2020, qui marque la fin de la deuxième décennie du 21è siècle, semble charrier tous les malheurs qui nous ont été promis depuis vingt ans : dérèglements climatiques et toute la cohorte d’effets pervers, de maladies sournoises et pernicieuses, multiplications de foyers de tension, offensives aveugles et meurtrières des djihado-terroristes, massacres de populations, surtout de femmes et d’enfants, ces êtres que nous chérissons…
Le nouveau siècle, après seulement une vingtaine d’années de parcours, ne nous laisse plus guère d’illusion. Il sera catastrophique et tragique ! Il est déjà suicidaire, porteur de mauvaises pulsions. Tel Dracula, il aime le sang et prend plaisir à le voir abondamment répandu. Le commerce des armements, le deuxième plus florissant après celui du pétrole, qui alimente cette folie meurtrière, est le fait de pays puissants, toujours prompts à faire la morale aux autres.
Or, ce commerce, qu’ils pratiquent avec un savoir-faire consommé, est certainement le plus amoral qui puisse être, d’autant qu’ils vont jusqu’à ‘’susciter’’ des conflits pour lui assurer des marchés prospères et durables.
L’Organisation des Nations Unies devrait relancer les débats sur cette sinistre activité, pour élaborer un code d’éthique susceptible de la ramener à des proportions raisonnables.
En attendant qu’une telle initiative puisse se concrétiser (ses chances sont quasi nulles, pour les raisons que l’on sait), le terrorisme a encore de beaux jours devant lui, adossé à un arsenal qui semble inépuisable.
Le Mali, notre pays, compte pour rien dans ce jeu macabre. Il en est un petit pion, une victime collatérale.
Mais, s’il est aujourd’hui réduit à un rôle de souffre-douleur, c’est bien pour n’avoir pas su s’élever au niveau de l’analyse et de responsabilité requis.
S’enfermant dans l’excuse facile de la guerre asymétrique, notre armée, mal encadrée et sous équipée, s’est constamment laissée piéger par l’ennemi, en abandonnant l’initiative à ce dernier. Pendant ce temps, nos spécialistes du terrorisme comptaient leurs milliards acquis par l’acquisition de matériel obsolète et défectueux.
Ce triste et révoltant aspect de la dévastatrice crise de sécurité que subit le Mali est régulièrement escamoté par le régime, son principal mentor étant soucieux de sauver la tête de sa famille et de ses affidés, qui n’ont pu agir qu’avec son consentement ouvert ou implicite.
Ceci explique les diverses manœuvres du pouvoir pour contrer les courageuses tentatives d’opposition à ses dérives.
Le président de la République, après avoir repoussé toutes les initiatives visant à faire reporter les législatives, est parvenu à ses fins en ouvrant largement l’hémicycle à ses partisans, qui mettront un point d’honneur à faire aboutir toutes les réformes voulues par lui.
La deuxième institution de la République, en plus d’être aujourd’hui essaimée par des députés acquis d’avance aux causes présidentielles, des élus quasi illettrés, est devenue le refuge de justiciables, désormais couverts par l’immunité parlementaire, donc à l’abri de toutes poursuites.
Le peuple malien, qui a boudé les dernières législatives, devra souffrir de voir se repaitre de ses impôts des représentants sans foi, ni idéal, qui ont tôt fait de s’aligner derrière le parti majoritaire pour être assurés de ne rien rater des avantages d’une législature, qui s’annonce comme la plus évanescente de l’ère démocratique au Mali.
Trente ans de pratiques démocratiques pourraient aboutir à la situation incongrue d’une assemblée nationale sans opposition, les élus de l’URD et du SADI, deux partis de l’opposition traditionnelle, ayant choisi de jouer les transfuges au profit de la majorité présidentielle.
Les femmes députées, dont on a salué l’arrivée remarquable au sein de l’hémicycle, ne devraient pas, selon toutes les apparences, aller au-delà d’une symbolique représentation…
Le Mali, depuis bientôt une décennie, est en voie de perdre toutes les valeurs qui avaient façonné son image de pays debout, fier et digne.
Sous IBK, les symboles de notre déchéance se multiplient. Ils vont de la corruption ouverte au sommet, à l’impunité et à l’incivisme poussés au rang de permissivité, en passant par une dégradation effrénée des mœurs.
La gouvernance largement défaillante de l’Etat, maintes fois mise à l’indexe par les observateurs extérieurs, l’opposition et les lanceurs internes d’alerte, a aliéné à l’Etat la crédibilité de l’essentiel de ses attributs.
Les libertés prises, ces derniers temps, par la CMA vis-à-vis de l’autorité nationale ne sont que la conséquence du manque de poigne des représentants de l’Etat, notamment ses ministres, face à des interlocuteurs qui n’ont jamais raté une occasion de tester leur fermeté sur des questions de principe.
Si bien que, actuellement, aucun Malien ne peut vous affirmer avec certitude que Kidal relève encore de l’entité territoriale du Mali. D’autant que les ex-rebelles font tout pour brouiller la lecture de la véritable situation de cette région emblématique de la crise du Nord et de notre frustration nationale.
La posture actuelle de l’Etat malien découle d’une incroyable accumulation de légèretés et une absence notoire de vision. Ceci nous renvoie à cette réflexion de Voltaire à propos de son contemporain Marivaux « qui pesait des œufs de mouche avec une bascule de toile d’araignée ».
Mamadou Kouyaté
koumate3@gmail.com