« La plupart des pays africains seront mis à rude épreuve par ce choc, du fait de la défaillance et de l’engorgement de leurs systèmes sanitaires. Avec les ressources humaines, matérielles et financières limitées, la majorité des pays africains assisteront en toute impuissance aux ravages de la pandémie si les pays avancés n’arrivent pas à trouver de solution”.
Derrière ces propos extrêmement pessimistes, l’économiste et ancien Premier ministre de la République démocratique du Congo, Augustin Matata Ponyo, qui vient de sortir un rapport sur l’impact de la crise sanitaire actuelle sur l’économie de son pays. Le constat est sans appel et l’effet boule de neige garanti.
La Chine, premier pays dont l’économie a été touchée par le Covid-19 est le premier partenaire économique de la RDC qui consomme 35 % de la production des matières premières congolaises, qui sont la principale source de rentrées du pays. Du coup, mécaniquement, le ralentissement de la machine chinoise impacte l’économie mondiale et tout particulièrement ces partenaires “privilégiés”. Double effet, la consommation ralentissant, le coût des matières premières chute ce qui appauvrit encore un peu plus les caisses d’un État déjà complètement exsangue.
Les entreprises minières sont immédiatement touchées, elles consomment moins, doivent se séparer de membres de leur personnel et, évidemment, c’est l’ensemble du peuple congolais qui paie les pots cassés.
Récession
Dans son budget 2020, le gouvernement congolais a inscrit une croissance de 5,4 % qui apparaissait déjà comme très (trop ?) “volontariste”. Sur base des résultats du mois de février, déjà impacté par la crise du coronavirus, “on devrait s’attendre à un ralentissement de l’activité minière en RDC de plus ou moins 20,6 %”, explique dans son rapport M. Matata Ponyo. “Ceci devrait déboucher sur une baisse de l’activité économique dans les autres segments de l’économie et un ralentissement majeur de la croissance congolaise pour se situer à 0,1 % en 2020”. Et l’ancien Premier ministre d’ajouter : “dans le cas pessimiste, l’économie congolaise tomberait dans la récession à l’image d’autres pays de la planète, tels ceux de l’union européenne qui s’y prépare déjà. De plus, compte tenu du taux de croissance démographique situé à 3,5 %, un niveau de croissance inférieur à 3,5 % entraînerait une destruction rapide de richesse nationale avec comme conséquence, l’appauvrissement de la population”.
La situation en République démocratique du Congo est particulièrement inquiétante. Mais une majorité des pays de l’Afrique subsaharienne sont logés à la même enseigne, dépendant des cours des matières premières et devant faire face à des taux d’importation insupportables pour la plupart des biens de consommation.
Réunis en fin de semaine dernière dans une conférence virtuelle, les ministres des Finances du continent africain sont arrivés à la conclusion que pour faire face à cette crise sanitaire et économique, l’Afrique a besoin en urgence d’une relance de 100 milliards de dollars. Les ministres ont donc appelé à l’exonération “de tous les paiements d’intérêts, estimés à 44 milliards de dollars pour 2020, et l’extension possible de la dérogation à moyen terme”, afin que leurs gouvernements disposent rapidement d’“un espace fiscal et de liquidités”.
Le poids de l’informel
Les ministres des Finances ont aussi marqué leur crainte pour des secteurs comme l’aviation et, surtout, le tourisme qui représentent plus de 10 millions d’emplois sur le continent. Tous ont aussi souligné le risque majeur que fait courir cette pandémie pour des millions d’autres Africains qui relèvent du secteur informel. Un secteur sensible qui pourrait être mis à mal par des mesures de confinement drastiques – pratiquement impossibles à mettre en œuvre sur le continent – mais qui restreindraient malgré tout les activités de ces millions d’Africains qui vivent de petits boulots et qui jouent un rôle important dans le fonctionnement de l’économie de leurs pays grâce à ces millions de petits revenus qui font vivre des dizaines de millions de personnes que le continent.