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Pr Yacouba Lazar Diallo, hématologue-chercheur à l’hôpital du Mali : «Il n’y a pas lieu d’avoir peur ni de l’hémophilie ni d’un hémophile»

édifiés par rapport à ce mal Maladie du sang peu connue, mais qui n’est pas à négliger, l’hémophilie existe au Mali. Dans le monde, existeraient plus d’un million de malades hémophiles. Sur les 22 millions (22 000 000) de Maliens- (RGPH 2022), plus de 3 800 personnes souffriraient de cette maladie, selon les données de la Fédération Mondiale de l’Hémophilie. Plus préoccupant, plus de 90 % ne sont pas diagnostiqués à ce jour et n’ont donc pas accès au traitement. Il est donc indispensable d’agir afin que les Maliens soient rampant sous leur pied sans qu’ils en aient conscience.

Or, force est de déplorer que continuent de prospérer, au sein d’une opinion généralement crédule, des informations erronées selon lesquelles c’est une maladie qui serait due à la sorcellerie et bien d’autres niaiseries. C’est pourquoi, dans le souci d’éclairer les populations sur les réalités de cette maladie, nous sommes allés à la rencontre du Professeur Yacouba Lazar Diallo, hématologue-chercheur à l’hôpital du Mali, pour en savoir davantage. Entretien !

Le Challenger : Bonjour professeur Diallo : vous êtes réputé être un spécialiste dans le diagnostic et le traitement d’une maladie peu connue appelée l’hémophilie.

Pouvez-vous nous en dire plus ?

Professeur Yacouba Lazar Diallo : L’hémophilie est une maladie du sang qui fait saigner beaucoup pour la moindre blessure. La particularité, c’est que si la blessure peut paraître insignifiante chez d’autres personnes, ça peut saigner beaucoup et pendant longtemps chez ces malades.

C’est une maladie qui est transmise le plus souvent par les parents à leur descendance, autrement dit une maladie génétique. Mais dans 30% des cas, on peut avoir une mutation spontanée, donc ponctuelle qui survient sur le gène de la maladie et sur le chromosome X qui peut l’entraîner.

Elle est due à un déficit en facteur de coagulation. Le fait qu’il y a cette mutation sur le chromosome X, les malades qui en héritent ne pourront pas synthétiser une quantité suffisante de facteurs 8 ou 9 dans leur sang. C’est ce qui fait que ces malades auront du mal à arrêter de saigner quand ils ont une blessure.

Donnez-nous, s’il vous plaît, davantage d’explications sur les cas et leurs causes, Professeur !

C’est une maladie purement génétique qui est due à une mutation du gène qui va entrainer un manque, un déficit en facteur 8, ce qui définit l’hémophilie A. Si ça entraîne un déficit en facteur 9, on parle alors de l’hémophilie B. cependant il existe une autre forme  appelée  l’hémophilie acquise qui est une maladie purement génétique, survenant spontanément et pouvant arriver à tout le monde. Donc, cette forme est le plus souvent  associée à une autre maladie qui peut être un cancer, ou d’autres maladies. Une logique qui est purement liée à l’hémophilie congénitale. Les causes, c’est vraiment parce que l’organisme ne parvient pas à synthétiser, voire fabriquer une quantité suffisante de facteurs. Donc, les malades auront du mal à coaguler leur sang, une fois qu’ils sont blessés.

Quels sont les symptômes et dites-nous comment se fait le diagnostic ?

Le signe principal de l’hémophilie est le saignement en abondance. Ce saignement peut être accidentel le plus souvent (chute des enfants au cours d’un jeu, un accident de la circulation, etc.) ou provoqué (circoncision, excision, une opération chirurgicale, une scarification, une cérémonie d’initiation traditionnelle, etc.). Parfois, le saignement peut être spontané comme les changements de dents. Il y a dans ce cas de figure, le saignement sous la peau chez les enfants (hématome, ecchymose).

Les saignements peuvent être articulaires dans 70 à 80% des cas.

Chez les jeunes filles, l’hémophilie peut entraîner des règles trop abondantes et très longues qui peuvent s’étendre sur plusieurs jours, même souvent des semaines. Les saignements peuvent être importants et mettre en danger la vie du malade. Il peut en mourir rapidement, si rien n’est fait.

Tous les malades qui saignent beaucoup en cas de blessure, ne sont pas forcément hémophiles.

Comment en être certain ?

Pour savoir si un malade est hémophile ou pas, il faut analyser son sang au laboratoire. On prélève le sang dans un tube, puis on vérifie s’il a une quantité suffisante de facteurs 8 ou 9 dans l’échantillon effectué. S’il n’a pas ou a peu de facteur 8, on dit qu’il est hémophile A. De même, s’il n’a pas ou a peu de facteur 9, on dit alors qu’il est hémophile B.

En fonction de la quantité de facteurs 8 ou 9 dans son sang, on distingue trois formes de gravité d’hémophilie.

Et comment la prise en charge est-elle faite ? 

C’est une maladie certes impressionnante sur le plan clinique mais, sur le plan thérapeutique, le traitement est très facile. C’est là où on parle des deux extrêmes, passant de l’inquiétude extrême à la joie. Il suffit juste que le malade ait accès à ces concentrés de facteurs pour que la vie change. Vous allez prendre deux populations de malades. Des malades qui ont accès au facteur et des malades qui n’ont pas accès au facteur. Vous constaterez une nette différence. Une fois qu’ils entament le traitement, leur qualité de vie change.

En ce qui nous concerne ici, nous avons des concentrés de facteurs que nous recevons gratuitement de la Fédération Mondiale de l’Hémophilie (FMH). Donc, nous donnons aussi gratuitement ces concentrés de facteurs à  tous les malades qui sont diagnostiqués. Car une fois que le malade est diagnostiqué, on sait de quoi il souffre, mais si tel n’est pas le cas, on ne sait pas de quelle forme d’hémophilie il souffre.

Maintenant, quand on parle de prise en charge, il faut faire le diagnostic. Or le diagnostic, tout comme les prises de sang, sont à la charge du malade.

Quels conseils avez-vous à l’endroit des populations et quel message aux autorités ?

J’encourage la solidarité autour de cette maladie qui, en réalité fait peur, mais à la différence de beaucoup d’autres maladies chroniques comme le diabète,  se soigne bien et donne moins de complications. Et cette solidarité peut réduire les conséquences, les complications invalidantes de la maladie qui n’est pas  contagieuse. Il n’y a pas lieu d’avoir peur de l’hémophilie et d’un hémophile. Même si vous n’avez pas de cas chez vous, vous pouvez en connaître autour de vous ; partagez l’information pour qu’il puisse accéder au traitement.

Aux autorités, je voulais dire qu’on a vraiment besoin de leur appui pour nous accompagner dans la prise en charge de ces malades. Qu’elles s’y impliquent pour qu’on puisse acheter nous-mêmes des facteurs qui sont adaptés à nos réalités et à nos besoins. Ce qui nous permettra d’avoir un cadre de prise en charge des maladies hématologiques en général et, en particulier, les maladies d’hémophilie et de toutes les autres maladies hémorragiques.

Propos recueillis par Moussa Diarra

 

Source: Le Challenger

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