La réunion du Cadre de concertation entre le ministre de l’Administration territoriale et les chefs de partis ou leurs représentants a eu lieu, ce vendredi 26 octobre 2018 dans la salle de conférence du département de l’administration.
L’ordre du jour de la réunion portait entre autres sur: le report des élections législatives 2018 ; les concertations régionales sur l’avant-projet de loi portant création des circonscriptions administratives ; et l’avant-projet de loi portant création des collectivités territoriales au Mali.
Présidée par le ministre de l’Administration territoriale et de la décentralisation Mohamed Ag ERLAF, la rencontre a enregistré la présence de plusieurs chefs de partis et de personnalités politique de la majorité et de l’opposition, notamment l’ancien Premier ministre Moussa MARA, président du parti YELEMA ; le président de l’UM RDA, Ibrahim Boubacar BAH ; le doyen Mamadou Kassé TRAORE ; la représentante de l’URD, Mme COULIBALY Kadiatou SAMAKE, etc.
Les décisions du gouvernement
Au cours de cette rencontre, le ministre Ag ERLAF a annoncé que les concertations régionales sur : l’avant-projet de loi portant création des circonscriptions administratives en république du Mali, et l’avant-projet de loi portant création des collectivités territoriales en république du Mali se dérouleront du 6 au 10 novembre 2018 au niveau des Chef-lieu de région désigné.
Aussi, a-t-il fait part de la décision du Conseil des ministres du 24 octobre 2018 portant abrogation du Décret n°2018-0722/P-RM du 14 septembre 2018 portant convocation du collège électoral, ouverture et clôture de la campagne électorale à l’occasion de l’élection des députés à l’Assemblée Nationale.
Le ministre a également rappelé que suivant l’avis la Cour Constitutionnelle en date du 12 octobre 2018 favorable à la prorogation du mandat des députés, le gouvernement a initié un projet de loi organique, à cet effet, qui proroge jusqu’au 30 juin 2019 le mandat des députés de la Vème législature
La démarche du ministre mise en cause
Dans les débats, les participants étaient divisés sur la possibilité pour le gouvernement de conduire les réformes administratives annoncées dans un délai de 6 mois.
De même, des intervenants ont dénoncé le caractère unilatéral des décisions précises par le gouvernement au cours du dernier Conseil des ministres sans avis de la classe politique au préalable.
Parmi les intervenants les plus virulents contre cette attitude du gouvernement, il y a l’ancien Premier ministre, Moussa MARA.
Selon lui, la rencontre du jour ressemble beaucoup plus à un cadre d’information que de concertation. Car, dit-il, les décisions importantes ont été déjà prises par le gouvernement avant d’informer la classe politique.
«Nous avons invité le ministre a changé de façon de faire avec la classe politique. La classe politique constitue une composante importante de la nation qui a des idées, des propositions, et il serait bien que le cadre de concertation soit un vrai cadre de concertation », a dénoncé Moussa MARA.
Par ailleurs, le président du parti YELEMA dira que quel que soit la décision à prendre, il serait bien qu’au préalable, qu’il y ait des séances d’échanges, des discussions et des propositions émanant de la classe politique.
Non à la prorogation
En ce qui concerne le report des élections législatives, M MARA a fait savoir que l’opinion de la majorité des acteurs politiques dans la salle a été que le report peut-être expliqué, justifié par un certain nombre de difficultés, mais il est hautement souhaitable que cela se fasse sur la base de la Constitution et du respect des textes.
«Nous ne voulons pas que le mandat des députés soit prorogé par eux-mêmes, quelles que soient les justifications juridiques. Ce report n’est pas constitutionnel, n’est pas normal, n’est pas logique», a décrié l’ancien PM.
Sur la question du découpage, ce qui est ressorti des discussions, selon MARA, c’est le fait que la décision parait un peu précipitée.
Pour le président du parti YELEMA, ce qui a été déjà fait par le gouvernement comme avant-projet comporte un certain nombre d’éléments qui lui parait insoutenables pour le pays, et est non-équitables entre les communautés et les territoires.
«Pour nous, il y a des préalables, et ces préalables doivent être vidés à un certain niveau qui n’est pas le niveau régional».
Parlant des concertations régionales annoncées par le ministre de l’Administration territoriale pour le 6 novembre, Moussa MARA a indiqué que cela consiste à mettre la charrue avant les bœufs. De son avis, si le découpage est engagé sans regarder objectivement les moyens dont dispose l’Etat, on risque de mettre des circonscriptions à des endroits qui seront totalement inopérantes.
le gouvernement irréaliste
Dans son intervention, M MARA a insisté sur le fait que l’histoire des réformes administratives de notre pays s’est traduite par de longues préparations, quand il s’agit du territoire et de son organisation. Car, dit-il, les Maliens sont fortement attachés à leur territoire.
«Penser que nous pouvons réorganiser territorialement le Mali à un niveau sans précédent en 6 mois, alors que les autres réformes ont été mises en œuvre en 5 ou 6 ans, c’est vraiment être très optimiste, voire ne pas être réaliste».
