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Quatre questions sur le nouveau coup d’Etat qui secoue le pays

Le leader des putschistes a appelé, dimanche 2 octobre, à mettre fin aux «actes de violence et de vandalisme» contre la France au Burkina Faso. «Des atteintes graves à la sécurité de nos emprises diplomatiques ont eu lieu hier soir à Ouagadougou», a annoncé dans le même temps le ministère des Affaires étrangères français. Dimanche matin, des dizaines de manifestants rassemblés devant l’ambassade de France ont été repoussés avec des gaz lacrymogènes. La France est accusée d’ingérence après le coup d’Etat militaire de vendredi qui a renversé le lieutenant-colonel Paul-Henri Damiba. Les putschistes ont affirmé le démettre de ses fonctions et ont intronisé à la place le capitaine Ibrahim Traoré.

Les militaires putschistes ont déclaré la fermeture des frontières terrestres et aériennes, la suspension de la Constitution, du gouvernement et de l’Assemblée législative de transition. Mais l’armée ne soutient pas ce coup de force. Dans un communiqué publié samedi, elle décrit une «crise interne» et des «concertations» toujours en cours. Elle précise que ce coup d’Etat ne «représente pas la position de l’institution». Après avoir appelé dans un premier temps les putschistes à «revenir à la raison», Paul-Henri Damiba a fini dimanche par accepter de démissionner, «suite aux actions de médiation» menées par des chefs religieux et communautaires.
1Quelles sont les motivations des putschistes ?
«Nous avons décidé de prendre nos responsabilités, animés d’un seul idéal, la restauration de la sécurité et de l’intégrité de notre territoire» ont déclaré les militaires putschistes vendredi 30 septembre après avoir pris le pouvoir par la force. L’incapacité des gouvernements successifs à endiguer la violence jihadiste et à assurer la sécurité sur le territoire a fragilisé le régime en place. Depuis 2015, des groupes armés affiliés à Al-Qaïda et au groupe Etat islamique ont fait des milliers de morts au Burkina Faso.
Celui qui vient d’être placé à la tête d’une nouvelle junte, le capitaine Ibrahim Traoré, est ainsi l’ancien chef du corps du régiment d’artillerie de Kaya, dans le nord du pays, particulièrement touché par les attaques jihadistes. Deux millions de personnes ont été déplacées et certaines villes sont aujourd’hui soumises à un blocus des jihadistes. Ces derniers mois, les attaques se sont multipliées alors que le lieutenant-colonel Damiba avait promis de faire de la lutte contre le terrorisme sa priorité lorsqu’il a pris le pouvoir (lui aussi par la force), en janvier dernier.
2Pourquoi la France est-elle pointée du doigt ?
La France est accusée d’ingérence après ce coup d’Etat. Les putschistes ont très vite accusé Paul-Henri Damiba, qui refusait dans un premier temps de démissionner, de planifier une contre-offensive depuis une base française près de Ouagadougou. L’ambassade de France et l’Institut français dans la capitale et à Bobo Dioulasso ont été pris pour cible par les manifestants. «C’est d’autant plus regrettable qu’il s’agissait d’un des principaux centres culturels de la ville, qui abritaient la bibliothèque Georges Méliès, qui était très fréquentée des Burkinabés», a déploré le ministère des Affaires étrangères français concernant l’institut à Ouagadougou. Dimanche, le nouveau chef autoproclamé de la junte militaire Ibrahim Traoré a appelé les manifestants à cesser les violences.
«Je démens formellement m’être réfugié dans la base française de Kamboincé. Ce n’est qu’une intoxication pour manipuler l’opinion», a répliqué Paul-Henri Sandaogo Damiba sur les réseaux sociaux samedi soir, sans donner d’indication sur l’endroit où il se trouvait. Le ministère des Affaires étrangères français a également démenti. «Paul Henri Damiba n’a jamais été accueilli sur cette base et n’a jamais été accueilli dans notre ambassade», a affirmé sur France 24 la porte-parole Anne-Claire Legendre samedi.
Ces attaques «sont le fait de manifestants hostiles, manipulés par une campagne de désinformation à notre encontre», a poursuivi Anne-Claire Legendre, en «appelant les parties prenantes à assurer la sécurité» des bâtiments diplomatiques.
L’intervention française, engagée avec l’opération Barkhane contre les jihadistes au Sahel, est jugée inefficace et nourrit l’hostilité de la population. La France est aussi accusée de protéger des intérêts économiques au Burkina Faso. «Ce sont des rumeurs de réseaux sociaux. La France n’a pas d’intérêt autour des minerais ou des ressources pétrolières», a affirmé le professeur de géopolitique et spécialiste de l’Afrique Michel Galy, sur franceinfo. Il dénonce toutefois des maladresses des dirigeants français ces dernières décennies en Afrique qui ont pu générer «une hostilité aggravée» et laisser planer le doute d’une possible ingérence.
3Pourquoi des drapeaux russes ont été observés dans les manifestations ?
Les centaines de personnes qui ont manifesté dans la capitale juste avant le coup d’Etat vendredi réclamaient le départ de Paul-Henri Damiba, la fin de la présence militaire française au Sahel, mais aussi une coopération militaire avec la Russie. De nombreux drapeaux russes étaient visibles dans les manifestations, comme le signalait le journaliste de France 24 Wassim Nasr sur Twitter.
Les putschistes n’ont d’ailleurs pas caché leur «ferme volonté d’aller vers d’autres partenaires prêts à aider dans la lutte contre le terrorisme». C’est ce qu’a déclaré le nouveau chef de la junte militaire, Ibrahim Traoré, samedi après-midi. Le magazine Foreign Policy (en anglais) assurait en juillet dernier, s’appuyant sur des sources au renseignement américain, que le groupe Wagner pourrait cibler le Burkina Faso. Ces mercenaires russes proches du Kremlin opèrent déjà au Mali voisin. La popularité de la Russie est grandissante dans les pays de l’Ouest africain, notamment sous l’influence de très nombreuses campagnes de propagande des Russes sur les réseaux sociaux, soulignait le Washington Post (en anglais) en avril dernier.
4Comment réagit la communauté internationale ?
Samedi, le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a condamné «toute tentative de prise de pouvoir par la force des armes». L’Union africaine dénonce, elle, un «changement anticonstitutionnel de gouvernement». Tout comme la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) qui déplore ce coup de force «inopportun au moment où des progrès ont été réalisés pour un retour à l’ordre constitutionnel au plus tard le 1er juillet 2024». De la même manière, l’Union européenne critique un putsch qui met «en danger les efforts engagés depuis plusieurs mois pour la transition».

Source : Info-Matin

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