La délégation du Conseil de sécurité des Nations unies a achevé, le 3 janvier, sa mission à Bamako par une rencontre avec les trois principaux groupes armés du Nord-Mali.
Bien que les responsables onusiens se disent satisfaits de leur mission, l’on peut émettre quelques réserves au regard de certaines questions qui sont restées sans réponse. Avant d’évoquer ces questions, il convient d’abord de relever les points qui pourraient justifier l’optimisme de la délégation.
D’abord, il faut noter la reconnaissance de la souveraineté du Mali par tous les groupes rebelles. Cet acte constitue véritablement une avancée majeure vers une sortie définitive de crise.
La méfiance existe toujours entre Bamako et le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA).
En effet, s’il y a une question sur laquelle Bamako ne peut transiger, c’est bien celle qui porte sur l’intégrité territoriale du Mali. Il est donc heureux de constater que cette question ultrasensible a trouvé une solution qui satisfasse Bamako.
L’on doit être d’autant plus heureux que cette question a toujours été au cœur de la plateforme revendicative de toutes les rébellions touarègues auxquelles le Mali a fait face depuis Modibo Kéïta, le premier président du pays.
Cette pomme de discorde principale avait fini par dresser un mur de haine et de suspicion entre l’opinion malienne et les mouvements indépendantistes touaregs.
Le deuxième point de satisfaction porte sur la convergence de vues qui a été constatée dans les rangs des trois groupes rebelles sur la question du statut particulier de l’Azawad qu’ils revendiquent tous et sur leur disponibilité à dialoguer avec les autorités maliennes. Cette jonction des trois groupes armés sur ces questions pourrait permettre à Bamako de faire face à un groupe plus ou moins homogène et représentatif de l’ensemble des rebelles armés du Nord du pays.
Cela dit, des zones d’ombre qui sont de nature à apporter un bémol à l’optimisme de la mission onusienne persistent.
La première est relative à la méfiance qui existe toujours entre Bamako et le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA). Sur la question, l’on a l’impression que Bamako n’a jusque-là pas digéré l’exécution de ses soldats à Aguelhok au début de la crise, par les troupes du MNLA.
Dans le même registre, Bamako ne décolère pas de voir toujours le MNLA gérer Kidal comme s’il s’agissait d’une république dans la République du Mali. A ce propos d’ailleurs, il faut noter que bien des Maliens soupçonnent Paris d’entretenir des accointances avec le MNLA.
La deuxième zone d’ombre est relative à la pléthore de médiateurs. A ce sujet, l’on peut dire que l’irruption de l’Algérie et du Maroc pourrait compliquer la donne. En effet, il faut craindre que la rivalité historique entre Alger et Rabat sur la question du Sahara Occidental ne déteigne négativement sur une véritable sortie de crise du Nord-Mali. Déjà, cette rivalité se ressent au niveau des groupes armés.
Pendant que le Haut conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA) applaudit des deux mains la médiation algérienne, le MNLA est partant pour la médiation burkinabè qui sera appuyée par une facilitation marocaine.
Bamako doit trouver un modus vivendi avec tous les acteurs de la crise
Le moins que l’on puisse dire est que cette pléthore de médiateurs vient infirmer l’adage africain selon lequel « trop de viande ne gâte pas la sauce ». Cette fois-ci, la sauce risque d’être trop salée pour les uns et insipide pour les autres. Dans le même registre, l’on pourrait s’interroger sur le lieu qui abritera une éventuelle négociation entre les acteurs de la crise.
Sur cette question, il y a fort à parier que Ibrahim Boubacar Kéïta, qui tient au symbole et qui est partant pour Bamako, risque de rencontrer le niet du MNLA. L’on pourrait enfin se poser la question de savoir lequel des médiateurs va conduire le bal. Ouagadougou, Alger, ou Rabat.
Déjà, l’on a l’impression que l’acte de décès de la médiation burkinabè a été signé même si Alger continue de soutenir que son initiative ne remet pas en cause le boulot déjà abattu par Blaise Compaoré.
Cela dit, l’on a le sentiment que IBK marche sur des œufs. En effet, il doit à la fois tenir compte de son opinion qui est suffisamment remontée contre le MNLA et de la communauté internationale qui l’encourage à dialoguer avec tous les groupes armés.
De ce point de vue, Bamako doit trouver un modus vivendi avec tous les acteurs de la crise en évitant de faire du désarmement un point de fixation et un préalable pour prendre langue avec le MNLA.
Plus que jamais, IBK, qui a le souci de préserver l’image d’homme de poigne qu’il a su vendre aux Maliens à l’occasion de la campagne pour la présidentielle, ne doit pas oublier qu’il est le président de tous les Maliens.
De ce point de vue, aucun sacrifice ne devrait être de trop pour lui, pour aller dans le sens de la concorde nationale, dès lors que tous les acteurs de la crise se sont accordés pour ne pas toucher à l’intégrité du territoire du grand Mali. Pour le Mali et pour l’Afrique, pour reprendre le refrain de l’hymne national du Mali, IBK doit le faire.
Par Pousdem Pickou.
Source: Le Pays