Le président de l’office s’est étendu, lors de sa conférence de presse, sur les cas de trois fonctionnaires, dont les biens colossaux méritent que les juges s’y attardent pour en connaître l’origine.
L’Office central de lutte contre l’enrichissement illicite (Oclei) a transmis à la justice trois dossiers portant sur des supposées affaires de corruption, dont la valeur cumulée est évaluée à plus de 4 milliards de Fcfa, a révélé samedi son président. Intervenant lors d’une conférence de presse visant à partager son rapport annuel avec la presse et les autres acteurs intervenant dans la chaîne de répression de l’enrichissement illicite dans notre pays, Moumini Guindo a précisé que l’essentiel de l’argent détourné au Mali est transféré à l’étranger. Ce magistrat jugé «travailleur acharné» par le président de la République a, entre autres, cité la sous-région, la France, les États-Unis d’Amérique et le Moyen-Orient comme destinations de l’argent détourné par des fonctionnaires véreux.
Le président de l’Oclei, Moumouni Guindo, s’est étendu sur les cas de trois fonctionnaires qui se seraient enrichis illicitement et dont les dossiers ont été déjà transmis à la justice. Le premier concerne un inspecteur des services de sécurité sociale. L’homme serait propriétaire de 17 maisons d’habitation dont trois maisons ont déjà été vendues. Il posséderait aussi quatre véhicules particuliers. La valeur des biens est estimée à 969,31 millions de Fcfa.
Le deuxième dossier concerne un inspecteur des finances qui aurait 18 maisons d’habitation. Sa résidence est un bâtiment de trois étages avec une piscine, qui aurait coûté 400 millions de Fcfa. Pendant que l’enquête était en cours, il aurait vendu trois maisons à ses propres enfants dont une villa à l’ACI à 10 millions de Fcfa. L’homme posséderait également 18 maisons non encore bâties. Le total des biens s’élève à 1,751 milliard de Fcfa.
Le troisième concerne aussi un inspecteur des finances. L’office a identifié 20 bâtiments lui appartenant dont 17 maisons d’habitation. Ses biens immobiliers comporteraient aussi deux écoles privées, une ferme agricole mise en valeur, 46 parcelles dont l’essentiel est en titre foncier, deux maisons d’habitation déjà vendues, un bâtiment commercial vendu aussi. Cette personne a utilisé beaucoup de prête-noms. Ses enfants de 2 ans, 4 ans et 6 ans, posséderaient respectivement des maisons de 300 millions, 100 millions, 200 millions. La valeur de ses biens a été estimée à 1,562 milliard de Fcfa.
Outre ces trois dossiers qui ont été menés à leurs termes, l’Oclei travaille sur 35 autres dossiers, dont les conclusions seront portées à la connaissance du grand public, a annoncé Moumini Guindo, assurant que, pour faciliter le rapatriement des fonds présumés détournés, l’Office est en train de signer des protocoles avec les organisations de lutte contre l’enrichissement illicite présentes dans les pays concernés.
Ces révélations confirment les inquiétudes soulevées par le rapport 2018 du Bureau du Vérificateur général (BVG). Selon ce document remis au chef de l’État le 4 juillet 2019, les faiblesses de gouvernance et de gestion des deniers publics constatées ont mis en exergue le fossé entre les pratiques des agents publics, les textes juridiques, les procédures administratives, etc. Faisant dire aux contrôleurs indépendants que le détournement des deniers publics ne fait plus peur en République du Mali. De hauts cadres de l’État réussissant, sans s’apeurer et sans être inquiétés, à détourner des milliards de Fcfa, privant ainsi les populations des services sociaux de base.
Ces constats du BVG corroborent les conclusions de l’étude commanditée par l’Oclei sur l’étiologie de l’enrichissement illicite dans l’administration publique malienne dans le District de Bamako, les Régions de Kayes, Koulikoro, Sikasso et Ségou. Ses cibles, a expliqué le président, étaient les agents publics et des citoyens non fonctionnaires. Il s’agissait alors de savoir les causes principales qui poussent les agents publics à s’enrichir de façon illicite.
À cet effet, l’étude dont les conclusions ont été présentées par Moumini Guindo a montré que les causes sont dues : à 60% aux faiblesses institutionnelles, législatives et règlementaires, 57% à la volonté d’être riche, à 55,6% aux causes socioculturelles et à 50% au manque de volonté politique de combattre le fléau.
Les méthodes et pratiques utilisées sont, entre autres, la perception de pot-de-vin, le détournement des deniers publics et l’abus d’autorité, a cité le conférencier, déplorant que les obstacles à cette lutte décelés par l’étude sont les immunités et privilèges de juridiction, l’absence de protection des dénonciateurs, et la faiblesse de la volonté politique, etc.
Concernant la déclaration de biens des assujettis, l’Oclei a reçu 998 déclarations de biens entre 2017-2018, a dévoilé son président. Les gouverneurs, les préfets et les sous-préfets constituent la majorité des fonctionnaires qui se sont pliés à cet exercice, a-t-il précisé.
Toutefois, pour changer la perception sur la corruption et espérer réussir la lutte contre ce fléau, les auteurs du rapport suggèrent des réformes institutionnelles, législatives et réglementaires. Afin, selon eux, de corriger les dysfonctionnements constatés au sein de l’administration publique, renforcer les capacités des systèmes juridiques et judiciaires, des organes de vérification et de contrôle. Tout cela serait vain sans une amélioration des conditions de vie et de travail des agents publics, prévient l’étude sur l’éthiologie de la corruption.
Précisons que le rapport couvre la période allant du 1er juin 2017 au 31 décembre 2018. Un numéro vert (80 00 22 22) est mis en place afin de permettre aux citoyens de dénoncer les faits d’enrichissement illicite et de corruption.
Amadou B. MAÏGA
Source: Journal l’Essor-Mali