Le parti du tisserand, le Rassemblement Pour le Mali (RPM) dirige la destinée de notre pays depuis le 04 septembre 2013. Ayant le tisserand comme logo, ce régime devrait au moins tenter d’aider ou penser aux tisserands. D’autant plus que notre pays, le Mali, est, selon le gouvernement, le premier producteur de coton dans la sous-région. A cet égard, nous nous sommes rendus à un site des tisserands à Medina Coura, face à l’école fondamentale Tiécoura Diarra non loin du centre d’Etat civil secondaire. C’est AlamamySangho qui nous a accueillis. Assis par terre, portant un t-shirt et un pantalon bleuâtre en train de préparer des bobines pour sa navette, M. Sangho a accepté de répondre à nos questions.
Le Zénith-Balé: Depuis quand vous exercez ce métier et qu’est-ce qui vous a motivé à devenir tisserand ?
AlmamySangho: J’ai commencé à apprendre ce métier depuis 1980. C’est mon papa qui me l’a appris. J’apprends le métier à mon fils. Dans notre famille, ce métier est un héritage. Nous sommes des Mabos, caste peul, nous ne faisons et connaissons que tisser.
ZB: Ce métier a-t-il des avantages ? Qu’est-ce que vous en avez tiré ?
Z. Sangho: Evidemment qu’il a des avantages. Grâce à ce métier, j’ai pu me marier, fonder ma famille. Actuellement, toutes mes dépenses sont prises en charge par les revenus de ce métier.
ZB: Avez-vous rencontré des difficultés dans l’exercice de ce métier ?
Z. Sangho: Ce métier comme tout autre a plusieurs difficultés. Cependant, la difficulté majeure à laquelle nous faisons face est la cherté et le manque de fil. C’est l’usine COMATEX qui fabrique ces fils. Et quand elle connait un arrêt, nous serons en manque de fil. A cause de la cherté du fil et de la mévente des produits, beaucoup de tisserands ont abandonné ce métier. Lorsque nous commencions, des tisserands étaient installés presqu’au bout de chaque rue.
ZB: Autrefois, les vielles femmes concevaient des bobines pour les tisserands. En utilisez-vous aujourd’hui ?
Z. Sangho : Ces bobines se font aujourd’hui très rares. Mais, certaines personnes nous les amènent dès fois. On leur tisse selon leur choix (pagne, trousseau de mariage ou linceul).
ZB: Le parti au pouvoir a comme logo le tisserand. Avez-vous remarqué une amélioration sur le marché par rapport aux autres régimes précédents ?
Z. Sangho :Non ! Rien n’a changé. Nous n’avons remarqué aucune amélioration sur le marché. Ce parti n’a rien fait pour nous aider. Ils ont pris le tisserand comme logo mais ils ne savent même pas si nous existons. Car ni avant jusqu’à être au pouvoir, aucun cadre de ce parti n’est jamais venu, même nous dire bonjour. Peut-être même chercher à connaître davantage ce qu’un tisserand. Ils le connaissent certainement en tant que malien mais s’ils avaient daigné nous approcher, nous aurions pu leur donner des conseils, des explications qui pouvaient leur être utiles. Car, c’est un métier que nous avons hérité.
Il faut le dire honnêtement, les matériels de notre travail sont devenus plus chers sous ce régime que les autres. Avant, le fil était moins cher et on en trouvait partout. Par exemple en 2009, le fil coutait seulement 3000 et on l’achetait ici aux environs de la Mairie de Medina Coura. Maintenant, non seulement il est cher (entre 4000 et 5000 FCFA) mais, on n’en trouve même pas.
Normalement, le RPM (Rassemblement Pour le Mali), parti au pouvoir, doit nous aider. Car, si tu vois seulement le RPM, tu vois le tisserand. Même si tu ne connais pas le parti, tu le reconnaitrais à travers le tisserand. Mais, il n’a rien fait pour nous aider. Je m’inquiète que le métier de tisserand ne disparaisse dans les années voire les jours à venir.
Seul l’Etat pourrait nous éviter cela. Par exemple au Burkina Faso, l’Etat a mis le métier en valeur. Chaque année, le gouvernement burkinabè consacre un budget à la formation et au développement des tisserands. Grâce à cet appui, les tisserands burkinabè ont amélioré leur technique. Les burkinabè disposent des techniques plus améliorées et travaillent avec des lisses plus larges que ce que nous disposons ici. Aujourd’hui, les tisserands du Burkina produisent des tissus destinés à l’habillement. Alors que ce que nous produisons ne peut être utilisé que pour la couverture ou la décoration. Or, la plupart des tisserands burkinabè ont appris le métier ici au Mali.
Tous les tisserands du Mali sont réunis dans une association dénommée ATM (Association des Tisserands du Mali). Et je suis le vice-président. Notre association n’a reçu aucune aide de la part de l’Etat sauf des invitations lors des foires. Là-bas, c’est une perte de temps car tu peux faire toute une foire sans rien vendre.
ZB: Avez-vous un appel à l’endroit des autorités ?
Sangho : Je demande, encore une fois de plus, aux dirigeants d’aider les artisans. Parce que c’est le développement de ces derniers qui fait développer le pays.
Propos recueillis par Yacouba TRAORE