Ibrahima Kébé “Tamaguidé”, jeune militant, commissaire principal de l’association politique Faso Kanu, premier président du Réseau des Jeunes des Partis Politiques du Mali sous l’égide de la fondation Centre Malien pour le Dialogue Inter-partis et la Démocratie, ancien dirigeant du collectif Mali Té Tila, est aussi l’un des dirigeants de la plate-forme AN TÈ, A BANNA qui a largement participé au report du projet de révision constitutionnelle de 2017. Il a répondu à nos questions.
Comme beaucoup de mouvements citoyens ou partis politiques, vous estimez que le président IBK et ses gouvernements successifs n’ont pas atteint les objectifs de programme annoncés par le candidat IBK en 2013. Quels sont les principaux échecs de ces 4 années et demie de mandat ?
Les Maliens, dans la plus grande majorité, sont déçus de la gestion désastreuse du pays par le régime actuel qui n’a pas été capable de répondre à leurs aspirations profondes. Incapacité à améliorer les conditions de vie et le quotidien des Maliens. Incapacité à apporter une réponse adéquate à l’insécurité et à la violence qui n’ont fait qu’augmenter. Incapacité à protéger les populations civiles et militaires. Incapacité à améliorer la gouvernance. Incapacité à améliorer l’accès aux services de santé et à l’instruction.
Incapacité à rouvrir les 500 écoles, si ce n’est plus, fermées depuis 4 ans pour cause d’insécurité. Incapacité à permettre le retour des Maliens qui croupissent dans les camps de réfugiés depuis plusieurs années. Incapacité à stopper l’accaparement des terres agricoles et urbaines. Incapacité à créer des emplois malgré les effets d’annonce répétés. Incapacité à assurer aux Maliens de l’extérieur des services diplomatiques dignes de ce nom. Incapacité à dédommager les victimes du programme d’ajustement structurel et celles de l’occupation de 2012. Incapacité à légiférer sur les conflits ancestraux entre éleveurs et agriculteurs que d’aucuns qualifient maintenant d’ethniques.
Incapacité à mettre en place une justice impartiale et rapide, laissant ainsi la place à la justice faite par des bandits armés locaux à qui certaines populations font maintenant confiance. Incapacité à exercer la souveraineté du Mali de Nioro du Sahel à Talahandack. Incapacité à recouvrer tout le territoire, dont l’intégrité était acquise depuis le 22 septembre 1960. Incapacité à respecter et faire respecter sur son sol le drapeau malien, l’hymne national du Mali et la devise du Mali. Incapacité à cantonner et désarmer les groupes armés. Incapacité à imposer l’armée, l’administration et les services sociaux de base dans toutes les localités des régions septentrionales du Mali.
Comment ce régime peut-il prétendre être capable d’organiser des élections sécurisées, transparentes, crédibles et apaisées ? Où sont passés le bonheur, la volonté politique, la dignité et l’honneur promis par le candidat IBK en 2013 ? Ce régime, adepte de la politique de l’autruche, n’a cessé de creuser sa tombe avec ses dents. Son échec est patent. Il fait partie des problèmes du Mali, et non de la solution pour notre PATRIE. Si nous laissons faire, il ne serait pas étonnant qu’à terme la gestion du pays par ce régime conduise à la partition du Mali, à la perte de l’indépendance et de la souveraineté du pays, à la dislocation et la liquidation de l’armée nationale, au démantèlement de l’Etat malien, et même à la déstabilisation de la sous-région. Il ne serait pas étonnant que l’ethnicitisation du moindre conflit conduise à terme à une guerre civile dans ce pays où tous les groupes ont toujours vécu ensemble pacifiquement.
La plupart des leaders politiques commencent à faire campagne pour l’élection présidentielle 2018, sans le déclarer vraiment. Ayant souvent été à des postes de responsabilité à un moment ou à un autre, ils sont eux-mêmes comptables de la situation socio-économique actuelle. Que peuvent-ils apporter de réellement nouveau ?
Tous les grands hommes n’ont été que l’incarnation d’une équipe. L’homme providentiel est une erreur. Notre maître Amadou Djikoroni (paix à son âme) nous disait qu’il n’y a pas d’homme providentiel. C’est une vérité scientifique incontournable. Ce sont les bonnes équipes qui font les bons capitaines. Elles travaillent ensemble, comme les cinq doigts de la main : réfléchir ensemble, décider ensemble, exécuter ensemble, contrôler ensemble et corriger ensemble. C’est pourquoi nous parlons de la mobilisation des bonnes volontés pour constituer une équipe dirigeante solide et inébranlable qui défendra les intérêts du peuple sans ambiguïté. Nous ne voulons plus d’individus qui viennent se servir de l’État et au lieu de servir l’Etat.
Le slogan de Faso Kanu est «Pour une alternative crédible, s’unir ou périr, voilà l’enjeu.» Vous parlez aussi de dépasser tous les clivages, de gommer toutes les nuances, de mobiliser absolument toutes les bonnes volontés. Pouvez-vous nous expliquer ce que cela signifie ? Est-ce une alternative crédible dès le 1er tour des élections ?
