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Oumar Hamadoun Dicko : «Le CNSP doit se mettre à équidistance de toutes les forces vives»

Le président du Parti pour la solidarité et le progrès (PSP) dévoile sa vision sur la Transition qui se met en place. Aussi, l’ancien ministre du Dialogue social, du Travail et de la Fonction publique jette un regard sur la situation sociopolitique du pays 

 

L’Essor : Quelle analyse faites-vous de la situation sociopolitique du pays, trois semaines après les évènements du 18 août 2020 ?

Oumar Hamadoun Dicko : La crise socio-politique que nous traversons est la résultante de plusieurs convergences : la lutte méthodique du M5-RFP, les atermoiements et mauvaises décisions successives depuis 5 mois, la paupérisation croissante des populations, les frustrations accumulées au sein de l’armée etc… ont fini par ouvrir un boulevard à un coup de force.

Tout ceci n’est pas nouveau, l’histoire de notre pays est semée de ruptures plus ou moins violentes suivies de transitions plus ou moins longues. Cela date de l’Empire du Mali. Plus récemment dans notre histoire, ce cycle est malheureusement récurrent : rupture – transition tous les dix ans en moyenne.

Ce sont toutes des périodes de rupture-transition plus ou moins fortes et plus ou moins courtes. Ce sont des périodes historiques où la marmite politique et sociale a bouilli progressivement sans que le couvercle ne soit soulevé à temps. 1945-1946 : c’est la Constituante française, puis la Constitution de 1946 qui aura un impact majeur sur les colonies. 1957-1959 : c’est la Loi Cadre qui ouvre la voie à une période transitoire.

1968 : coup d’État contre Modibo Keïta et son régime. 1978 : arrestation de Tiékoro Bagayogo, Kissima Doukara et compagnons. En fait, c’est à cette date que Moussa Traoré exerce la réalité du pouvoir et prépare l’avènement de l’UDPM en 1979. 1991 : coup d’État et transition dirigée par ATT. 2002 est la seule année où nous avons assisté à une passation démocratique du pouvoir. 2012 : coup d’État puis transition, la suite est connue…

La particularité du coup de force du 18 août 2020, c’est qu’il s’est passé en douceur, sans effusion de sang et à la surprise générale. Sauf qu’aujourd’hui, les coups de force militaires ne passent plus aux yeux des communautés régionales et internationales. La Cedeao est donc dans son rôle de veille. C’est aux Maliens à trouver les ressources nécessaires pour rebondir. Je crois que la Concertation nationale qui s’annonce a pour objectif de légitimer le coup de force et créer les conditions d’un nouveau départ pour le Mali. Nous n’avons pas droit à l’erreur. Il s’agit aujourd’hui pour les Maliens de construire leur avenir commun dans l’inclusivité et la responsabilité.

Il faut que la sagesse prévale et que chacun comprenne que notre pays est fragilisé depuis des années. L’existence même du pays est menacée sur le moyen terme. Donc sachons raison garder. C’est aux Maliens de surprendre le monde et de trouver des solutions consensuelles pour l’avenir, l’on doit aujourd’hui montrer notre capacité de résilience pour construire un Mali où la Loi sera là pour tous et où les équilibres des pouvoirs deviennent une réalité.

L’Essor : Quels architecture, missions, durée et profil des dirigeants préconisez-vous pour une transition réussie ?

Oumar Hamadoun Dicko : Pour une transition réussie, il faudrait tirer les leçons du passé et enclencher une vision et des objectifs clairs à atteindre sur le court, moyen et le long termes en tenant compte de notre potentiel et des faiblesses structurelles et conjoncturelles enregistrées depuis soixante ans d’indépendance afin de sortir de ce cycle infernal de ruptures – transitions.

Une transition ne doit être ni trop longue ni trop courte ; elle doit se concentrer sur les articulations essentielles et le maintien des grands équilibres de l’État et de la Nation. Nous pensons qu’un délai de 15 mois avec un chronogramme d’actions précises pourrait tout à fait mettre le Mali sur les rails.

L’aboutissement de cette Transition devant être la mise en œuvre des nouveaux textes fondateurs et structurants (révision de la Constitution, référendum, révision de la loi électorale, révision de la charte des partis, régionalisation, révision de l’Accord pour la paix et la réconciliation, issu du processus d’Alger…) et l’organisation d’élections générales transparentes et crédibles.

Il nous faut désormais éviter les périodes hivernales pour organiser des élections. Nous préconisons les mois de novembre et décembre afin de permettre de meilleures campagnes électorales et une meilleure écoute et participation des citoyens après les récoltes.

En ce qui concerne la feuille de route de la transition, nous avons au niveau du Front pour la sauvegarde de la démocratie signataire de l’Accord politique (FSD SAP) fait des suggestions autour de trois missions essentielles : la stabilisation et la pacification sans délais du territoire national ; les réformes politiques et institutionnelles convenues et enfin l’organisation d’élections libres transparentes et crédibles.

Ces missions fondamentales peuvent être déclinées en actions prioritaires dans différents domaines. Il s’agit notamment du domaine de la paix, de la sécurité et de la cohésion sociale, du domaine politique et institutionnel, du domaine de la gouvernance, du front social, des domaines de l’économie et des finances.

Au titre des organes de transition, il faut d’une part un Conseil national de transition dirigé par un civil, et des hommes compétents reconnus pour leur probité morale et leur sens élevé de l’État et de la chose publique et qui doit servir d’organe législatif et d’autre part un gouvernement d’union nationale d’une vingtaine de ministres répondant aux mêmes critères d’expérience, de compétence et de sens élevé de l’État.

L’Essor : Quelle appréciation portez-vous sur les termes de référence pour l’organisation de la transition dont l’atelier de validation s’est tenu samedi dernier ?

Oumar Hamadoun Dicko : J’avais dit plus haut qu’il faut qu’on sache tirer les leçons du passé, le Dialogue national inclusif, qui s’est très bien déroulé, devait servir de repère, de boussole et d’élément d’orientations pour les concertations qui sont programmées.
Il s’agissait tout simplement de s’en inspirer d’autant plus que toutes les forces vives de la nation étaient impliquées et toutes les questions y ont été traitées.

Les termes de référence pour les concertations nationales doivent tout simplement en tenir compte et organiser une transition inclusive et apaisée pour ne pas retomber dans les travers du passé.

Pour une transition réussie, il nous faut sortir des batailles de positionnement, des querelles de clochers, des batailles d’égo, pour mettre le Mali au-dessus de tout. Le CNSP doit se mettre à équidistance de toutes les forces vives pour être le garant de la stabilité de notre pays.

Propos recueillis par
Massa SIDIBÉ

Source : L’ESSOR

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