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Musique : Black Racine, le reggae aux racines profondes

Créé en 2010, Black Racine est un groupe de reggae de Bamako composé du duo ivoirien Amadou Sanou et Dion Jean Fernand. Danseurs traditionnels et contemporains à la base, les deux artistes décident d’explorer un nouvel univers, notamment celui de la musique reggae, mais sans pourtant abandonner leur première passion qu’est la danse.  Portrait !     

La trame de la carrière musicale de Tiken Jah Fakoly va-t-elle se reproduire au Mali ?  Voilà la question qui nous vient à l’esprit quand on écoute l’histoire des deux hommes, Ivoiriens, qui composent le groupe de reggae Black Racine de Bamako composé d’Amadou Sanou alias Fous Bill Dion Jean Fernand surnommé Jean de Zélé. Un duo ivoirien installé à Bamako depuis plus d’une dizaine d’années et cité aujourd’hui parmi les figures montantes de la musique reggae au Mali. Leur credo: la combinaison de la musique reggae et la danse traditionnelle. Une symbiose musicale qu’ils expérimentent à travers leur premier opus intitulé Dernier jugement, sorti en 2018.

Fous Bill et Jean de Zélé ont tous les deux été bercés par la danse traditionnelle. Une passion commune qui les réunit en 2009 au Mali au sein de la troupe de danse Tanably où ils se sont rencontrés pour la première fois. Ensuite, ils rejoignent ensemble en 2010 la compagnie de danse Welekan d’où vient leur l’idée de la création de Black Racine. Cependant, avant Black Racine, les deux danseurs ont connu de belles années durant lesquelles ils ont presté sur les planches de plusieurs manifestations culturelles en Afrique, notamment le Festival Guéva de Man en Côte d’Ivoire, le Festival du Dialogue et du Corps (Burkina Faso), le Festival des masques de Conakry (Guinée) et de Marakala (Mali).

Genèse du groupe

C’est en fin 2010 que le tandem décide, non pas d’aller au-delà de la danse traditionnelle, mais de la combiner à la musique reggae. “La création artistique n’a pas de limite. A l’origine, nous sommes des danseurs traditionnels, mais cela doit-il nous empêcher d’innover, de nous ouvrir à d’autres mondes artistiques ?”, s’interroge le groupe. La réponse à cette question aboutit ainsi à la naissance du groupe Black Racine. Un nom qui s’inspire des grands arbres centenaires d’Afrique comme le Baobab et le Kaïcédrat. “Tous les grands arbres ont des racines profondes et les racines de Black Racine sont bien ancrées dans la tradition malienne”, défend le duo.

Le tandem décide donc d’explorer un nouvel univers artistique : le reggae, mais dans une approche libre qui révolutionne le reggae traditionnel. Dans cet univers, reggae et danse traditionnelle se côtoient en symbiose. “Le reggae a toujours été une musique de vérité et la danse, elle, est sincère. Les expressions du corps ne mentent jamais. A travers la danse, l’artiste exprime ses émotions les plus profondes. De l’autre côté, le reggaeman ne fait pas de complaisance. Il dit la vérité, il conscientise et il dénonce”, précise le groupe.

“Dernier jugement”

Naturellement, le tout premier album du groupe, Dernier jugement, composé de 8 titres, n’échappe pas à la règle : dénonciation des tares de la société et conscientisation du monde. La mauvaise gouvernance, le pillage de l’Afrique par l’occident sont, entre autres, des messages qui constituent le nœud du titre éponyme Dernier jugement de l’album.

Dans le titre Amina, le groupe rend hommage aux anciens qui ont marqué l’histoire comme le révolutionnaire argentin Ernesto Guevara “Che Guevara” et le prophète de la musique reggae Robert Nesta Marley alias Bob Marley. Le titre Guetto est dédié à Bamako. Dans ce titre, le groupe chante leur ville d’accueil. Un titre qui évoque l’hospitalité qui leur ait offerte dans la capitale malienne. Dernier jugement est un album aux saveurs envoutantes qui pousse le reggae dans de nouveaux retranchements rythmiques, un style qui se veut libre et spirituel.