L’association Faso Kanu s’inscrit dans la logique de “Transformer le Mali en un pays libre, juste et démocratique, pour mettre fin à la situation désastreuse actuelle et lui substituer un régime souverain, un régime de justice et de démocratie véritable. Par la voie d’une bonne gouvernance, appuyée sur la science et la technique tout en respectant scrupuleusement les valeurs fondamentales de notre culture multiséculaire.”
Cette alternative crédible signifie changer d’équipe dirigeante et de système de gouvernance. Notre PATRIE a réellement besoin de définitivement mettre un terme à l’affront, à l’humiliation et de relancer l’édification nationale pour aboutir au bonheur du peuple. Depuis le 19 novembre 1968, nous cherchons des voies et moyens. Pour abattre démocratiquement ce régime inconsistant qui continue à bafouer l’indépendance et la souveraineté du Mali et se radicalise de plus en plus, il faut arrêter de régler les problèmes comme s’ils étaient des pièces détachées.
Il faut également accepter d’avoir comme priorité le sauvetage du Mali et ses valeurs, à tout prix. Pour ça, il nous faut passer à l’essentiel en cas d’élection ou pas : ALTERNATIVE CRÉDIBLE. Cette alternative crédible nous impose de trouver enfin les bonnes réponses aux questions que nous posons depuis des années : Qui sommes-nous ? D’où venons-nous ? Qu’avons-nous fait en bien ? en mal ? Où en sommes-nous au plan sécuritaire, politique, économique, social, culturel et cultuel, etc. ? Que devons-nous faire ? Pourquoi ? Comment ? Quand ? et ou ? A qui confier les tâches ? Quelle forme de gouvernance adopter ? Selon quel processus ?
Cette alternative crédible sera basée sur une ligne politique, correcte et un programme cohérent à l’avantage du peuple du Mali.
Jusqu’à quel point les candidats potentiels que vous avez consultés pensent-ils que seule l’union pourrait permettre d’empêcher la victoire d’IBK s’il se représentait ?
Tout le monde pense que cette union autour de l’essentiel est un passage obligé pour mettre fin démocratiquement au règne de ce régime qui s’est révélé incapable de faire face aux défis. Derrière les phrases de chacun de ceux qui se sont exprimés sur cette idée, on comprend qu’il faudrait que cette union se fasse autour de lui-même. Mais nous ne désespérons pas, quoiqu’il arrive l’essentiel sera sauvé sans nuance, parce que le peuple est souverain.
Comment les partis dits d’opposition vont-ils procéder pour s’unir et choisir l’un d’entre eux comme seul et unique candidat face à celui du RPM ?
Selon la presse, il semble que Modibo Sidibé n’adhère pas à l’idée de candidat unique, contrairement à Tièbilé Dramé et Soumaila Cissé. Les partis d’opposition doivent aller au-delà des simples déclarations dans les médias. Ensemble, ils doivent planifier des séances de travail communes et dignes de ce nom, au terme desquelles ils proposeront au peuple la charte de gouvernance qu’ils auront élaborée ensemble dans le seul intérêt du Mali, et rendront public le nom de celui ou celle qui portera le flambeau pour eux tous, c’est-à-dire le nom du candidat unique de l’opposition. Pour arriver à cette union, tous devront accepter certains compromis. Nous ne pouvons qu’espérer qu’ils y parviennent. Selon nos sources Tiebilé Dramé travaille inlassablement sur cette question.
Il y en a d’autres qui ne se reconnaissent pas dans cette opposition politique, mais ils ont les mêmes ambitions. C’est pourquoi l’association Faso Kanu parle de dépasser tous les clivages, de gommer toutes les nuances, de mobiliser absolument toutes les bonnes volontés.
Je vous laisse le mot de la fin, Ibrahima Kébé.
Recadrer pour mieux orienter. Vu l’incapacité du régime actuel, les conditions pour une élection présidentielle transparente, sécurisée, apaisée et crédible sont-elles réunies, et seront-elles réunies pour que les élections puissent se tenir aux dates voulues ? Si tel n’est pas le cas, que décidera ce gouvernement ? Dans le contexte actuel malien, quelles seront les conséquences d’une élection présidentielle bâclée sur l’intégrité territoriale du Mali, sa forme républicaine, et comme je l’ai dit plus haut, sur le respect de son drapeau, de son hymne national et de sa devise sur son sol ?
En tout cas, nous pensons que c’est au peuple de décider de la lutte. Il n’y a pas de solution en dehors du peuple. Mieux vaut se tourner vers lui en toute souveraineté, et à temps, pour qu’il indique la marche à suivre, que de l’exclure délibérément. Dans ce cas, il prendra toutes ses responsabilités, et l’alternative deviendra possible sans élection. L’humain sera au centre des préoccupations. À l’impossible nul n’est tenu.
Propos recueillis par Françoise WASSERVOGEL
Le Reporter