Le Conseil supérieur de la magistrature vient de radier le Cheick Mohamed Chérif Koné, qui n’a jamais bridé ses critiques contre la junte au pouvoir.
« Opposition à l’autorité légitime » : le motif pour lequel Cheick Mohamed Chérif Koné vient d’être radié de l’ordre malien des magistrats, ce 29 août, aurait de quoi surprendre, au premier abord. Le Mali ne continue-t-il pas de se présenter comme une République où l’expression d’un désaccord avec le régime en place est censément tolérable ? Quant à la « légitimité » de l’autorité évoquée, correspond-elle, si l’on parle de la junte dirigée par Assimi Goïta, à la définition prévue tant dans l’ancienne Constitution que dans la nouvelle ?
Ne niant pas le droit à la liberté d’expression, les tenants de la procédure disciplinaire contre Koné – le Conseil supérieur de la magistrature et le ministre de la Justice du gouvernement de transition – brandissent le statut de magistrat qui proscrirait, selon eux, des « sorties médiatiques intempestives » considérées, dès lors, comme des « fautes professionnelles, disciplinaires ou pénales ». L’avocat du radié, maître Kassoum Tapo, tente de contredire cette analyse : « Le statut de magistrat interdit à mon client d’être membre d’un parti politique ou de collecter des fonds pour un parti politique, mais il ne lui impose pas de vivre en dehors de la société sans exprimer de convictions. »
Bras de fer devant la Cour suprême ?
Par ailleurs, le conseil de Cheick Mohamed Chérif Koné regrette que n’ait pas été prise en compte la dénonciation de possibles irrégularités de procédure notamment liées à la composition du conseil de discipline, à l’affectation de son client au moment des faits reprochés et au présumé anachronisme de certaines dispositions retenues avec la promulgation récente d’une nouvelle Constitution. Le Conseil supérieur de la magistrature semble avoir fait fi de ces considérations techniques…
S’agit-il donc d’un « procès politique (…) prémédité », comme le murmurent les partisans de Koné ? Il est clair que le magistrat radié s’est tôt affiché comme un frondeur, à l’égard du régime “transitionnaire” d’Assimi Goïta. Dans le cadre de l’Association malienne des procureurs et poursuivants (AMPP), de la Référence syndicale des magistrats (Refsyma) ou de la plateforme de l’Appel du 20 février 2023, il n’a eu de cesse de dénoncer une manipulation de la justice malienne par les tenants du pouvoir. En septembre 2021, il avait déjà été démis de ses fonctions de Premier avocat à la Cour suprême du Mali.
Le bras de fer pourrait continuer devant cette même Cour suprême malienne, voire devant la Cour africaine des droits de l’homme et la Cour de justice de la Cedeao. Il pourrait également être incarné par Dramane Diarra, un autre magistrat qui figurerait dans le collimateur du conseil de discipline du Conseil supérieur de la magistrature…
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