Depuis quelques temps, la question des négociations avec les groupes terroristes est sur toutes les lèvres. Dans une interview donnée à une radio internationale le Premier ministre Moctar Ouane a de nouveau rappelé qu’il souhaitait s’engager dans cette voie. Le chef de la MINUSMA a lui aussi expliqué, il y a quelques jours, que les maliens étaient favorables à ce dialogue. On pourrait alors croire que ces discussions mettront enfin un terme aux années de guerre qui déchirent le Mali. Mais les choses ne sont pas si simples et finalement le pays aurait sans doute plus à perdre qu’à gagner.
Le premier obstacle auquel se confronte le gouvernement est bien évidement la position de la France. Le président Macron l’a martelé lors du dernier sommet du G5-Sahel, il n’y aura pas de négociations avec les terroristes, son objectif restant la « décapitation de la hiérarchie djihadiste ». Une divergence de point de vue qui fragilise grandement le gouvernement de la Transition alors que la France soutient depuis des années le Mali dans son combat contre le terrorisme. Au sein même du gouvernement des voix s’élèvent aussi pour rejeter cette idée. Ainsi Ismaël Wagué, ministre de la Réconciliation, déclarait il y a quelques jours : « on ne doit pas négocier avec les terroristes ! ». Une belle épine dans le pied de la Transition quand on sait que ce ministère est au cœur de cette thématique.
Le Mali devrait pourtant se souvenir de sombres expériences de négociations avec les djihadistes. En effet, si le gouvernement peut se féliciter d’avoir libéré quatre otages dont l’ancien Président Soumaïla Cissé en octobre 2020, la contrepartie financière a indubitablement permis à ces groupes terroristes de renforcer leur logistique mais aussi leur influence. On sait désormais qu’une infime partie de l’argent de la rançon était distribuée à la population faisant passer les djihadistes pour des bienfaiteurs ! Mais le plus grave fut la remise en liberté de quelques 200 prisonniers. Parmi eux se trouvaient des combattants confirmés et aussi des experts en confection de bombes artisanales qui se sont rapidement remis au travail. Les conséquences ont été aussi simples que dramatiques : des maliens sont morts sur des IED et des soldats des forces de sécurité sont tombés sous les balles de ces terroristes relâchés.
Alors que va faire le gouvernement ? Quelles concessions est-il prêt à faire au nom des Maliens ?
Il parait bien inconcevable qu’une partie de l’avenir du pays puisse reposer sur des négociations avec des leaders djihadistes venus de l’étranger, comme l’algérien Abou Oubeida Youssef pour AQMI ou le marocain Al-Saharaoui pour l’EIGS. Le message envoyé au peuple serait catastrophique. De plus, les revendications des terroristes qu’elles soient territoriales ou religieuses sont bien différentes d’un groupe à l’autre donc impossibles à satisfaire. On peut alors craindre que nos hommes politiques s’engagent dans une impasse qui affaiblirait implacablement un Mali en pleine reconstruction. A déclarer que des négociations sont possibles, l’Etat prend le risque qu’une partie de la population pense que les djihadistes sont devenus fréquentables. Une idée que ne partagent certainement pas les maliens qui vivent dans la terreur au quotidien.
Idrissa Khalou
Source: Malijet