la préservation de la paix et de la quiétude sociales dans notre pays.
Les 3 thèmes seront développés durant les deux jours : « Gouvernance du travail : Quels enjeux et perspectives au Mali ? » « Dialogue social : compétitivité et performance des entreprises », « Travail décent et résilience des populations ».
Les convictions du Président IBK
Pour le Président IBK, la tenue en ce jour d’un Forum sur l’avenir du travail peut paraître aller de soi, mais c’est l’initiative du BIT qu’il faut saluer. Au regard des mutations que le monde d’aujourd’hui ne cesse de subir, à savoir : évolutions technologiques, le poids démographique exponentiel, l’accroissement des inégalités sociales, qu’il y a nécessité à réfléchir sur le travail dans le futur. Quel sera-t-il ? Demeurera-t-il sous la forme qu’il est aujourd’hui ?
« Je pense qu’appeler à réfléchir à forum comme celui-là, que ce soit les acteurs mêmes, que ce soit également ceux en charge de la codification de la mise en ordre de l’organisation de la méthode ne sont pas indifférents. Je pense que nous avons entendu HAIDARA du BIT, nous avons entendu Mme la ministre du Travail, le président du Patronat malien qui ont dit des choses très fortes, autant d’interpellations à nous tous à réfléchir à nous projeter pour dessiner la voie de l’avenir de manière qu’il n’y ait pas de surprise. Et nous n’avons pas le droit d’être surpris, en raison de tout ce que je viens d’évoquer », a conclu le Président IBK.
Après la cérémonie, le Président de la République a procédé à l’inauguration du nouveau siège de la Direction nationale du Travail et le Centre des concours de la fonction publique, sis au Quartier du Fleuve, à l’emplacement des anciens bureaux du Comité d’organisation de la coupe d’Afrique des nations, édition 2002 (ex-COCAN) en face de l’ancien ministère de l’Hydraulique et des mines.
Les deux joyaux ont coûté la somme de 1 052 287 895 F CFA TTC, entièrement financés sur le budget national, exercice 2016 et 2017. Ils comprennent deux bâtiments administratifs, une cantine, 2 loges pour gardiens, un poste transformateur pour le compte des 2 services, etc.
Par Sékou CAMARA
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