Avant cette rencontre à Bamako et la naissance de Black Racine, les deux hommes ont, comme la plupart des artistes, connu des débuts difficiles. Leur parcours solo, chacun de son côté, n’a pas été un long fleuve tranquille. Natif de Toumodi, une ville au centre de la Côte d’Ivoire, Fous Bill embrasse la danse depuis son jeune âge. Très passionné, il arrêtait le public depuis ses 10 ans. “Je dirais que la danse est innée en moi. J’ai été plus attiré dans la danse par ce que je trouvais en la danse un refuge, une consolation”, se confie-il. Repéré lors d’une compétition interscolaire, il intègre la troupe de Danse Kavotia d’Abidjan où il passera 6 ans. Afin d’arrondir ses fins de mois, Fous Bill pratiquait le métier de couture qu’il apprit avec son oncle lors d’un séjour à Oumey.

C’est en 2005 qu’il décide de venir tenter sa chance au Mali, mais pas seulement dans la danse : “Je suis venu au Mali parce qu’avec la crise politique qu’a connu le pays à l’époque, mes activités étaient impactées. Mais j’ai surtout été motivé par la promesse d’un boulot de couturier parce que j’ai pensé qu’il faut se trouver un autre métier dans la vie au-delà de sa passion”, raconte Fous Bill qui n’abandonnera pas sa passion. Ainsi, il fréquentera plusieurs troupes de danse au Mali comme Douba, Do, le centre Togola et Kanably, compagnie au sein de laquelle il fait la connaissance de son compère Jean de Zélé.

Quant à Jean Zélé dont le surnom s’inspire de son village natal, Zélé, devenu un quartier de la ville de Man situé dans l’ouest de la Côte d’Ivoire, il découvre le monde des arts par le théâtre de la rue, c’est-à-dire le théâtre non encadré, mais il était passionné par tout ce qui touche à l’art. Cependant, il va être confronté à l’incompréhension de la sa famille qui voulait le voir, comme les autres enfants, dans les champs de cacao et de café. Le petit Jean bénéficiera du soutien de sa grand-mère pour poursuivre sa passion.

En 2003, Jean de Zélé embrasse la danse suite à la création de la troupe Kouado de Man. “Dans ce groupe, nous avons été encadrés par des professionnels et nous avons eu à sillonner toute la région à travers nos prestations”, se rappelle-il. Mais ce succès ne durera pas longtemps car quelques années plus tard, les activités de la troupe commencent à battre de l’aile, impactées par la conjecture économique du pays due à la crise sociopolitique. C’est ainsi qu’il met le cap sur Conakry (Guinée) où il passe quelques mois. N’arrivant pas y trouver son chemin, Jean retourne au bercail. Il tentera ensuite l’aventure au Burkina Faso, mais c’est au Mali que le destin le conduit notamment dans la troupe Tanably qui sera le point de départ vers la musique reggae.

Un tandem, une histoire commune

La rencontre des deux membres du groupe n’est pas fortuite. Les hommes partagent certaines choses communes qui peuvent nous sembler banales, mais réelles. Des points communs qui les rapprochent plus l’un de l’autre. Primo, les deux membres de Balck Racine ont la nationalité ivoirienne. Secundo, Fous Bill et Jean de Zélé ont tous les deux quitté leur pays d’origine pour s’installer au Mali, même si les raisons et leur date d’arrivée dans la capitale malienne diffèrent. Tertio, ils sont tous les deux des orphelins de mère. Ils perdent leur mère avant leur dixième année. Quarto, les deux artistes sont nés au mois de janvier (1er janvier et 10 janvier) et quinto, les deux membres partagent la même passion : celle de la musique et de la danse.  Quoi de plus pour former un duo de choc ?                  Youssouf KONE

Source: Aujourd’hui-Mali

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