Selon M MARA, quand on doit réformer un pays aussi vieux que le Mali, «où les populations sont très attachées à leurs terroirs, on ne le fait pas à la hussarde, on prend le temps de bien voir, notamment en termes de la soutenabilité financière, de la disponibilité des ressources humaines, et au regard de l’équité territoriale, et des communautés », a-t-il précisé.
Pour ce faire, il a invité le chef de l’Etat a engagé des discussions avec les acteurs politiques et les autres composantes des forces vives de la nation afin de dégager un consensus sur la direction stratégique à donner à notre pays.
«On sait qu’il y a le Pacte pour la paix qui donne un délai contraignant pour un certain nombre de réformes, mais les réalités de notre pays ne doivent pas être sous-estimées. On espère qu’au sortir de tout ça, le ministre puisse se faire le porte-voix de ces débats».
Les griefs de l’URD
La vice-présidente de l’URD, Mme COULIBALY Kadiatou SAMAKE, chargée des questions électorale, abonde dans le même sens que Moussa MARA.
Selon elle, il y a eu beaucoup de polémiques autour de l’élection présidentielle, parce que tout n’était pas bon.
Pour Mme COULIBALY, il est nécessaire de résoudre ces problèmes avant les prochaines élections.
Le découpage, soutient la représentante de l’URD, n’est pas un travail facile. Mais il nécessite un large dialogue national autour de la question avant d’engager les réformes.
«Le gouvernement dit déjà qu’il va commencer les concertations dans les régions à partir du 6 novembre prochain, et que le résultat de ces concertations fera l’objet d’une rencontre à Bamako. Nous avons dit que ce n’est pas la bonne manière de faire. Il faut que les citoyens parlent le même langage pour ce découpage. Sinon cela va amener une autre crise dans le pays. Sans le dialogue, rien ne peut marcher dans le pays. Faisons les choses comme cela se doit», a-t-elle conseillé.
Soutien de la majorité
Pour sa part, le Pr Younous Hamey DICKO, a indiqué qu’au niveau de la coalition politique de la majorité (EPM), les leaders ont tout mis en œuvre pour que les législatives ne soient pas reportées.
A son avis, avec les explications données par le gouvernement, l’EPM s’engage à soutenir le report des élections, le président de la République ainsi que l’action gouvernementale. Ce report permettra aux uns et aux autres de biens mener le travail qu’il faut pour obtenir de résultats satisfaisants ; et de mieux percevoir l’ensemble des problèmes à traiter.
Selon lui, il y a beaucoup de défis à relever dans un délai relativement court. Ceci oblige, dit-il, le gouvernement à travailler davantage.
Il a réitéré l’engagement ferme de l’EPM à soutenir le gouvernement et le Président IBK dans ces épreuves.
Quant à Dr TOULENTA, responsable du parti ADEMA, membre de la majorité présidentielle, il a invité le ministre Ag ERLAF à élaborer un agenda clair pour les réformes et un calendrier précis pour les élections et le référendum.
Objectifs du découpage
En réponse à toutes ses préoccupations, le ministre Ag ERLAF dit reconnaitre que cette réforme est difficile, mais que ces difficultés ne doivent pas empêcher ce découpage dont le projet n’a que trop duré.
S’agissant du lever de bouclier relatif à l’avant-projet sur les réseaux sociaux et au niveau de la société civile, le ministre a accusé ses opposants d’ouvrir les débats de la répartition des localités à l’Assemblée avant l’heure.
Par le ministre Ag ERLAF, la question fera l’objet d’une loi organique et n’a rien à voir avec la réforme administrative qui vise essentiellement 2 objectifs, à savoir : rapprocher davantage l’administration des populations ; et redimensionner les grands espaces pour permettre à l’Etat de mieux encadrer les collectivités territoriales et favoriser l’atteinte des objectifs de développement économique, social et culturel.
Les annonces du ministre
Il a profité de l’occasion pour exprimer sa volonté de boucler la réforme administrative avant la fin du mois de décembre prochain. Cela permettra, est-il convaincu, de faire en sorte que les nouvelles collectivités soient prises en compte dans le fichier électoral dont la loi prévoit l’élaboration en décembre.
Aussi, il a fait savoir, les élections législatives ainsi que le référendum constitutionnel seront réalisés avant le délai des six mois, prévu pour le 30 juin.
Pour le ministre, aucun pessimisme ne lui fera reculer sur ces deux agendas. C’est pourquoi, il a invité la classe politique a s’impliqué positivement dans les débats ou à s’abstenir.
Autres précisions de taille du ministre Mohamed Ag ERLAF, les concertations régionales sur le découpage seront souveraines. Toutefois, prévient-il, le gouvernement va se pencher sur les cas à polémique et tiendra compte de la pertinence des propositions issues des concertations avant l’élaboration du projet de loi.
Par Abdoulaye OUATTARA
Info-matin