L’icône sud-africaine a connu une existence mouvementée. Et certaines de ses réflexions et de ses déclarations resteront.
Nelson Mandela, décédé jeudi 5 décembre à l’âge de 95 ans, a semé sa vie de réflexions qui seront ses épitaphes, dans la lutte clandestine, puis à la tête de l’Etat sud-africain et jusque dans sa retraite politique. En voici quelques unes :
Je ne suis pas né avec une faim de liberté. Je suis né libre – libre de toutes les façons que je pouvais connaître. Libre de courir dans les champs près de la hutte de ma mère, libre de nager dans le ruisseau clair qui traversait mon village, libre de faire griller du maïs sous les étoiles et de monter sur le dos large des boeufs au pas lent (…) Ce n’est que lorsque j’ai appris que la liberté de mon enfance n’était qu’une illusion, qu’on m’avait déjà pris ma liberté, que j’ai commencé à avoir faim d’elle.” (Autobiographie)
J’ai lutté contre la domination blanche et j’ai lutté contre la domination noire. Mon idéal le plus cher a été celui d’une société libre et démocratique dans laquelle tous vivraient en harmonie avec des chances égales. J’espère vivre assez longtemps pour l’atteindre. Mais si cela est nécessaire, c’est un idéal pour lequel je suis prêt à mourir.” (présentant sa défense lors du procès de Rivonia, qui allait le condamner à la prison à vie en 1964)
J’ai l’impression que toutes les parties de mon corps, chair, sang, os et âme ne sont plus que de la bile, tant mon impuissance absolue à te venir en aide dans les moments terribles que tu traverses me rend amer.”(Lettre à sa femme Winnie datée du 1er août 1970, citée dans une compilation de ses écrits parue en 2010, “Conversations avec moi-même”)
Je décidai de ne dire à personne ce que j’étais sur le point de faire… Il y a des moments où un leader doit s’avancer au-devant du troupeau, partir dans une nouvelle direction, avec la confiance qu’il mène son peuple sur le bon chemin.” (Autobiographie, racontant sa décision en 1985 d’entamer, en captivité, des pourparlers préliminaires avec le régime d’apartheid)
Je me tiens devant vous non comme un prophète, mais comme votre humble serviteur à vous, le peuple. Vos sacrifices infatigables et héroïques ont rendu possible ma présence ici aujourd’hui. Je place en conséquence les années restantes de ma vie entre vos mains.” (11 février 1990, discours du balcon de l’hôtel de ville du Cap, quelques heures après sa libération après plus de vingt-sept ans de détention)
De l’expérience d’un extraordinaire désastre humain qui a duré trop longtemps doit naître une société dont toute l’humanité sera fière… Jamais, jamais, plus jamais ce magnifique pays ne devra connaître l’oppression d’un homme par un autre.”
Nous forgeons une alliance qui nous fera bâtir une société dans laquelle tous les Sud-Africains, noirs et blancs, pourront marcher la tête haute, sans peur dans leur coeur, assurés de leur droit inaliénable à la dignité humaine – une Nation arc-en-ciel en paix avec elle-même et le monde.” (10 mai 1994, discours d’investiture de président)
Je savais parfaitement que l’oppresseur doit être libéré tout comme l’opprimé. Un homme qui prive un autre homme de sa liberté est prisonnier de sa haine, il est enfermé derrière les barreaux de ses préjugés et de l’étroitesse d’esprit. (…) Quand j’ai franchi les portes de la prison, telle était ma mission: libérer à la fois l’opprimé et l’oppresseur.” (Autobiographie)
Quelles qu’aient été ses erreurs, et il en a fait beaucoup, il a sa place dans l’Histoire. Sans son soutien (au processus de négociations), nous n’aurions jamais fait la paix.” (Son jugement sur le bilan du dernier président du régime de l’apartheid, Frederik de Klerk)
Mon plus grand regret dans la vie est de n’être jamais devenu champion du monde poids lourds de boxe.”(1998)
Si je n’avais pas été enfermé en prison pendant vingt-sept ans, je ne sais pas si j’aurais été aussi bon avec les enfants. Mais vingt-sept ans sans voir des enfants, c’est une expérience terrible.” (2003, réflexion sur son oeuvre au profit de l’enfance)
Etre amoureux est une expérience que chaque homme doit connaître. Pour moi, c’est une expérience extraordinaire. On devrait être reconnaissant de vivre une expérience pareille.” (1997, sur sa liaison naissante avec Graça Machel)
Toutes les composantes de la nation travaillent à construire notre pays et à en faire un miracle. C’est ce qui me fait espérer quand je vais me coucher. Je ne doute pas un seul instant que lorsque j’entrerai dans l’éternité, j’aurai le sourire aux lèvres.” (1997, réflexion sur les réalisations accomplies depuis la fin de l’apartheid)
L’un des problèmes qui m’inquiétaient profondément en prison concernait la fausse image que j’avais sans le vouloir projetée dans le monde: on me considérait comme un saint. Je ne l’ai jamais été, même si l’on se réfère à la définition terre à terre selon laquelle un saint est un pécheur qui essaie de s’améliorer.” (Interview au “Sunday Times”, citée dans “Conversations avec moi-même”)
Nous devons nous rappeler que notre première tâche est d’éradiquer la pauvreté et d’assurer une meilleure vie à tous.” (2009, message vidéo diffusé lors d’un meeting électoral de l’ANC, sa dernière intervention politique)
Par Le Nouvel Observateur avec AFP
Source: Le Nouvel Observateur